Savitri - Book Five - Canto 2

B OOK F IVE – C ANTO 2 – S ATYAVAN L IVRE C INQ – C HANTE 2 – S ATYAVAN

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK FIVE - The Book of Love

LIVRE CINQ – Le Livre de l’Amour

Canto Two - Satyavan

Chant Deux - Satyavan

All she remembered on this day of Fate, The road that hazarded not the solemn depths But turned away to flee to human homes, The wilderness with its mighty monotone, The morning like a lustrous seer above, The passion of the summits lost in heaven, The titan murmur of the endless woods.

Elle se souvint de tout en ce jour du Destin ; La route qui longeait les profondeurs solennelles Pour s’en détourner vers les demeures humaines, Le désert et son majestueux monotone, Le matin comme un brillant prophète au-dessus, La passion des sommets perdus dans les cieux, Le murmure titanique des bois sans fin.

As if a wicket gate to joy were there Ringed in with voiceless hint and magic sign,

Telle une porte de jardin s’ouvrant sur la joie, Cernée d’indices muets et de signes magiques,

Upon the margin of an unknown world Reclined the curve of a sun-held recess; Groves with strange flowers like eyes of gazing nymphs

A la lisière même d’un monde inconnu La courbe d’un pré reposait au soleil ; Des bocages dont les fleurs comme des yeux de nymphes Semblaient secrètement observer l’espace Et les rameaux chuchotaient à la douce lumière,

Peered from their secrecy into open space, Boughs whispering to a constancy of light

Sheltered a dim and screened felicity, And slowly a supine inconstant breeze Ran like a fleeting sigh of happiness Over slumbrous grasses pranked with green and gold.

Abritaient dans leur ombre un délice voilé, Et lentement courait une brise inconstante, Comme le soupir d’un bonheur fugitif, Sur l’herbe somnolente piquée d’or et de vert. Cachées dans la solitude de la forêt Les voix natives parmi les feuilles appelaient, Tendrement éprises, comme d’invisibles désirs, Un cri plus grave répondant au cri insistant. En arrière dormaient des distances d’émeraude, Retraite d’une Nature passionnée, déniée A tous, sauf à sa propre vision sauvage.

Hidden in the forest's bosom of loneliness Amid the leaves the inmate voices called, Sweet like desires enamoured and unseen, Cry answering to low insistent cry. Behind slept emerald dumb remotenesses, Haunt of a Nature passionate, veiled, denied To all but her own vision lost and wild.

Earth in this beautiful refuge free from cares

La Terre, dans ce beau refuge exempt de tourments,

Murmured to the soul a song of strength and peace. Only one sign was there of a human tread:

Fredonnait à l’âme un chant de force et de paix. Seul un signe était là d’une présence humaine : Un étroit sentier, dardé comme une flèche Dans le sein de cette vie vaste et secrète, Perçait le songe de son énorme isolement. Ici rencontra-t-elle sur la terre incertaine Celui pour qui son cœur était venu si loin. Comme une âme enluminée sur un fond de Nature Se profilant un instant dans un air de rêve

A single path, shot thin and arrowlike Into this bosom of vast and secret life, Pierced its enormous dream of solitude.

Here first she met on the uncertain earth The one for whom her heart had come so far. As might a soul on Nature's background limned Stand out for a moment in a house of dream Created by the ardent breath of life,

Créé par le souffle ardent de la vie, Ainsi apparut-il à l’orée de la forêt Serti entre la verdure et le rayon d’or. Telle à une arme de la Lumière vivante, Droite et altière comme un glaive de Dieu Sa figure menait la splendeur du matin.

So he appeared against the forest verge Inset twixt green relief and golden ray.

As if a weapon of the living Light, Erect and lofty like a spear of God His figure led the splendour of the morn. Noble and clear as the broad peaceful heavens A tablet of young wisdom was his brow; Freedom's imperious beauty curved his limbs, The joy of life was on his open face. His look was a wide daybreak of the gods, His head was a youthful Rishi's touched with light, His body was a lover's and a king's. In the magnificent dawning of his force Built like a moving statue of delight He illumined the border of the forest page. Out of the ignorant eager toil of the years Abandoning man's loud drama he had come Led by the wisdom of an adverse Fate To meet the ancient Mother in her groves.

Noble et clair comme les grands cieux paisibles, Une image de jeune sagesse était son front ; Une libre, impérieuse beauté courbait ses membres, La joie de vivre animait tout son visage. Son regard était une aube des dieux, Sa tête pareille à celle d’un jeune Rishi, Son corps celui d’un amant et d’un roi. Dans l’aurore magnifique de sa force Bâti comme une vivante statue de plaisir Il illuminait toute la lisière des bois. Quittant l’âpre labeur ignorant des années Et le drame bruyant de l’homme il était venu, Conduit par la sagesse d’un Destin adverse, Rencontrer la Mère ancienne dans ses forêts.

