Savitri-Book One-Canto 5

B OOK O NE – C ANTO 5 – T HE Y OGA OF THE K ING : T HE Y OGA OF THE S PIRIT ' S F REEDOM AND G REATNESS L IVRE U N – C HANTE 5 – L E Y OGA DU R OI : L E Y OGA DE LA L IBERTE ET DE LA G RANDEUR DE L ’E SPRIT

SAVITRI S RI A UROBINDO

French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com

BOOK ONE - The Book of Beginnings

LIVRE UN - Le Livre des Commencements

Canto Five - The Yoga of the King: The Yoga of the Spirit's Freedom and Greatness

Chant Cinq – Le Yoga du Roi : Le Yoga de la Liberté et de la Grandeur de l’Esprit.

This knowledge first he had of time-born men. Admitted through a curtain of bright mind That hangs between our thoughts and absolute sight, He found the occult cave, the mystic door Near to the well of vision in the soul, And entered where the Wings of Glory brood In the silent space where all is for ever known. Indifferent to doubt and to belief, Avid of the naked real's single shock He shore the cord of mind that ties the earth-heart And cast away the yoke of Matter's law. The body's rules bound not the spirit's powers: When life had stopped its beats, death broke not in; He dared to live when breath and thought were still. Thus could he step into that magic place Which few can even glimpse with hurried glance Lifted for a moment from mind's laboured works And the poverty of Nature's earthly sight. All that the Gods have learned is there self-known. There in a hidden chamber closed and mute Are kept the record graphs of the cosmic scribe, And there the tables of the sacred Law, There is the Book of Being's index page; The text and glossary of the Vedic truth Are there; the rhythms and metres of the stars Significant of the movements of our fate:

Le premier des hommes il eut cette connaissance. Admis à travers un rideau de mental brillant Qui sépare nos pensées de la vue absolue, Il trouva la caverne occulte, la porte mystique Près du puits de vision dedans l’âme, et entra Là où planent les Ailes de la Gloire Dans le silence où tout est à jamais connu.

Indifférent au doute et à la croyance, Avide du seul choc du réel, il trancha La corde mentale qui lie le cœur terrestre Et secoua le joug de la loi matérielle.

Les règles du corps ne retenaient plus son esprit : Quand la vie eut cessé de battre, la mort ne vint pas ; Il osa vivre quand souffle et pensée s’étaient tus.

Ainsi put il pénétrer ce lieu magique Que peu même entrevoient d’un regard pressé

Un instant levé des labeurs du mental Et de la pauvreté de la vue terrestre.

Tout ce que les Dieux ont appris est là, évident. Là, dans une chambre cachée, close et muette, Sont gardées les graphies du scribe cosmique, Et là sont les tables de la Loi sacrée, Et là est l’index du Livre de l’Etre ; le texte Et le glossaire de la vérité Védique Sont là ; les rythmes et les mètres des étoiles Signifiant les mouvements de notre destin :

The symbol powers of number and of form, And the secret code of the history of the world And Nature's correspondence with the soul Are written in the mystic heart of Life. In the glow of the spirit's room of memories He could recover the luminous marginal notes Dotting with light the crabbed ambiguous scroll, Rescue the preamble and the saving clause Of the dark Agreement by which all is ruled That rises from material Nature's sleep To clothe the Everlasting in new shapes. He could re-read now and interpret new Its strange symbol letters, scattered abstruse signs, Resolve its oracle and its paradox, Its riddling phrases and its blindfold terms, The deep oxymoron of its truth's repliques, And recognise as a just necessity Its hard conditions for the mighty work,— Nature's impossible Herculean toil Only her warlock-wisecraft could enforce, Its law of the opposition of the gods, Its list of inseparable contraries. The dumb great Mother in her cosmic trance Exploiting for creation's joy and pain Infinity's sanction to the birth of form, Accepts indomitably to execute The will to know in an inconscient world, The will to live under a reign of death, The thirst for rapture in a heart of flesh, And works out through the appearance of a soul By a miraculous birth in plasm and gas

Les pouvoirs symboliques du nombre et de la forme, Et le code secret de l’histoire du monde Et la concordance de la Nature avec l’âme Sont écrits dans le cœur mystique de la Vie. Dans la lueur de la chambre des souvenirs Il put recouvrer les notes marginales Emaillant le parchemin dense et ambigu, Saisir le préambule et la clause rédemptrice De l’obscur Contrat par lequel tout est régi Qui se lève du sommeil de la Nature Pour vêtir l’Eternel de formes nouvelles. Il put relire et interpréter à nouveau Ses étranges symboles, ses signes abstrus, Résoudre son oracle et son paradoxe, Ses phrases énigmatiques, ses termes déroutants Et le profond oxymoron de ses répliques, Et comme une juste nécessité reconnaître Ses conditions exigeantes pour le grand œuvre, - L’impossible ouvrage Herculéen de la Nature Que seul son génie sorcier pouvait exécuter, Sa loi de l’opposition de la sphère des dieux Et sa liste d’inséparables contraires. La grande Mère inerte dans sa transe cosmique Exploitant pour la joie et la douleur du créé La sanction de l’Infini à la vie de la forme, Accepte envers et contre tout d’exécuter La volonté de savoir dans un monde inconscient, La volonté de vivre sous un règne de mort, La soif de l’extase dans un cœur de chair, Et à travers l’apparence d’une âme élabore Par une naissance dans le plasma et le gaz

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The mystery of God's covenant with the Night.

Le mystère du pacte de Dieu avec la Nuit.

Once more was heard in the still cosmic Mind The Eternal's promise to his labouring Force Inducing the world-passion to begin, The cry of birth into mortality And the opening verse of the tragedy of Time. Out of the depths the world's buried secret rose; He read the original ukase kept back In the locked archives of the spirit's crypt, And saw the signature and fiery seal Of Wisdom on the dim Power's hooded work Who builds in Ignorance the steps of Light. A sleeping deity opened deathless eyes: He saw the unshaped thought in soulless forms, Knew Matter pregnant with spiritual sense, Mind dare the study of the Unknowable, Life its gestation of the Golden Child. In the light flooding thought's blank vacancy, Interpreting the universe by soul signs He read from within the text of the without: The riddle grew plain and lost its catch obscure. A larger lustre lit the mighty page. A purpose mingled with the whims of Time, A meaning met the stumbling pace of Chance And Fate revealed a chain of seeing Will; A conscious wideness filled the old dumb Space. In the Void he saw throned the Omniscience supreme.

