Savitri - Book Four - Canto 4

B OOK F OUR – C ANTO 4 – T HE Q UEST L IVRE Q UATRE – C HANTE 4 – L A Q UETE

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK FOUR - The Book of Birth and Quest

LIVRE QUATRE – Le Livre de la Naissance et de la Quête

Canto Four - The Quest

Chant Quatre – La Quête

The world-ways opened before Savitri. At first a strangeness of new brilliant scenes Peopled her mind and kept her body's gaze. But as she moved across the changing earth A deeper consciousness welled up in her: A citizen of many scenes and climes, Each soil and country it had made its home; It took all clans and peoples for her own, Till the whole destiny of mankind was hers. These unfamiliar spaces on her way Were known and neighbours to a sense within, Landscapes recurred like lost forgotten fields, Cities and rivers and plains her vision claimed Like slow-recurring memories in front, The stars at night were her past's brilliant friends, The winds murmured to her of ancient things And she met nameless comrades loved by her once. All was a part of old forgotten selves: Vaguely or with a flash of sudden hints Her acts recalled a line of bygone power, Even her motion's purpose was not new: Traveller to a prefigured high event, She seemed to her remembering witness soul To trace again a journey often made. A guidance turned the dumb revolving wheels And in the eager body of their speed The dim-masked hooded godheads rode who move

Les voies du monde s’ouvrirent devant Savitri. D’abord une étrangeté de scènes brillantes Peupla son mental et retint son regard. Mais alors qu’elle allait sur la terre changeante Une conscience plus profonde sourdait en elle: Citoyenne de beaucoup de lieux et de contrées, Chaque sol et chaque pays était son foyer ; Tous les clans et tous les peuples étaient les siens, Sien était le destin entier de l’humanité. Ces espaces inaccoutumés sur son chemin Etaient connus et voisins d’un sens intérieur, Paysages pareils à des champs oubliés, Cités et rivières et plaines réclamées Comme de lents souvenirs rappelés devant elle, Les étoiles étaient des amies de son passé, Les vents lui murmuraient des choses anciennes, Elle retrouvait des camarades aimés. Tout était une part de vieux soi oubliés : Vaguement, ou dans un soudain éclair, Ses actes évoquaient un pouvoir disparu, Même l’objet de sa quête était reconnu : Voyageuse à un événement préfiguré, Elle semblait, à la mémoire de son âme, Retracer un périple souvent accompli. Un guide faisait tourner les roues de sa calèche Et dans le corps impétueux de leur vitesse Se tenaient les dieux masqués qui sont assignés

Assigned to man immutably from his birth, Receivers of the inner and outer law, At once the agents of his spirit's will And witnesses and executors of his fate. Inexorably faithful to their task, They hold his nature's sequence in their guard Carrying the unbroken thread old lives have spun. Attendants on his destiny's measured walk Leading to joys he has won and pains he has called, Even in his casual steps they intervene. Nothing we think or do is void or vain; Each is an energy loosed and holds its course. The shadowy keepers of our deathless past Have made our fate the child of our own acts, And from the furrows laboured by our will We reap the fruit of our forgotten deeds. But since unseen the tree that bore this fruit And we live in a present born from an unknown past, They seem but parts of a mechanic Force To a mechanic mind tied by earth's laws; Yet are they instruments of a Will supreme, Watched by a still all-seeing Eye above. A prescient architect of Fate and Chance Who builds our lives on a foreseen design The meaning knows and consequence of each step And watches the inferior stumbling powers. Upon her silent heights she was aware Of a calm Presence throned above her brows Who saw the goal and chose each fateful curve; It used the body for its pedestal; The eyes that wandered were its searchlight fires,