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In her divine communion he had grown A foster-child of beauty and solitude, Heir to the centuries of the lonely wise, A brother of the sunshine and the sky, A wanderer communing with depth and marge. A Veda-knower of the unwritten book Perusing the mystic scripture of her forms, He had caught her hierophant significances, Her sphered immense imaginations learned, Taught by sublimities of stream and wood And voices of the sun and star and flame And chant of the magic singers on the boughs And the dumb teaching of four-footed things. Helping with confident steps her slow great hands He leaned to her influence like a flower to rain And, like the flower and tree a natural growth, Widened with the touches of her shaping hours. The mastery free natures have was his And their assent to joy and spacious calm; One with the single Spirit inhabiting all, He laid experience at the Godhead's feet; His mind was open to her infinite mind, His acts were rhythmic with her primal force; He had subdued his mortal thought to hers. That day he had turned from his accustomed paths; For One who, knowing every moment's load, Can move in all our studied or careless steps, Had laid the spell of destiny on his feet And drawn him to the forest's flowering verge.

Dans sa communion divine il avait grandi, Adopté par sa solitude et sa beauté, Héritier des siècles des sages ermites, Un frère des rayons de lumière et du ciel, Un libre vagabond des fonds et des bords. Un connaisseur du Véda que nul n’a écrit Déchiffrant le texte mystique de ses formes, Saisissant ses significations hiérophantes Et ses immenses imaginations circulaires, Il s’était instruit par le torrent et le bois,

Les voix du soleil, de l’étoile et de la flamme Et des chanteurs magiciens sur les rameaux Et le muet enseignement des animaux. Aidant de ses pas confiants ses grandes mains lentes, Il s’ouvrit à elle comme une fleur à la pluie Et ainsi comme la fleur et l’arbre grandissent, Il s’élargit, modelé par ses heures. La maîtrise qu’ont les libres natures, était sienne, Leur adhésion à la joie, à l’espace et au calme ; Uni à l’Esprit qui seul habite toutes choses, Il offrait l’expérience aux pieds de la Déité, Son mental était ouvert à son infinité, Ses actes étaient en rythme avec sa force ; Il avait soumis sa pensée mortelle à la sienne. Il s’était ce jour-là écarté de ses sentiers ; Car Lui, qui connaît la charge de chaque instant Et peut mouvoir à notre insu chacun de nos pas,

Avait posé son sortilège sur Satyavan Et l’avait entraîné à la lisière fleurie.

At first her glance that took life's million shapes

Le regard de Savitri, prenant toutes les formes

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Impartially to people its treasure-house Along with sky and flower and hill and star, Dwelt rather on the bright harmonious scene. It saw the green-gold of the slumbrous sward, The grasses quivering with the slow wind's tread, The branches haunted by the wild bird's call. Awake to Nature, vague as yet to life, The eager prisoner from the Infinite, The immortal wrestler in its mortal house, Its pride, power, passion of a striving God, It saw this image of veiled deity, This thinking master creature of the earth, This last result of the beauty of the stars, But only saw like fair and common forms The artist spirit needs not for its work And puts aside in memory's shadowy rooms. A look, a turn decides our ill-poised fate. Thus in the hour that most concerned her all, Wandering unwarned by the slow surface mind, The heedless scout beneath her tenting lids Admired indifferent beauty and cared not To wake her body's spirit to its king. So might she have passed by on chance ignorant roads Missing the call of Heaven, losing life's aim, But the god touched in time her conscious soul. Her vision settled, caught and all was changed. Her mind at first dwelt in ideal dreams, Those intimate transmuters of earth's signs That make known things a hint of unseen spheres, And saw in him the genius of the spot,