Une fois de plus retentit dans l’univers La promesse de l’Un à Sa Force ouvrière Induisant la passion du monde à commencer, Le cri de naissance dans la mortalité Et le premier vers de la tragédie du Temps. Dans les archives verrouillées de la crypte, Et vit la signature et le sceau de la Sagesse Sur l’œuvre couverte du Pouvoir qui bâtit Les marches de la Lumière dans l’ignorance. Les yeux s’ouvrirent d’une déité endormie : Il vit la pensée brute en des formes sans âme, Il vit la Matière grosse de sens spirituel, Le Mental oser l’étude de l’Inconnaissable, Et la Vie sa gestation de l’Enfant d’Or. Dans la lumière qui inondait sa pensée, Interprétant l’univers par des signes d’âme Il put lire de l’intérieur le texte extérieur : L’énigme, sans son ombre, devenait évidente. Une clarté plus grande éclairait la page. Un dessein se mêlait aux caprices du Temps, Un sens se joignait aux pas du Hasard, Et le Destin révélait une chaîne voyante ; Le vieil Espace muet s’emplissait de conscience. Dans le Vide il vit trôner l’Omniscience suprême. Des fonds se leva le secret enseveli ; Il déchiffra l’ukase original conservé

A Will, a hope immense now seized his heart, And to discern the superhuman's form He raised his eyes to unseen spiritual heights,

Un espoir immense alors saisit son cœur, Et pour discerner la forme du surhomme Il leva les yeux à des hauteurs invisibles,

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Aspiring to bring down a greater world. The glory he had glimpsed must be his home. A brighter heavenlier sun must soon illume This dusk room with its dark internal stair, The infant soul in its small nursery school Mid objects meant for a lesson hardly learned Outgrow its early grammar of intellect And its imitation of Earth-Nature's art, Its earthly dialect to God-language change, The Ideal must be Nature's common truth, The body illumined with the indwelling God, The heart and mind feel one with all that is, A conscious soul live in a conscious world. As through a mist a sovereign peak is seen, The greatness of the eternal Spirit appeared, Exiled in a fragmented universe Amid half-semblances of diviner things. These now could serve no more his regal turn; The Immortal's pride refused the doom to live A miser of the scanty bargain made Between our littleness and bounded hopes And the compassionate Infinitudes. His height repelled the lowness of earth's state: A wideness discontented with its frame Resiled from poor assent to Nature's terms, The harsh contract spurned and the diminished lease. In living symbols study Reality And learn the logic of the Infinite.

Aspirant à faire descendre un monde plus grand. La gloire entrevue devait être sa demeure. Un soleil plus divin viendrait illuminer Ce lieu de pénombre et ses marches obscures, Et l’âme encore infante dans sa garderie Parmi les objets d’une leçon difficile, Dépasserait sa grammaire d’intellect Et son imitation de l’art de la Nature, Changerait son dialecte en langue de Dieu, Etudierait le Réel en de vivants symboles Le corps serait éclairé par le Dieu intérieur, Le cœur, le mental, s’uniraient à tout ce qui est, L’âme consciente vivrait dans un monde conscient. Comme un pic souverain se détachant dans la brume, La grandeur de l’Esprit éternel apparut, Exilée dans un univers fragmenté Parmi les semblances de choses plus divines. Celles-ci désormais ne pouvaient plus le servir ; Et apprendrait la logique de l’Infini. L’Idéal deviendrait la vérité naturelle, La fierté de l’Immortel refusa le sort De vivre en avare du pitoyable marché Entre la petitesse de nos espoirs liés Et la compassion des Infinitudes. Il repoussa la bassesse de l’état terrestre : Une ampleur insatisfaite se désista De l’assentiment aux termes de la Nature, Récusant le contrat cruel, le bail diminué. Seuls des commencements sont ici accomplis ; Notre Matière semble seule complète, Une machine absolue sans une âme.

Only beginnings are accomplished here; Our base's Matter seems alone complete, An absolute machine without a soul.

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Or all seems a misfit of half ideas, Or we saddle with the vice of earthly form A hurried imperfect glimpse of heavenly things, Guesses and travesties of celestial types. Here chaos sorts itself into a world, A brief formation drifting in the void: Apings of knowledge, unfinished arcs of power, Flamings of beauty into earthly shapes, Love's broken reflexes of unity Swim, fragment-mirrorings of a floating sun. A packed assemblage of crude tentative lives Are pieced into a tessellated whole. There is no perfect answer to our hopes; There are blind voiceless doors that have no key; Thought climbs in vain and brings a borrowed light, Cheated by counterfeits sold to us in life's mart, Our hearts clutch at a forfeited heavenly bliss. There is provender for the mind's satiety, There are thrills of the flesh, but not the soul's desire. Here even the highest rapture Time can give Is a mimicry of ungrasped beatitudes, A mutilated statue of ecstasy, A wounded happiness that cannot live, A brief felicity of mind or sense Thrown by the World-Power to her body-slave, Or a simulacrum of enforced delight In the seraglios of Ignorance. For all we have acquired soon loses worth, An old disvalued credit in Time's bank, Imperfection's cheque drawn on the Inconscient.