Immuablement à l’homme depuis sa naissance, Récepteurs de la loi intérieure et extérieure, A la fois les agents du vouloir de son esprit Et les témoins et exécutants de son destin. Inexorablement fidèles à leur tâche, Ils tiennent l’ordre de sa nature sous leur garde, Portant intact le fil de ses vies antérieures. Accompagnant la marche de sa destinée Aux joies qu’il a gagnées, aux maux qu’il a invités, Même dans ses pas fortuits ils interviennent. Rien de ce que nous pensons ou faisons n’est en vain ; Chaque énergie relâchée détient son parcours. Les gardiens ténébreux de notre passé Ont fait de notre destin l’enfant de nos actes, Et des sillons labourés par notre volonté Nous récoltons le fruit de nos faits oubliés. Mais parce qu’invisible est l’arbre de ce fruit Et notre présent est né d’un passé inconnu, Ils semblent des parts d’une Force mécanique A un mental que régissent les lois de la terre ; Pourtant servent-ils une Volonté suprême, Veillés par un Regard omnivoyant au-dessus. Un architecte prescient du Sort et du Hasard Qui construit nos vies d’après un plan ordonné Connaît le sens et la conséquence de nos pas Et veille sur les pouvoirs inférieurs maladroits. Dans le silence de son être elle était consciente D’une calme Présence régnant sur son front Qui voyait le but et choisissait chaque courbe Et usait de son corps comme d’un piédestal ; Les yeux vagabonds étaient ses feux chercheurs,

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The hands that held the reins its living tools; All was the working of an ancient plan, A way proposed by an unerring Guide. Across wide noons and glowing afternoons, She met with Nature and with human forms And listened to the voices of the world; Driven from within she followed her long road, Mute in the luminous cavern of her heart, Like a bright cloud through the resplendent day. At first her path ran far through peopled tracts: Admitted to the lion eye of States And theatres of the loud act of man, Her carven chariot with its fretted wheels Threaded through clamorous marts and sentinel towers Past figured gates and high dream-sculptured fronts And gardens hung in the sapphire of the skies, Pillared assembly halls with armoured guards, Small fanes where one calm Image watched man's life And temples hewn as if by exiled gods To imitate their lost eternity. Often from gilded dusk to argent dawn, Where jewel-lamps flickered on frescoed walls And the stone lattice stared at moonlit boughs, Half-conscious of the tardy listening night Dimly she glided between banks of sleep At rest in the slumbering palaces of kings. Hamlet and village saw the fate-wain pass, Homes of a life bent to the soil it ploughs For sustenance of its short and passing days That, transient, keep their old repeated course,

Les mains qui tenaient les rênes ses outils vivants ; Tout s’élaborait selon un plan ancien, Un chemin proposé par un Guide infaillible. Par d’amples midis et des soirées incandescentes, Elle rencontrait la Nature et l’humanité, A l’écoute des voix multiples du monde ; Elle suivait sa longue route, menée du dedans, Muette dans la claire caverne de son cœur, Telle une nuée radieuse traversant le jour. Au début elle parcourut des régions peuplées : Introduite à l’œil léonin des Etats Et aux bruyants théâtres de l’acte de l’homme, Son chariot sculpté aux roues crénelées s’avançait Entre des marchés criards et des tours sentinelles, Devant des portails et façades ornementés, Des jardins suspendus dans le saphir du ciel, Des salles d’assemblée aux gardes en armure, De petits tertres à une Image bienveillante Ou des temples creusés comme par des dieux proscrits D’une éternité qu’ils voulaient ainsi reproduire. Souvent, de la brune dorée à l’aube argentée, Les joyaux des lampes dansant sur les fresques

Et les treillis de pierre regardant la lune, A demi consciente de la nuit attentive Elle glissait entre les rives du sommeil,

Au repos dans les palais somnolents des rois. Puis virent passer le chariot village et hameau, Foyers d’une vie courbée sur le sol du labour Pour la nourriture de ses jours passagers Gardant l’un après l’autre leur cours accoutumé,

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Unchanging in the circle of a sky Which alters not above our mortal toil.

Invariable dans le cercle d’un même ciel Qui jamais ne s’altère au-dessus de nos peines.