Impartialement pour en peupler son trésor Avec le ciel et la fleur, la colline et l’étoile, S’attarda plutôt sur l’harmonie de la scène - Sur la teinte vermeille du pré endormi, Les herbes frémissant au passage du vent, Les branches hantées par les cris des oiseaux ; Eveillé à la Nature, pas encore à la vie, L’impatient prisonnier venu de l’Infini, Le lutteur immortel dans son mortel habitat, Fier, puissant et passionné tel un dieu au combat, Regarda cette image de la divinité, - Ce maître pensant, créature de la terre, Ce résultat vivant de la beauté des étoiles - Et pourtant ne vit que des formes plaisantes Dont l’esprit artiste n’a pas besoin pour son oeuvre Et qu’il range dans les chambres de la mémoire. Un coup d’œil, un tournant, décident de notre sort. Ainsi, à l’heure qui la concernait le plus, Non averti par le lent mental de surface, L’éclaireur négligent sous l’abri des paupières Admira l’indifférente beauté, sans penser A éveiller l’esprit de son corps à son roi. Ainsi eut-elle pu, sur les routes du hasard, Ignorer l’appel et perdre le but de la vie, Mais à temps le dieu toucha son âme consciente. Sa vision s’affermit, saisit, et tout fut changé. Son mental, s’attardant en des rêves idéaux - Ces intimes interprètes des signes terrestres Qui lient des scènes perçues à un monde invisible -, D’abord vit en lui le génie de l’endroit,

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A symbol figure standing mid earth's scenes, A king of life outlined in delicate air.

Une figure symbolique apparaissant là, Un roi de la vie incisé dans l’air délicat.

Yet this was but a moment's reverie; For suddenly her heart looked out at him,

Mais ce ne fut que la rêverie d’un moment, Car soudainement son cœur le regarda, Avec l’intensité qui échappe à la pensée, Et le reconnut, plus proche que ses propres fibres. Tout en cet instant fut surpris et saisi, - Que l’extase inconsciente avait enveloppé Ou les paupières colorées de l’imaginaire Avaient montré dans le miroir d’un air de rêve -, Tout jaillit enflammé pour recréer l’univers Et, dans ce feu, elle naquit à une autre vie. Un tumulte mystique s’éleva de ses fonds ; Halée, secouée, dressée de ses songes tranquilles, La vie accourut à chaque porte des sens : Des pensées de joie, indistinctes dans une brume, Des émotions comme lorsque naît un monde, S’engouffrèrent dans l’espace de sa poitrine Envahie par un essaim de dieux d’or : A un hymne des prêtres de la merveille Son âme ouvrit grandes ses portes à ce soleil. Une alchimie s’effectua ; vint la transmutation ; Le sortilège du Maître avait opéré. Dans la clarté sans nom de deux yeux s’approchant, Un brusque tournant de ses jours apparut Vers une lueur de mondes inconnus. Alors, tremblant du choc intérieur, son coeur Remua dans son sein, s’écriant comme un oiseau Qui entend son compagnon sur un proche rameau. Le galop des sabots, le fracas des roues, cessa ;

The passionate seeing used thought cannot match, And knew one nearer than its own close strings. All in a moment was surprised and seized, All in inconscient ecstasy lain wrapped Or under imagination's coloured lids Held up in a large mirror-air of dream, Broke forth in flame to recreate the world, And in that flame to new things she was born. A mystic tumult from her depths arose; Haled, smitten erect like one who dreamed at ease, Life ran to gaze from every gate of sense: Thoughts indistinct and glad in moon-mist heavens, Feelings as when a universe takes birth, Swept through the turmoil of her bosom's space Invaded by a swarm of golden gods: Arising to a hymn of wonder's priests Her soul flung wide its doors to this new sun. An alchemy worked, the transmutation came; The missioned face had wrought the Master's spell. In the nameless light of two approaching eyes A swift and fated turning of her days Appeared and stretched to a gleam of unknown worlds. Then trembling with the mystic shock her heart Moved in her breast and cried out like a bird Who hears his mate upon a neighbouring bough. Hooves trampling fast, wheels largely stumbling ceased;

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The chariot stood like an arrested wind.

Le chariot se tint comme un vent arrêté.

And Satyavan looked out from his soul's doors And felt the enchantment of her liquid voice Fill his youth's purple ambience and endured The haunting miracle of a perfect face. Mastered by the honey of a strange flower-mouth, Drawn to soul-spaces opening round a brow, He turned to the vision like a sea to the moon And suffered a dream of beauty and of change, Discovered the aureole round a mortal's head, Adored a new divinity in things. His self-bound nature foundered as in fire; His life was taken into another's life. The splendid lonely idols of his brain Fell prostrate from their bright sufficiencies, As at the touch of a new infinite, To worship a godhead greater than their own. An unknown imperious force drew him to her. Marvelling he came across the golden sward: Gaze met close gaze and clung in sight's embrace. A visage was there, noble and great and calm, As if encircled by a halo of thought, A span, an arch of meditating light, As though some secret nimbus half was seen; Her inner vision still remembering knew A forehead that wore the crown of all her past, Two eyes her constant and eternal stars, Comrade and sovereign eyes that claimed her soul, Lids known through many lives, large frames of love. He met in her regard his future's gaze,