Ou tout semble n’être qu’un rebut d’idées tronquées, - Nous accablons du vice de la forme terrestre Un aperçu trop hâtif de choses divines, Conjectures et travestis de types célestes. Ici-bas, le chaos s’arrange en un monde, Une brève formation dérivant dans le vide : Singeries de connaissance, arcs brisés de pouvoir, Flamboiements de beauté en des formes terrestres, Réflexes abîmés de l’unité de l’amour, Surnagent, fragments et reflets d’un astre flottant. Une mosaïque d’existences grossières S’assemble ici en un tout morcelé. Il n’y a pas de réponse à nos espérances ; Il y a des portes aveugles, sans voix et sans clé ; En vain la pensée ramène une clarté d’emprunt ; Grugés par les faux vendus au marché de la vie Nos cœurs étreignent un bonheur mis en gage. Il y a provende pour la satiété mentale Et les émois de la chair, non pour ceux de l’âme. La plus haute ivresse que le Temps puisse donner Est parodie de béatitudes incomprises ; C’est une statue mutilée de l’extase, Un bonheur blessé qui ne peut pas vivre, Un bref enchantement du mental ou des sens Jeté par la Puissance à son corps esclave, Ou un simulacre de jouissance forcée Dans les sérails bondés de l’Ignorance. Tout ce que nous avons acquis perd bientôt son prix, Un vieux crédit dévalué dans la banque du Temps, Prélèvement de l’imperfection sur l’Inconscient. Une inconséquence harcèle tous nos efforts, Et le chaos accompagne chaque univers :

An inconsequence dogs every effort made, And chaos waits on every cosmos formed:

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In each success a seed of failure lurks.

En chaque succès s’abrite une graine d’échec.

He saw the doubtfulness of all things here, The incertitude of man's proud confident thought, The transience of the achievements of his force. A thinking being in an unthinking world, An island in the sea of the Unknown, He is a smallness trying to be great, An animal with some instincts of a god, His life a story too common to be told, His deeds a number summing up to nought, His consciousness a torch lit to be quenched, His hope a star above a cradle and grave. And yet a greater destiny may be his, For the eternal Spirit is his truth. He can re-create himself and all around And fashion new the world in which he lives: He, ignorant, is the Knower beyond Time, He is the Self above Nature, above Fate. His soul retired from all that he had done. Hushed was the futile din of human toil, Forsaken wheeled the circle of the days; In distance sank the crowded tramp of life. The Silence was his sole companion left. Impassive he lived immune from earthly hopes, A figure in the ineffable Witness' shrine Pacing the vast cathedral of his thoughts Under its arches dim with infinity And heavenward brooding of invisible wings. A call was on him from intangible heights; Indifferent to the little outpost Mind,

Il vit ici l’ambivalence de toutes choses, Le doute de la pensée orgueilleuse de l’homme, L’éphémère des accomplissements de sa force. Un être pensant dans un monde sans pensée, Une île dans l’océan de l’Inconnu, Il est une petitesse essayant d’être grande, Un animal avec des instincts d’un dieu, Sa vie un conte trop banal pour être dit, Ses actes un nombre dont la somme est nulle, Sa conscience une torche prête à s’éteindre, Sa foi une étoile sur son berceau et sa tombe. Pourtant une destinée autre peut être sienne, Car l’Esprit éternel est sa vérité. Il peut se recréer, et tout ce qui l’entoure, Et façonner à nouveau le monde où il vit. Ignorant, il est le Connaissant libre du Temps, Le Soi, au-dessus de la Nature et du Destin. Son âme laissa tout ce qu’il avait accompli. Assagi, le vacarme futile du labeur, Délaissée, la roue du cercle des jours, Le piétinement de la vie s’éloigna de lui. Le Silence était maintenant son seul compagnon. Impassible il vivait à l’abri des espérances, Une figure dans le sanctuaire du Témoin Arpentant la cathédrale de ses pensées Sous ses arches indistinctes dans l’infinité Et d’invisibles ailes tournées vers le ciel. Un appel était sur lui de hauteurs intangibles ; Indifférent au petit avant-poste mental,

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He dwelt in the wideness of the Eternal's reign. His being now exceeded thinkable Space, His boundless thought was neighbour to cosmic sight: A universal light was in his eyes, A golden influx flowed through heart and brain; A Force came down into his mortal limbs, A current from eternal seas of Bliss; Allured by the omniscient Ecstasy, A living centre of the Illimitable Widened to equate with the world's circumference, He turned to his immense spiritual fate. Abandoned on a canvas of torn air, A picture lost in far and fading streaks, The earth-nature's summits sank below his feet: He climbed to meet the infinite more above. The Immobile's ocean-silence saw him pass, An arrow leaping through eternity Suddenly shot from the tense bow of Time, A ray returning to its parent sun. He felt the invasion and the nameless joy. Aware of his occult omnipotent Source,

Il résidait dans l’ample règne de l’Eternel. Son être excédait l’Espace intelligible, Sa pensée était voisine de la vue cosmique : Une lumière universelle était dans ses yeux, Un influx doré parcourait cœur et cerveau ; Une Force descendait dans ses membres mortels, Un courant des mers de la Béatitude ; Il sentait l’invasion et la joie sans nom. Eveillé à sa Source occulte omnipotente, Attiré, aimanté par l’Extase omnisciente, Un centre vivant de l’Illimitable Elargi à la circonférence du monde,

Il s’offrit à son immense destin spirituel. Abandonnés sur une toile d’air déchiré,

Tel un tableau perdu dont les traits s’estompent, Les sommets de la Nature sombraient à ses pieds :

Il montait à la rencontre de l’infini. L’océan de l’Immobile le vit passer, Une flèche bondissant dans l’éternité Soudainement jaillie de l’arc du Temps, Un rayon retournant à son astre parent.

Opponent of that glory of escape, The black Inconscient swung its dragon tail Lashing a slumbrous Infinite by its force Into the deep obscurities of form: Death lay beneath him like a gate of sleep. One-pointed to the immaculate Delight, Questing for God as for a splendid prey, He mounted burning like a cone of fire.

Adversaire de cette gloire d’évasion, Le noir Inconscient balançait sa queue de dragon Cinglant de sa force un Infini somnolent Dans les obscurités profondes de la forme : La Mort gisait sous lui, tel un portail de sommeil. Son être tendu vers le Délice immaculé, En quête de Dieu comme d’une proie splendide, Il monta brûlant comme un cône de feu.

To a few is given that godlike rare release.

A quelques-uns est donnée cette délivrance.