Away from this thinking creature's burdened hours To free and griefless spaces now she turned Not yet perturbed by human joys and fears. Here was the childhood of primaeval earth, Here timeless musings large and glad and still, Men had forborne as yet to fill with cares, Imperial acres of the eternal sower And wind-stirred grass-lands winking in the sun: Or mid green musing of woods and rough-browed hills, In the grove's murmurous bee-air humming wild Or past the long lapsing voice of silver floods Like a swift hope journeying among its dreams Hastened the chariot of the golden bride. Out of the world's immense unhuman past Tract-memories and ageless remnants came, Domains of light enfeoffed to antique calm Listened to the unaccustomed sound of hooves And slow hushed wizard nets of fiery bloom Environed with their coloured snare her wheels. The strong importunate feet of Time fell soft Along these lonely ways, his titan pace Forgotten and his stark and ruinous rounds. The inner ear that listens to solitude, And large immune entangled silences Absorbed her into emerald secrecy

Puis, quittant les lourdes heures de la créature, Elle se tourna vers des espaces plus sereins Que ne troublaient pas encore les joies et les peurs. Ici était l’enfance de la terre première, Des rêveries hors du temps, larges et contentes, Que les hommes n’avaient pas emplies de soucis, Des acres impériales pour le grand Semeur, Des prairies ensoleillées caressées par le vent Et, parmi les bois verts et les rudes collines, Les bosquets sauvages, le murmure des abeilles Et les voix résonantes des torrents argentés, De l’immense passé de la terre affleuraient Des étendues de mémoire et des restes sans âge, Des domaines inféodés au calme premier Ecoutaient venir cet étrange son de sabots, Et leurs silences entremêlés, vierges de l’homme, Absorbaient Savitri dans leur secret d’émeraude, Leurs lents filets sorciers de fleurs enflammées Environnant ses roues de leur piège de couleur. La marche importune du Temps s’apaisait Sur ces chemins sauvages, son allure de titan Oubliée, et ses rondes rigides pernicieuses. L’ouïe intérieure qui écoute la solitude, Pouvait, concentrée, entendre de tous côtés Le rythme sans mots de la Pensée plus intense Qui habite le silence derrière la vie, Tel un vif espoir au milieu de ses rêves Se hâtait le chariot de la fiancée d’or.

Leaning self-rapt unboundedly could hear The rhythm of the intenser wordless Thought That gathers in the silence behind life,

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And the low sweet inarticulate voice of earth In the great passion of her sun-kissed trance Ascended with its yearning undertone. Afar from the brute noise of clamorous needs The quieted all-seeking mind could feel, At rest from its blind outwardness of will, The unwearied clasp of her mute patient love And know for a soul the mother of our forms. This spirit stumbling in the fields of sense, This creature bruised in the mortar of the days Could find in her broad spaces of release. Not yet was a world all occupied by care. The bosom of our mother kept for us still Her austere regions and her musing depths, Her impersonal reaches lonely and inspired And the mightinesses of her rapture haunts. Muse-lipped she nursed her symbol mysteries And guarded for her pure-eyed sacraments The valley clefts between her breasts of joy, Her mountain altars for the fires of dawn And nuptial beaches where the ocean couched And the huge chanting of her prophet woods. Fields had she of her solitary mirth, Plains hushed and happy in the embrace of light, Alone with the cry of birds and hue of flowers, And wildernesses of wonder lit by her moons And grey seer-evenings kindling with the stars And dim movement in the night's infinitude. August, exulting in her Maker's eye, She felt her nearness to him in earth's breast, Conversed still with a Light behind the veil,