Satyavan regarda par les portes de son âme Et sentit l’enchantement de sa voix liquide Emplir le pourpre de sa jeunesse ; il endura Le miracle poignant d’un visage parfait. Maîtrisé par le miel de ses lèvres en fleur, Attiré aux espaces d’âme autour de son front, Comme une mer à la lune il se tourna vers elle, Souffrit un rêve de beauté et de changement, Découvrit l’auréole couronnant un mortel, Et adora une nouvelle divinité. Sa propre nature s’effondra comme en feu ; Sa vie était prise dans la vie d’un autre. Les splendides idoles de son cerveau Tombèrent prostrées de leurs suffisances, Comme au toucher d’un nouvel infini, Pour vénérer une force plus grande. Un pouvoir inconnu l’attira vers elle. Il franchit émerveillé l’herbe dorée : Deux regards se rencontrèrent et s’étreignirent. Un visage était là, noble et grand et calme, Comme encerclé par un halo de pensée, Ou une arche de lumière concentrée, La présence devinée de nimbes secrets ; Elle, dans sa mémoire intérieure, reconnut Un front couronné de son passé tout entier, Et deux yeux qui étaient ses étoiles éternelles, Les camarades et souverains de son âme, Connus et aimés dans beaucoup de vies. Et lui, dans ce regard, rencontra l’avenir,

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A promise and a presence and a fire, Saw an embodiment of aeonic dreams, A mystery of the rapture for which all Yearns in this world of brief mortality Made in material shape his very own. This golden figure given to his grasp Hid in its breast the key of all his aims,

Une promesse, une présence et un feu, Et vit l’incarnation de rêves éoniens, Un mystère de l’extase que tout implore Dans ce monde de mortalité éphémère, Rendu sien dans une forme matérielle. Cette figure d’or offerte à ses bras Détenait la clé de chacun de ses buts, Le pouvoir d’apporter la Joie sur la terre, De joindre à la vérité la pensée du mortel Et soulever les cœurs plus près du soleil. Ici dans ces grands esprits maintenant incarnés L’amour, de l’éternel, fit descendre le pouvoir De faire de la vie sa base neuve et durable. Sa passion surgit de fonds insondables Et bondit sur la terre de hauteurs oubliées, Mais garda sa nature d’infinité. Sur le sein inerte de ce globe sans mémoire, Bien que nous semblions nous rencontrer inconnus, Nos vies ne sont pas des étrangers qui se joignent Mus l’un vers l’autre par une force sans cause. L’âme peut reconnaître son âme compagne A travers le Temps ; et, voyageuse absorbée Sur les routes du monde, se tournant elle retrouve Des splendeurs familières dans un autre visage Et, alertée par le doigt impérieux de l’amour, Elle vibre à nouveau d’un bonheur immortel Revêtu d’un corps éphémère pour l’expérience.

A spell to bring the Immortal's bliss on earth, To mate with heaven's truth our mortal thought, To lift earth-hearts nearer the Eternal's sun. In these great spirits now incarnate here Love brought down power out of eternity To make of life his new undying base. His passion surged a wave from fathomless deeps; It leaped to earth from far forgotten heights, But kept its nature of infinity. On the dumb bosom of this oblivious globe Although as unknown beings we seem to meet, Our lives are not aliens nor as strangers join, Moved to each other by a causeless force. The soul can recognise its answering soul Across dividing Time and, on life's roads Absorbed wrapped traveller, turning it recovers Familiar splendours in an unknown face And touched by the warning finger of swift love

It thrills again to an immortal joy Wearing a mortal body for delight.

There is a Power within that knows beyond Our knowings; we are greater than our thoughts,

Il y a un Pouvoir au-dedans qui sait mieux Que nos savoirs ; nous sommes plus grands que nos pensées,

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And sometimes earth unveils that vision here. To live, to love are signs of infinite things, Love is a glory from eternity's spheres. Abased, disfigured, mocked by baser mights That steal his name and shape and ecstasy, He is still the godhead by which all can change. A mystery wakes in our inconscient stuff, A bliss is born that can remake our life.

Et parfois la terre dévoile cette vision. Vivre, aimer, sont les signes de choses infinies, L’amour est une gloire des sphères éternelles. Avili, défiguré, moqué par des puissances Qui volent son nom et sa forme et son extase, Il est encore le dieu par qui tout peut changer. Un mystère s’anime dans notre substance Et naît une joie qui peut refaire notre vie.