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One among many thousands never touched, Engrossed in the external world's design, Is chosen by a secret witness Eye And driven by a pointing hand of Light Across his soul's unmapped immensitudes. A pilgrim of the everlasting Truth, Our measures cannot hold his measureless mind; He has turned from the voices of the narrow realm And left the little lane of human Time. In the hushed precincts of a vaster plan He treads the vestibules of the Unseen, Or listens following a bodiless Guide To a lonely cry in boundless vacancy. All the deep cosmic murmur falling still, He lives in the hush before the world was born, His soul left naked to the timeless One. Far from compulsion of created things Thought and its shadowy idols disappear, The moulds of form and person are undone: The ineffable Wideness knows him for its own. A lone forerunner of the Godward earth, Among the symbols of yet unshaped things Watched by closed eyes, mute faces of the Unborn, He journeys to meet the Incommunicable, Hearing the echo of his single steps In the eternal courts of Solitude. A nameless Marvel fills the motionless hours.

Un être parmi des milliers jamais touchés, Absorbés dans le plan du monde extérieur, Est choisi par un secret Œil témoin Et conduit par une main de Lumière Dans les immensités inexplorées de son âme. Un pèlerin de la Vérité permanente, Nos mesures ne peuvent contenir son mental ; Il s’est détourné des voix du royaume étroit, Il a quitté la ruelle du Temps humain. Dans le domaine silencieux d’un plan plus vaste Il parcourt les vestibules de l’Invisible Ou écoute, suivant un Guide sans corps, Un cri solitaire dans un vide sans bornes. Tout le murmure cosmique a cessé ; il vit Dans le calme d’avant la naissance du monde, Son âme laissée nue devant l’Un éternel. Loin de la contrainte des choses créées La pensée et ses sombres idoles disparaissent, Les moules de forme et de personne sont défaits : L’ineffable Vastitude le reconnaît. Un seul avant-coureur de la terre aspirante, Parmi les symboles de choses jamais formées, Veillé par les visages muets de l’Avenir, Il va, à la rencontre de l’Incommunicable, Entendant l’écho de ses pas uniques Dans les cours éternelles de la Solitude. Une Merveille emplit les heures immobiles. Son esprit se joint au cœur de l’éternel Et endure le silence de l’Infini.

His spirit mingles with eternity's heart And bears the silence of the Infinite.

In a divine retreat from mortal thought, In a prodigious gesture of soul-sight,

En une divine retraite de la pensée, En un geste prodigieux de l’âme voyante,

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His being towered into pathless heights, Naked of its vesture of humanity. As thus it rose, to meet him bare and pure A strong Descent leaped down. A Might, a Flame, A Beauty half-visible with deathless eyes, A violent Ecstasy, a Sweetness dire, Enveloped him with its stupendous limbs And penetrated nerve and heart and brain That thrilled and fainted with the epiphany: His nature shuddered in the Unknown's grasp. In a moment shorter than death, longer than Time, By a Power more ruthless than Love, happier than Heaven, Taken sovereignly into eternal arms,

Son être atteignit des hauteurs sans chemin, Dépouillé de son vêtement d’humanité. Alors qu’ainsi il montait, pure et forte vers lui Bondit une Descente. Une Puissance, une Flamme, Une Beauté presque visible, aux yeux sans mort, Une violente Extase, une Douceur terrible, L’enveloppa de ses membres stupéfiants, Pénétrant les nerfs et le cœur et le cerveau Qui frémirent défaillants de l’épiphanie, Toute sa nature étreinte par l’Inconnu. Plus rapide que la mort, un Pouvoir éternel, Plus terrible que l’Amour, plus heureux que le Ciel, Souverainement la saisit dans ses bras ; Halée et forcée par un bonheur absolu Dans un tourbillon de délice et de force, Précipitée en d’impossibles profondeurs, Soulevée à d’incommensurables hauteurs, Elle fut arrachée de sa mortalité Et subit un changement sans limites. Un Omniscient qui sait sans voir ni penser, Une indéchiffrable Toute-puissance, une Forme Qui pouvait contenir les mondes, et pourtant faire D’une poitrine humaine son sanctuaire, Le tira de l’isolement de sa recherche Dans les magnitudes de l’étreinte de Dieu. Comme un Œil intemporel annulerait les heures Abolissant à la fois l’agent et l’acte, Ainsi resplendit, ample et neutre et pur, son esprit : Son mental, éveillé, devint une ardoise vierge Sur laquelle l’Un, l’Universel, pouvait écrire.

Haled and coerced by a stark absolute bliss, In a whirlwind circuit of delight and force

Hurried into unimaginable depths, Upborne into immeasurable heights, It was torn out from its mortality

And underwent a new and bourneless change. An Omniscient knowing without sight or thought, An indecipherable Omnipotence, A mystic Form that could contain the worlds, Yet make one human breast its passionate shrine, Drew him out of his seeking loneliness Into the magnitudes of God's embrace. As when a timeless Eye annuls the hours Abolishing the agent and the act, So now his spirit shone out wide, blank, pure: His wakened mind became an empty slate On which the Universal and Sole could write.

All that represses our fallen consciousness

Tout ce qui réprime notre conscience déchue

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Was taken from him like a forgotten load: A fire that seemed the body of a god

Fut retiré de lui comme un fardeau oublié : Un feu qui semblait être le corps d’un dieu Consuma les étroites figures du passé Pour qu’un soi nouveau ait la place de vivre. L’éternité brisa les moules des sens. Une Force plus grande s’empara de ses membres, D’énormes travaux mirent ses gangues à nu, D’étranges énergies, comme des mains formidables, Dénouèrent la triple corde du mental, Libérant l’ampleur céleste d’un regard divin. Comme au travers d’une robe la forme est perçue, Au travers des formes, atteignirent à l’absolu Un sens universel et une vue transcendante. Les instruments furent accrus et intensifiés. L’illusion perdit sa lentille grossissante Et les mesures tombèrent de sa main : infime Parut tout ce qui avait semblé important. L’anneau de l’ego ne pouvait plus se fermer ; Dans les espaces énormes du soi, le corps Semblait n’être plus qu’une coquille errante Et son mental, la cour extérieure aux mille fresques De la demeure d’un impérissable Habitant. Son esprit respirait un air surhumain.