Et la douce voix inarticulée de la terre Dans la passion de sa transe ensoleillée S’élevait comme le murmure d’un appel. Loin de la clameur et du bruit grossier des besoins, Le mental tranquillisé pouvait éprouver, Reposé de son aveugle extériorité, L’étreinte de la terre et son amour inlassable Et trouver l’âme qui est la mère de nos formes. Cet esprit qui vacille dans les champs du sensible, Créature meurtrie dans le mortier des jours, Découvrait en elle un espace de délivrance. Il n‘y avait pas de monde plein de souci. Le sein de notre mère nous gardait encore Ses régions austères, ses profondeurs songeuses, Ses étendues impersonnelles solitaires, Les puissances de ses repaires enchantés. Telle une muse elle entretenait ses mystères Et réservait pour les yeux purs de ses sacrements La vallée creusée entre les seins de sa joie, Les autels de ses cimes pour les feux de l’aurore, Ses grèves nuptiales où se couchait l’océan Et la grande psalmodie de ses bois prophètes. Elle avait des champs isolés pour son allégresse, Des plaines heureuses qu’embrassait la lumière Avec le cri des oiseaux et la teinte des fleurs, Des landes de merveille éclairées par ses lunes Et des soirées grises qui s’embrasaient d’étoiles, Son lent mouvement dans l’infinité de la nuit.

Exultante dans le regard de son Créateur, Elle se sentait proche de Lui par la terre Et conversait encore avec Sa Lumière,

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Still communed with Eternity beyond. A few and fit inhabitants she called To share the glad communion of her peace; The breadth, the summit were their natural home. The strong king-sages from their labour done, Freed from the warrior tension of their task, Came to her serene sessions in these wilds; The strife was over, the respite lay in front. Happy they lived with birds and beasts and flowers And sunlight and the rustle of the leaves, And heard the wild winds wandering in the night, Mused with the stars in their mute constant ranks, And lodged in the mornings as in azure tents, And with the glory of the noons were one. Some deeper plunged; from life's external clasp Beckoned into a fiery privacy In the soul's unprofaned star-white recess They sojourned with an everliving Bliss; A Voice profound in the ecstasy and the hush They heard, beheld an all-revealing Light. All time-made difference they overcame; The world was fibred with their own heart-strings; Close drawn to the heart that beats in every breast, They reached the one self in all through boundless love. Attuned to Silence and to the world-rhyme, They loosened the knot of the imprisoning mind; Achieved was the wide untroubled witness gaze, Unsealed was Nature's great spiritual eye; To the height of heights rose now their daily climb:

Communiait encore avec Son Eternité. Quelques dignes habitants elle invitait A partager le bonheur de sa paix ; Le sommet et l’ampleur étaient leur demeure. Les sages monarques, leur labeur accompli, Libérés de la tension guerrière de leur tâche, Venaient se joindre à ses sessions sereines, Le combat achevé, le répit devant eux.

Ils vivaient avec les fleurs, les oiseaux et les bêtes, Les rayons du soleil et le bruissement des feuilles, Ecoutaient les vents sauvages errer dans la nuit, Méditaient avec les étoiles constantes, Logeaient sous les tentes d’azur des matins Et s’unissaient à la gloire des midis. Certains plongeaient plus profond ; de l’étreinte extérieure De la vie conviés dans l’ardente intimité Du blanc refuge de l’âme jamais profané, Ils séjournaient auprès d’une Joie permanente ; Une Voix profonde dans l’extase et le calme Ils écoutaient, discernaient une Clarté consciente. Toute différence temporelle ils surmontaient ; Le monde était tissé des fibres de leur cœur ; Rapprochés du battement en chaque poitrine, Ils atteignaient le soi unique à travers l’amour. Accordés au Silence et à la rime du monde, Ils dénouaient le nœud de la prison mentale ; Réalisé, le vaste regard du témoin, Descellé, le grand œil spirituel de la Nature, Leur ascension quotidienne bravait les cimes : La Vérité s’inclinait vers eux de son domaine ; Au-dessus d’eux flamboyaient les soleils éternels.

Truth leaned to them from her supernal realm; Above them blazed eternity's mystic suns.