Love dwells in us like an unopened flower Awaiting a rapid moment of the soul, Or he roams in his charmed sleep mid thoughts and things;

L’amour attend en nous comme une fleur en bouton Un instant rapide de l’âme ; ou il vagabonde Dans son sommeil parmi les pensées et les choses ; Le divin enfant s’amuse, il se cherche lui-même Dans beaucoup de cœurs, d’esprits et de formes vivantes : Il se languit pour un signe qu’il peut reconnaître Et s’éveille alors aveuglément à une voix, Un regard, un toucher, le sens d’un visage. Son instrument l’obscur mental corporel, Oublieux de toute perception supérieure, Il se saisit d’une expression de charme extérieur Pour le guider dans la cohue de la Nature, Lit des vérités dans les semblances de la terre, Désire l’image en lieu de la divinité, Devine les immortalités de la forme Et prend le corps périssable pour l’âme sculptée.

The child-god is at play, he seeks himself In many hearts and minds and living forms: He lingers for a sign that he can know And, when it comes, wakes blindly to a voice, A look, a touch, the meaning of a face. His instrument the dim corporeal mind, Of celestial insight now forgetful grown, He seizes on some sign of outward charm To guide him mid the throng of Nature's hints, Reads heavenly truths into earth's semblances, Desires the image for the godhead's sake, Divines the immortalities of form And takes the body for the sculptured soul. Love's adoration like a mystic seer Through vision looks at the invisible, In earth's alphabet finds a godlike sense; But the mind only thinks, “Behold the one For whom my life has waited long unfilled, Behold the sudden sovereign of my days.”

L’adoration de l’amour, tel un voyant mystique, A travers la vision contemple l’invisible, Trouvant le sublime dans l’alphabet de la terre ; Mais le mental seulement pense, « Voici celui Pour qui ma vie a si longtemps attendu, Voici le soudain souverain de mes jours. »

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Heart feels for heart, limb cries for answering limb; All strives to enforce the unity all is. Too far from the Divine, Love seeks his truth And Life is blind and the instruments deceive And Powers are there that labour to debase. Still can the vision come, the joy arrive. Rare is the cup fit for love's nectar wine, As rare the vessel that can hold God's birth; A soul made ready through a thousand years Is the living mould of a supreme Descent. These knew each other though in forms thus strange. Although to sight unknown, though life and mind Had altered to hold a new significance, These bodies summed the drift of numberless births, And the spirit to the spirit was the same. Amazed by a joy for which they had waited long, The lovers met upon their different paths, Travellers across the limitless plains of Time Together drawn from fate-led journeyings In the self-closed solitude of their human past, By the revealing greatness of a look, Form-smitten the spirit's memory woke in sense. The mist was torn that lay between two lives; Her heart unveiled and his to find her turned; Attracted as in heaven star by star, They wondered at each other and rejoiced And wove affinity in a silent gaze. A moment passed that was eternity's ray, To a swift rapturous dream of future joy And the unexpected present of these eyes.

Le cœur s’émeut pour le cœur, le corps pour le corps ; Tout s’efforce d’exercer l’unité que tout est. Trop loin du Divin, l’Amour cherche sa vérité Et la Vie est aveugle et les instruments trompent Et des Pouvoirs sont là qui travaillent à corrompre. Pourtant la vision peut venir, la joie arriver. Rare est la coupe apprêtée pour le nectar, Le vaisseau qui peut tenir la naissance de Dieu ; Une âme préparée à travers mille années Est le moule vivant d’une Descente suprême. Ceux-ci se reconnurent, bien qu’en des formes étranges. Bien qu’inconnus à la vue, bien que vie et pensée Se fussent altérées pour prendre un nouveau sens, Ces corps étaient la somme d’innombrables naissances, Et l’esprit demeurait le même à l’esprit. Surpris par une joie qu’ils avaient tant espérée, Les amants se retrouvaient, leurs chemins se croisant, Voyageurs à travers les plaines du Temps Attirés ensemble de leurs périples distincts Dans la solitude de leur passé humain Au rêve fulgurant d’une extase à venir Et au présent inattendu de ces yeux. Saisie par l’évidente grandeur d’un regard, La mémoire de l’esprit s’éveilla dans les sens. Le brouillard se déchira qui séparait deux vies ; Elle lui offrit son cœur, vers elle il se tourna ; Attirés l’un à l’autre comme deux étoiles, S’émerveillant et se réjouissant l’un de l’autre,

Ils tissèrent leur affinité de leurs yeux. Un instant s’écoula, rayon de l’éternel ;

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An hour began, the matrix of new Time.

Une heure commença, matrice d’un Temps nouveau.

Fin du Chant Deux

End of Canto Two

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