Consumed the limiting figures of the past And made large room for a new self to live. Eternity's contact broke the moulds of sense. A greater Force than the earthly held his limbs, Huge workings bared his undiscovered sheaths, Strange energies wrought and screened tremendous hands Unwound the triple cord of mind and freed The heavenly wideness of a Godhead's gaze. As through a dress the wearer's shape is seen, There reached through forms to the hidden absolute A cosmic feeling and transcendent sight. Increased and heightened were the instruments. Illusion lost her aggrandising lens; As from her failing hand the measures fell, Atomic looked the things that loomed so large. The little ego's ring could join no more; In the enormous spaces of the self The body now seemed only a wandering shell, His mind the many-frescoed outer court Of an imperishable Inhabitant: His spirit breathed a superhuman air. The imprisoned deity rent its magic fence. As with a sound of thunder and of seas, Vast barriers crashed around the huge escape. Immutably coeval with the world, Circle and end of every hope and toil Inexorably drawn round thought and act, The fixed immovable peripheries Effaced themselves beneath the Incarnate's tread.

La déité prisonnière arracha sa clôture. Comme en un son de tonnerre et de mers, L’évasion fracassa de vastes barrières. Immuablement contemporaines du monde, Le cercle et la fin de tout espoir et labeur Tracés autour de la pensée et de l’acte, Les anciennes périphéries inexorables S’effacèrent sous les pas de l’Incarné.

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The dire velamen and the bottomless crypt Between which life and thought for ever move, Forbidden still to cross the dim dread bounds, The guardian darknesses mute and formidable, Empowered to circumscribe the wingless spirit In the boundaries of Mind and Ignorance, Protecting no more a dual eternity Vanished rescinding their enormous role: Once figure of creation's vain ellipse, The expanding zero lost its giant curve. The old adamantine vetoes stood no more: Overpowered were earth and Nature's obsolete rule; The python coils of the restricting Law Could not restrain the swift arisen God: Abolished were the scripts of destiny. There was no small death-hunted creature more, The great hammer-beats of a pent-up world-heart Burst open the narrow dams that keep us safe Against the forces of the universe. The soul and cosmos faced as equal powers. A boundless being in a measureless Time Invaded Nature with the infinite; He saw unpathed, unwalled, his titan scope. All was uncovered to his sealless eye. A secret Nature stripped of her defence, Once in a dreaded half-light formidable, Overtaken in her mighty privacy Lay bare to the burning splendour of his will. In shadowy chambers lit by a strange sun No fragile form of being to preserve From an all-swallowing Immensity.

Le sinistre velamen et la crypte sans fond Entre lesquels la vie et la pensée sont forcées, Interdites de franchir les bornes effrayantes, - Ces terribles ténèbres gardiennes investies Du pouvoir de circonscrire l’esprit sans ailes Dans les confins du Mental et de l’Ignorance - Ne protégeant plus une éternité duelle S’évanouirent, révoquant leur énorme rôle : Vaine ellipse jusqu’alors de la création, Le zéro déployé perdit sa courbe géante. Ecroulés, les vieux vetos inflexibles, Subjuguée, la règle archaïque de la Nature : Les rouleaux de python de la Loi restrictive Ne pouvaient retenir le Dieu impérieux : Abolis étaient les livrets de la destinée. Il n’y avait plus de petite proie pour la mort, Plus de forme fragile à préserver D’une Immensité qui engloutit tout. Les grands martèlements d’un cœur entravé Firent sauter les digues qui nous gardent A l’abri des forces de l’univers. L’âme et le cosmos, égaux, se firent face. Un être illimité, en un Temps sans mesures, Envahit la Nature avec l’infini ; Il vit, sans murs ni chemins, son champ titanique. Tout fut découvert à son regard délivré. Une Nature occulte, dépouillée de sa défense, Hier formidable dans une ombre redoutée, Surprise dans sa puissante intimité, Gisait livrée à la splendeur de son vouloir. En des chambres qu’éclairait un étrange soleil

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And opening hardly to hid mystic keys Her perilous arcanes and hooded Powers Confessed the advent of a mastering Mind And bore the compulsion of a time-born gaze. Incalculable in their wizard modes, Immediate and invincible in the act, Her secret strengths native to greater worlds Lifted above our needy limited scope, The occult privilege of demigods And the sure power-pattern of her cryptic signs, Her diagrams of geometric force, Her potencies of marvel-fraught design Courted employment by an earth-nursed might. A conscious Nature's quick machinery Armed with a latent splendour of miracle The prophet-passion of a seeing Mind, And the lightning bareness of a free soul-force. All once impossible deemed could now become A natural limb of possibility, A new domain of normalcy supreme. An almighty occultist erects in Space This seeming outward world which tricks the sense; He weaves his hidden threads of consciousness, He builds bodies for his shapeless energy; Out of the unformed and vacant Vast he has made His sorcery of solid images, His magic of formative number and design, The fixed irrational links none can annul, This criss-cross tangle of invisible laws; His infallible rules, his covered processes, Achieve unerringly an inexplicable

Et que seules des clés mystiques pouvaient ouvrir, Ses périlleux arcanes et ses Pouvoirs voilés Reconnurent l’avènement d’un maître Mental Et la contrainte exercée par un regard humain. Incalculables dans leurs modes sorciers, Immédiates et invincibles dans l’acte, Ses énergies natives de mondes plus grands Au-dessus de notre portée besogneuse, - Le privilège secret des demi-dieux Et le puissant tracé de ses signes cryptiques, Ses diagrammes de force géométrique, Ses potentiels de merveille -, auprès d’une grandeur Nourrie par la terre briguèrent un emploi. La machinerie d’une Nature consciente Arma d’une splendeur de miracle latente La passion prophétique d’un Mental clairvoyant, Et la fulgurance d’une libre force d’âme. Tout ce qui avait semblé impossible pouvait Devenir un membre naturel du possible, Un nouveau domaine de normalité suprême. Un tout-puissant occultiste érige dans l’Espace Ce monde extérieur apparent qui berne les sens ; Sans cesse il tisse ses fils cachés de conscience Et construit des corps pour sa pure énergie ; A partir du Vaste informe il a composé Sa sorcellerie d’images solides, Sa magie de nombre et de plan formatifs, Les liens irrationnels que nul ne peut annuler, Ce croisement enchevêtré de lois invisibles ; Ses règles infaillibles, ses procédés couverts, Accomplissent sans errer une inexplicable

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Creation where our error carves dead frames Of knowledge for a living ignorance.