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Nameless the austere ascetics without home Abandoning speech and motion and desire Aloof from creatures sat absorbed, alone, Immaculate in tranquil heights of self

Sans nom et sans foyer, les ascètes austères, Abandonnant parole et mouvement et désir, A l’écart des créatures, se tenaient absorbés, Immaculés en de tranquilles hauteurs d’être, Sur les pics d’une concentration lumineuse ;

On concentration's luminous voiceless peaks, World-naked hermits with their matted hair Immobile as the passionless great hills Around them grouped like thoughts of some vast mood Awaiting the Infinite's behest to end. The seers attuned to the universal Will, Content in Him who smiles behind earth's forms, Abode ungrieved by the insistent days. About them like green trees girdling a hill Young grave disciples fashioned by their touch, Trained to the simple act and conscious word, Greatened within and grew to meet their heights. Far-wandering seekers on the Eternal's path Brought to these quiet founts their spirit's thirst That, uninsistent, ruled them from its peace, And by its influence found the ways of calm. The Infants of the monarchy of the worlds, The heroic leaders of a coming time, King-children nurtured in that spacious air Like lions gambolling in sky and sun Received half-consciously their godlike stamp: Formed in the type of the high thoughts they sang They learned the wide magnificence of mood That makes us comrades of the cosmic urge, No longer chained to their small separate selves, Plastic and firm beneath the eternal hand, And spent the treasure of a silent hour Bathed in the purity of the mild gaze

Des ermites nus au monde, cheveux enchevêtrés, Neutres, immobiles comme les grandes collines, Se groupaient autour d’eux comme des pensées du vaste Attendant de l’Infini l’ordre de cesser. Les voyants accordés à la Volonté cosmique, Comblés en Celui qui sourit derrière les formes, Demeuraient là, intouchés par les jours persistants. Auprès d’eux, tels des arbres verts qui ceignent un mont, De jeunes, graves disciples, modelés par leur toucher, Instruits à l’acte simple et la parole consciente, Grandissaient au-dedans et croissaient vers leurs cimes. Des chercheurs venus de loin sur la Voie éternelle Portaient la soif de leur esprit à ces sources calmes Et dépensaient le trésor d’une heure silencieuse Baignés dans la pureté de ce regard clément Qui, sans insistance, les dominait de sa paix ; Et, par son influence, ils trouvaient leur chemin. Les Infants de la monarchie des mondes, Les meneurs héroïques d’un temps à venir, Enfants rois nourris dans cette atmosphère Comme des lionceaux dans le ciel et le soleil, Recevaient à demi conscients leur marque divine : Formés dans le type des idéaux qu’ils chantaient, Ils apprenaient la magnificence de l’état Qui nous rend camarades de l’élan cosmique ; Ils n’étaient plus enchaînés à de petits ego : Plastiques et fermes sous la main éternelle,

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Met Nature with a bold and friendly clasp And served in her the Power that shapes her works.

Ils saluaient la Nature comme une amie Et servaient la Puissance qui oeuvrait en elle.

One-souled to all and free from narrowing bonds, Large like a continent of warm sunshine In wide equality's impartial joy, These sages breathed for God's delight in things. Assisting the slow entries of the gods, Sowing in young minds immortal thoughts they lived, Taught the great Truth to which man's race must rise Or opened the gates of freedom to a few. Imparting to our struggling world the Light They breathed like spirits from Time's dull yoke released, Comrades and vessels of the cosmic Force, Using a natural mastery like the sun's: Their speech, their silence was a help to earth. A magic happiness flowed from their touch; Oneness was sovereign in that sylvan peace, The wild beast joined in friendship with its prey; Persuading the hatred and the strife to cease The love that flows from the one Mother's breast Healed with their hearts the hard and wounded world. Others escaped from the confines of thought To where Mind motionless sleeps waiting Light's birth, And came back quivering with a nameless Force, Drunk with a wine of lightning in their cells; Intuitive knowledge leaping into speech, Seized, vibrant, kindling with the inspired word, Hearing the subtle voice that clothes the heavens, Carrying the splendour that has lit the suns, They sang Infinity's names and deathless powers