Création où notre erreur taille des cadres De connaissance pour une ignorance vivante.

In her mystery's moods divorced from the Maker's laws She too as sovereignly creates her field, Her will shaping the undetermined vasts, Making a finite of infinity; She too can make an order of her caprice, As if her rash superb wagered to outvie The veiled Creator's cosmic secrecies. The rapid footsteps of her fantasy, Amid whose falls wonders like flowers rise, Are surer than reason, defter than device And swifter than Imagination's wings. All she new-fashions by the thought and word, Compels all substance by her wand of Mind. Mind is a mediator divinity: Its powers can undo all Nature's work: Mind can suspend or change earth's concrete law. Affranchised from earth-habit's drowsy seal

Divorcée dans ses humeurs des lois du Créateur, Elle aussi, souverainement, crée son champ, Façonnant les vastes indéterminés, Faisant un fini de l’infinité ; Elle aussi peut ordonner son propre caprice, Comme si sa superbe gageait de l’emporter D’où les miracles surgissent comme des fleurs, Sont plus sûrs que raison, plus habiles que ruse Et plus prompts que les ailes de l’Imaginaire. Elle recrée tout par la pensée et le mot, Contraint la substance par sa baguette mentale. Sur les mystères du Créateur voilé. Les pas rapides de sa riche fantaisie Suspendre ou changer la loi concrète de la terre. Affranchi de l’habit terrestre engourdissant, Il peut rompre l’emprise plombée de la Matière ; Indifférent au regard courroucé de la Mort, Il peut immortaliser l’œuvre d’un moment ; Un simple fiat de sa force pensante, Une légère pression de son assentiment Peuvent libérer l’Energie confinée Dans les chambres de sa transe mystérieuse ; Du sommeil du corps il fait une arme puissante, Immobilise le souffle, les battements du cœur Pour trouver l’invisible et accomplir l’impossible, Communique directement la pensée muette ; Le Mental est un divin médiateur : Il peut défaire l’ouvrage de la Nature,

The leaden grip of Matter it can break; Indifferent to the angry stare of Death, It can immortalise a moment's work: A simple fiat of its thinking force, The casual pressure of its slight assent Can liberate the Energy dumb and pent Within its chambers of mysterious trance: It makes the body's sleep a puissant arm,

Holds still the breath, the beatings of the heart, While the unseen is found, the impossible done, Communicates without means the unspoken thought;

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It moves events by its bare silent will, Acts at a distance without hands or feet. This giant Ignorance, this dwarfish Life It can illumine with a prophet sight, Invoke the bacchic rapture, the Fury's goad, In our body arouse the demon or the god, Call in the Omniscient and Omnipotent, Awake a forgotten Almightiness within. In its own plane a shining emperor, Even in this rigid realm, Mind can be king: The logic of its demigod Idea In the leap of a transitional moment brings Surprises of creation never achieved Even by Matter's strange unconscious skill. All's miracle here and can by miracle change. This is that secret Nature's edge of might. On the margin of great immaterial planes, In kingdoms of an untrammelled glory of force, Where Mind is master of the life and form And soul fulfils its thoughts by its own power, She meditates upon mighty words and looks On the unseen links that join the parted spheres. Thence to the initiate who observes her laws She brings the light of her mysterious realms: Here where he stands, his feet on a prostrate world, His mind no more cast into Matter's mould, Over their bounds in spurts of splendid strength She carries their magician processes And the formulas of their stupendous speech, Till heaven and hell become purveyors to earth And the universe the slave of mortal will.

Il peut diriger les évènements à son gré, Et agir à distance sans aide physique. Cette Ignorance géante, cette Vie minuscule, Il peut illuminer d’une vue prophétique, Invoquer l’ivresse, la débauche ou la Furie, Stimuler dans notre corps le démon ou le dieu, Appeler l’Omniscient et l’Omnipotent, Eveiller une Grandeur oubliée au-dedans. En son propre plan un radieux empereur, Même en ce domaine rigide, il peut être roi : La logique de son Idée à demi divine Peut en un instant transitionnel amener Des surprises de création jamais effectuées Même par l’étrange adresse de la Matière. Tout est miracle et peut par miracle changer : Tel est le tranchant de cette Nature secrète. A la lisère de grands plans immatériels, En des royaumes d’une force glorieuse, Où le Mental maîtrise la vie et la forme Et l’âme se réalise par sa propre force, Méditant sur de grandes paroles, elle contemple Les liens invisibles qui joignent les sphères. C’est de là, à l’initié qui observe ses lois, Qu’elle apporte la lumière de ses mystères : Ici où, debout dans un monde prostré, Il s’est dégagé du moule de la Matière, En jets splendides franchissant leurs orées Elle charrie leurs magies et les formules De leur langage inouï, pour que le ciel Et l’enfer deviennent pourvoyeurs de la terre Et l’univers l’esclave du vouloir des mortels.

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A mediatrix with veiled and nameless gods Whose alien will touches our human life, Imitating the World-Magician's ways She invents for her self-bound free-will its grooves And feigns for magic's freaks a binding cause. All worlds she makes the partners of her deeds, From every source she has taken her cunning means, She draws from the free-love marriage of the planes Elements for her creation's tour-de-force: A wonder-weft of knowledge incalculable, A compendium of divine invention's feats She has combined to make the unreal true Or liberate suppressed reality: In her unhedged Circean wonderland Pell-mell she shepherds her occult mightinesses; Her mnemonics of the craft of the Infinite, Jets of the screened subliminal's caprice, Tags of the gramarye of Inconscience, Freedom of a sovereign Truth without a law, Thoughts that were born in the immortals' world, Oracles that break out from behind the shrine, Warnings from the daemonic inner voice And peeps and lightning-leaps of prophecy And intimations to the inner ear, Abrupt interventions stark and absolute And the Superconscient's unaccountable acts, Have woven her balanced web of miracles And the weird technique of her tremendous art. Accomplices of her mighty violence, Her daring leaps into the impossible:

Une médiatrice auprès de dieux innommables Dont la volonté étrangère affecte nos vies, Imitant les voies du grand Thaumaturge Elle assigne à sa propre liberté ses ornières Et à ses tours de magie une cause astreignante. De tous les mondes elle fait ses partenaires, Les complices de sa violence sublime, De ses bonds intrépides dans l’impossible : Elle a pris ses stratagèmes de toutes les sources Et du mariage libre des plans elle extrait Les éléments de son tour de force créatif : D’une trame de connaissance incalculable Et d’un manuel d’exploits divinement inventifs Elle a fait usage, pour rendre vrai l’irréel Ou libérer la réalité réprimée : Pêle-mêle dans son vaste pays Circéen Elle mène les troupeaux de ses puissances ; Ses extraits du grimoire de l’Inconscience, Liberté sans loi d’une Vérité souveraine, Pensées qui naquirent parmi les immortels, Oracles qui jaillissent de derrière l’autel, Avertissements de la voix daemone intérieure, Eclairs et soudains aperçus de prophétie Et intimations à l’oreille intérieure, Interventions abruptes, brutales et absolues, Ou actes inexplicables du Supraconscient, - Ont ensemble tissé la toile de ses miracles Et la technique insolite de son grand art. A Ses mnémoniques du génie de l’Infini, Ses jets d’un caprice subliminal voilé,

This bizarre kingdom passed into his charge.

Ce royaume bizarre fut transmis à sa charge.

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As one resisting more the more she loves, Her great possessions and her power and lore She gave, compelled, with a reluctant joy; Herself she gave for rapture and for use. Absolved from aberrations in deep ways, The ends she recovered for which she was made: She turned against the evil she had helped Her engined wrath, her invisible means to slay; Her dangerous moods and arbitrary force She surrendered to the service of the soul And the control of a spiritual will. A greater despot tamed her despotism. Assailed, surprised in the fortress of her self, Conquered by her own unexpected king, Fulfilled and ransomed by her servitude, She yielded in a vanquished ecstasy, Her sealed hermetic wisdom forced from her, Fragments of the mystery of omnipotence. A border sovereign is the occult Force. A threshold guardian of the earth-scene's Beyond, She has canalised the outbreaks of the Gods And cut through vistas of intuitive sight A long road of shimmering discoveries. The worlds of a marvellous Unknown were near, Behind her an ineffable Presence stood: Her reign received their mystic influences, Their lion-forces crouched beneath her feet; The future sleeps unknown behind their doors. Abysms infernal gaped round the soul's steps And called to its mounting vision peaks divine: An endless climb and adventure of the Idea

Comme si, plus elle aimait, plus elle résistait, Elle offrit, contrainte, avec une joie réticente, Ses grandes possessions, son pouvoir et son savoir ; Elle se donna, pour le plaisir et pour l’usage.

Absoute de ses profondes aberrations, Elle recouvrit ses fins essentielles :

Elle tourna contre le mal qu’elle avait aidé Son ire et ses moyens invisibles de tuer ; Ses humeurs dangereuses et sa force arbitraire Elle soumit et dédia au service de l’âme Et au contrôle d’une volonté spirituelle. Un despote plus grand qu’elle la dompta. Assaillie dans la forteresse de son être, Conquise par son propre roi inattendu, Accomplie et rançonnée par sa servitude Elle se livra dans une extase vaincue, Forcée de céder sa sagesse hermétique, Fragments du mystère de la toute-puissance. Une frontière souveraine est la Force occulte. Seuil et gardienne entre la terre et l’Au-delà, Elle a canalisé les éruptions des Dieux Et frayé, dans l’étendue de la vue intuitive, Une route scintillante de découvertes. Les mondes d’un Inconnu merveilleux étaient proches Et derrière elle était une ineffable Présence : Son règne recevait leurs influences mystiques, Leurs forces léonines se tenaient à ses pieds ; L’avenir gît endormi derrière leurs portes. Aux pas de l’âme s’ouvraient des abîmes béants

Et des cimes divines appelaient sa vision : Une ascension et une aventure de l’Idée

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There tirelessly tempted the explorer mind And countless voices visited the charmed ear; A million figures passed and were seen no more. This was a forefront of God's thousandfold house, Beginnings of the half-screened Invisible. A magic porch of entry glimmering Quivered in a penumbra of screened Light, A court of the mystical traffic of the worlds, A balcony and miraculous façade. Above her lightened high immensities; All the unknown looked out from boundlessness: It lodged upon an edge of hourless Time, Gazing out of some everlasting Now, Its shadows gleaming with the birth of gods, Its bodies signalling the Bodiless, Its foreheads glowing with the Oversoul, Its forms projected from the Unknowable, Its eyes dreaming of the Ineffable, Its faces staring into eternity. Life in him learned its huge subconscient rear; The little fronts unlocked to the unseen Vasts: Her gulfs stood nude, her far transcendences Flamed in transparencies of crowded light. A giant order was discovered here Of which the tassel and extended fringe Are the scant stuff of our material lives. This overt universe whose figures hide The secrets merged in superconscient light, Wrote clear the letters of its glowing code: A map of subtle signs surpassing thought Was hung upon a wall of inmost mind.