Leur âme une avec tous, libres de liens restreignants, Larges comme un continent ensoleillé Dans la joie impartiale de l’égalité, Ces sages vivaient pour la joie de l’Un dans les choses. Assistant les lentes entrées des dieux ils semaient En de jeunes esprits des pensées immortelles, Enseignaient la Vérité qui attend l’homme, Ouvraient, à certains, les portes de la liberté. Impartissant la Lumière à notre monde en lutte, Esprits délivrés du joug pénible du Temps, Camarades et vaisseaux de la Force cosmique, Leur maîtrise pareille à celle du soleil, Leurs paroles, leur silence, étaient une aide à la terre. Un bonheur magique s’écoulait à leur contact ; Dans cette paix sylvaine, l’union était souveraine, La bête sauvage était l’amie de sa proie ; Persuadant la haine et le conflit de cesser L’amour qui afflue du sein de la Mère Guérissait avec leurs cœurs le monde blessé. D’autres s’échappaient des confins de la pensée Là où le Mental attend que naisse la Lumière, Et revenaient tremblants d’une Force sans nom, Ivres d’un vin d’éclair dans leurs cellules ; La connaissance intuitive jaillie dans leurs mots, Saisis, vibrants, embrasés par le verbe inspiré, Percevant la voix subtile qui revêt les cieux, Portant la splendeur qui jadis enflamma les astres, Ils chantaient les noms et les pouvoirs de l’Infini

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In metres that reflect the moving worlds, Sight's sound-waves breaking from the soul's great deeps. Some lost to the person and his strip of thought In a motionless ocean of impersonal Power, Sat mighty, visioned with the Infinite's light, Or, comrades of the everlasting Will, Surveyed the plan of past and future Time. Some winged like birds out of the cosmic sea And vanished into a bright and featureless Vast: Some silent watched the universal dance, Or helped the world by world-indifference. Some watched no more merged in a lonely Self, Absorbed in the trance from which no soul returns, All the occult world-lines for ever closed, The chains of birth and person cast away: Some uncompanioned reached the Ineffable. As floats a sunbeam through a shady place, The golden virgin in her carven car Came gliding among meditation's seats. Often in twilight mid returning troops Of cattle thickening with their dust the shades When the loud day had slipped below the verge, Arriving in a peaceful hermit grove She rested drawing round her like a cloak Its spirit of patient muse and potent prayer. Or near to a lion river's tawny mane And trees that worshipped on a praying shore, A domed and templed air's serene repose Beckoned to her hurrying wheels to stay their speed.

En mètres qui reflètent les mondes mouvants, Ondes sonores de la vue émises par l’âme. D’autres, perdus à la personne et à sa pensée Dans l’océan étale d’un Pouvoir distant, Se tenaient immobiles, habités par sa lumière, Ou, camarades de la Volonté éternelle, Contemplaient le plan du passé et de l’avenir. Et d’autres, comme des oiseaux s’envolant de la mer, Montaient s’évanouir dans un Vaste anonyme. Certains observaient la danse de l’univers, Ou aidaient le monde par leur indifférence. Et certains s’immergeaient dans un Soi solitaire, Dans la transe dont nulle âme ne revient, Toutes les lignes occultes fermées à jamais, Jetant les chaînes de la naissance personnelle : Et certains, sans compagnons, atteignaient l’Ineffable. Comme flotte un rayon dans un lieu ombragé, La vierge d’or dans son carrosse sculpté Passait légère parmi les sièges des sages. Souvent au soir parmi les troupeaux de bétail Dont la poussière épaississait les ombres Quand le bruit du jour avait glissé sous l’orée, Arrivant dans le bosquet d’un paisible ermitage Elle reposait, s’entourant comme d’un manteau De cette atmosphère de patiente prière. Ou, près de la crinière fauve d’un fleuve Et d’arbres fervents sur une rive recueillie Comme sous le dôme d’un temple, le repos de l’air Conviait ses roues rapides à s’arrêter.

In the solemnity of a space that seemed A mind remembering ancient silences,

Dans la solennité d’un espace qui semblait Un esprit se souvenant de silences anciens,

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Where to the heart great bygone voices called And the large liberty of brooding seers Had left the long impress of their soul's scene, Awake in candid dawn or darkness mooned, To the still touch inclined the daughter of Flame Drank in hushed splendour between tranquil lids And felt the kinship of eternal calm. But morn broke in reminding her of her quest And from low rustic couch or mat she rose And went impelled on her unfinished way And followed the fateful orbit of her life Like a desire that questions silent gods Then passes starlike to some bright Beyond. Thence to great solitary tracts she came, Where man was a passer-by towards human scenes Or sole in Nature's vastness strove to live And called for help to ensouled invisible Powers, Overwhelmed by the immensity of his world And unaware of his own infinity. The earth multiplied to her a changing brow And called her with a far and nameless voice. The mountains in their anchorite solitude, The forests with their multitudinous chant Disclosed to her the masked divinity's doors.

Où des voix disparues appelaient le cœur, Et la grande liberté de voyants absorbés Avait laissé l’empreinte de leur âme, Dans l’aube candide ou la clarté de la lune, La fille de la Flamme, s’inclinant au contact, S’imprégnait de la silencieuse splendeur Et ressentait la parenté du calme éternel. Mais poignait le matin, qui lui rappelait sa quête ; Elle se levait de sa couche rustique Et s’en allait, contrainte, sur sa longue route, Et suivait l’orbite prédestinée de sa vie Tel un désir qui interroge les dieux tranquilles Et s’en va comme une étoile vers un Au-delà. Ainsi vint-elle à de grandes aires solitaires, Où l’homme était un passant vers des scènes humaines Ou, seul dans la vaste Nature, luttait pour survivre, Appelant à son aide des Pouvoirs invisibles, La terre multipliait pour elle un front changeant Et l’invitait d’une voix lointaine et sans nom. Les montagnes dans leur solitude anachorète, Les forêts avec la myriade de leurs chants Lui révélaient les portes de la divinité. Sur des plaines rêveuses, une étendue indolente, Le lit de mort d’une pâle soirée enchantée Sous le sortilège d’un ciel qui a sombré, Impassible elle gisait, comme à la fin d’un âge, Ou bien croisait une meute serrée de collines Dressant leurs têtes vers la tanière du ciel, Ecrasé par l’immensité de son monde Et inconscient de sa propre infinité.

On dreaming plains, an indolent expanse, The death-bed of a pale enchanted eve Under the glamour of a sunken sky, Impassive she lay as at an age's end, Or crossed an eager pack of huddled hills Lifting their heads to hunt a lairlike sky,

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Or travelled in a strange and empty land Where desolate summits camped in a weird heaven, Mute sentinels beneath a drifting moon, Or wandered in some lone tremendous wood Ringing for ever with the crickets' cry Or followed a long glistening serpent road Through fields and pastures lapped in moveless light Or reached the wild beauty of a desert space Where never plough was driven nor herd had grazed And slumbered upon stripped and thirsty sands Amid the savage wild-beast night's appeal. Still unaccomplished was the fateful quest; Still she found not the one predestined face For which she sought amid the sons of men. A grandiose silence wrapped the regal day: The months had fed the passion of the sun And now his burning breath assailed the soil. The tiger heats prowled through the fainting earth; All was licked up as by a lolling tongue. The spring winds failed; the sky was set like bronze.

Ou elle parcourait un étrange pays vide Dont les sommets campaient dans un air insolite, Sentinelles muettes sous la lune en dérive, Ou bien s’égarait dans une forêt redoutable Résonant à jamais de l’appel des cigales, Ou suivait le long serpent luisant d’une route Par des champs et des prés de clarté immobile Ou, dans la beauté farouche d’un grand désert Où jamais charrue ni bétail ne furent menés, Elle s’endormait sur des sables assoiffés Parmi les cris nocturnes des bêtes sauvages. De celui qu’elle recherchait parmi les hommes. Un grand silence enveloppait le jour souverain : Les mois avaient nourri la passion du soleil, Maintenant son souffle brûlant assaillait le sol. La chaleur comme un tigre rôdait sur la terre Et tout était léché par sa langue pendante. Les vents printaniers se turent, le ciel était de bronze. Inaccomplie demeurait la quête fatidique ; Elle ne trouvait toujours pas le visage

End of Canto Four End of Book Four

Fin du Chant Quatre Fin du Livre Quatre

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