Sans cesse tentait le mental explorateur Et d’innombrables voix venaient charmer l’oreille ; Un million de formes passaient, bientôt évanouies. C’était un parvis de la demeure de Dieu, Commencements de l’Invisible encore voilé. Le porche d’une entrée magique luisait Dans une pénombre de Lumière dérobée, Une cour de l’échange mystique des mondes, Un balcon, une miraculeuse façade. Au-dessus, en de hautes, pâles immensités, Tout l’inconnu se penchait depuis l’infini, Logé sur un rebord d’un Temps sans mesure, Regardant de quelque perpétuel Maintenant, Ses ombres brillantes de la naissance des dieux, Ses corps signalant la présence du Sans Corps, Ses fronts incandescents de l’Ame suprême, Ses formes projetées depuis l’Inconnaissable, Ses yeux rêvant de Cela qui est ineffable, Ses visages tournés dans l’éternité. La Vie en lui apprenait sa base subconsciente ; Ses petits abords s’ouvraient aux Vastes occultes : Ses gouffres étaient nus, ses lointaines transcendances Brûlaient en transparences de lumière vivante. Un ordre géant était ici découvert Dont seuls la frange ornementale et le gland Sont la substance de nos vies matérielles. Cet univers évident dont les figures cachent Les secrets immergés dans une haute lumière,

Traça les lettres ardentes de son code : Une carte de signes surpassant la pensée Suspendue sur un mur de mental intérieur,

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Illumining the world's concrete images Into significant symbols by its gloss, It offered to the intuitive exegete Its reflex of the eternal Mystery. Ascending and descending twixt life's poles

Illuminant les images concrètes du monde En symboles ainsi rendus signifiants Par son éclat, offrit à l’exégète intuitif Sa réflexion du Mystère éternel. Ascendant et descendant entre les pôles, Les royaumes sériés de la Loi graduée Depuis l’Eternel plongeaient dans le Temps, Puis, joyeux d’une gloire de multiplicité, Riches de l’aventure et du plaisir de la vie Et de la beauté des formes et tons matériels, Remontaient du Temps dans le Soi sans mort, Portant l’âme sur une échelle d’or et liant Les extrêmes de l’Esprit par des fils de diamant. Dans cette chute de conscience en conscience, Chacun s’appuyait sur l’occulte Inconscient, Fontaine de son Ignorance nécessaire, Maçon des limites qui lui permettent de vivre. Dans cet essor de conscience en conscience Chacun soulevait des sommets à Cela, Origine de tout ce qu’il avait été Et foyer de tout ce qu’il pourrait devenir. Un clavier d’orgue des actes de l’Eternel, Montant à leur apogée dans un Calme infini, Enjambées du Merveilleux aux mille visages, Stades prédestinés de la Voie évolutrice, Mesures de la stature de l’âme croissante, Ils interprétaient l’existence à elle-même Et, intervenant entre les cimes et les fonds, Unissaient les opposés mariés sous le voile Et reliaient la création à l’Ineffable.

The seried kingdoms of the graded Law Plunged from the Everlasting into Time, Then glad of a glory of multitudinous mind And rich with life's adventure and delight And packed with the beauty of Matter's shapes and hues Climbed back from Time into undying Self, Up a golden ladder carrying the soul, Tying with diamond threads the Spirit's extremes. In this drop from consciousness to consciousness Each leaned on the occult Inconscient's power, The fountain of its needed Ignorance, Archmason of the limits by which it lives. In this soar from consciousness to consciousness Each lifted tops to That from which it came, Origin of all that it had ever been And home of all that it could still become. An organ scale of the Eternal's acts, Mounting to their climax in an endless Calm,

Paces of the many-visaged Wonderful, Predestined stadia of the evolving Way, Measures of the stature of the growing soul, They interpreted existence to itself And, mediating twixt the heights and deeps,

United the veiled married opposites And linked creation to the Ineffable.

A last high world was seen where all worlds meet;

Un dernier monde apparut, où tous se rencontrent ;

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In its summit gleam where Night is not nor Sleep, The light began of the Trinity supreme. All there discovered what it seeks for here. It freed the finite into boundlessness And rose into its own eternities. The Inconscient found its heart of consciousness, The idea and feeling groping in Ignorance At last clutched passionately the body of Truth, The music born in Matter's silences Plucked nude out of the Ineffable's fathomlessness The meaning it had held but could not voice; The perfect rhythm now only sometimes dreamed An answer brought to the torn earth's hungry need Rending the night that had concealed the Unknown, Giving to her her lost forgotten soul. A grand solution closed the long impasse In which the heights of mortal effort end. A reconciling Wisdom looked on life; It took the striving undertones of mind And took the confused refrain of human hopes And made of them a sweet and happy call;

A son sommet où la Nuit n’est pas, ni le Sommeil, Commençait la lumière de la Trinité. Tout ce qu’ici l’on recherche était là découvert. Relâchant le fini dans l’illimité Cela montait à ses propres éternités. L’Inconscient y trouvait son cœur de conscience, L’idée et l’émotion, qui tâtonnent ici-bas, Y étreignaient enfin le corps de la Vérité ; La musique issue des silences de la Matière Y cueillait de l’Ineffable insondé le sens nu Qu’elle avait tenu mais ne pouvait exprimer ; Le rythme parfait dont ici parfois nous rêvons Y répondait au besoin supplicié de la terre, Déchirant la nuit qui avait voilé l’Inconnu Et lui rendant son âme longtemps oubliée. Une solution sublime achevait l’impasse Où cessent les hauteurs de l’effort du mortel. Une Sagesse y réconciliait toute la vie, Prenant les tensions sous-jacentes du mental Et le refrain confus des espérances humaines Pour en faire un appel unique, tendre et heureux, Ou soulevant d’un souterrain de douleur Ure puissante union son thème perpétuel, Elle captait les émissions éparses de l’âme, A peine saisies entre nos lignes de pensée Ou méprises, dans la torpeur de la Matière, Pour des bribes incohérentes dans le sommeil ; Elle regroupait les chaînons d’or dispersés Le murmure inarticulé de nos vies Pour lui trouver un sens illimitable.

It lifted from an underground of pain The inarticulate murmur of our lives And found for it a sense illimitable. A mighty oneness its perpetual theme,

It caught the soul's faint scattered utterances, Read hardly twixt our lines of rigid thought Or mid this drowse and coma on Matter's breast Heard like disjointed mutterings in sleep; It grouped the golden links that they had lost

And showed to them their divine unity, Saving from the error of divided self

Et leur montrait leur divine unité, Sauvant de l’erreur du soi divisé

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