Savitri - Book Three - Canto 3
B OOK T HREE – C ANTO 3 – T HE H OUSE OF THE S PIRIT AND THE N EW C REATION L IVRE T ROIS – C HANTE 3 – L A D EMEURE DE L ’E SPRIT ET LA N OUVELLE C REATION
SAVITRI S RI A UROBINDO
French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com
BOOK THREE - The Book of the Divine Mother
LIVRE TROIS – Le Livre de la Mère Divine
Canto Three - The House of the Spirit and the New Creation
Chant Trois – La Demeure de l’Esprit et la Nouvelle Création
A mightier task remained than all he had done. To That he turned from which all being comes, A sign attending from the Secrecy Which knows the Truth ungrasped behind our thoughts
Une tâche plus grande l’attendait maintenant. Vers Cela il se tourna dont vient l’existence - Vers un signe émissaire depuis le Secret Qui connaît la Vérité derrière nos pensées Et garde le monde avec ses yeux clairvoyants. Dans le calme inabordable de son âme, Intense, concentré, monumental, seul, Patient il se tint, tel un espoir incarné, Immobile sur un socle de prière. Il cherchait une force inconnue de la terre, L’aide d’un Pouvoir trop grand pour le mortel, La lumière d’une Vérité trop lointaine, Une sanction de sa haute Source omnipotente. Mais les terribles hauteurs demeuraient sans voix, Et les paupières éternelles ne s’ouvraient pas. Il sentait l’énorme, obtuse résistance De notre base inconsciente et aveugle, Le rejet obstiné dans les fonds de la vie, Le « Non » ignorant dans l’origine des choses. Une collaboration voilée avec la Nuit Survivait même en lui et se cachait de sa vue : Quelque chose ici dans son être gardait encore Son affinité avec l’Inconscience première. Une unité d’ombre avec un passé évanoui, Préservée dans une forme ancienne, était tapie, Une vacuité neutre oppressait les années. Dans la texture de notre humanité liée
And guards the world with its all-seeing gaze. In the unapproachable stillness of his soul, Intense, one-pointed, monumental, lone,
Patient he sat like an incarnate hope Motionless on a pedestal of prayer.
A strength he sought that was not yet on earth, Help from a Power too great for mortal will, The light of a Truth now only seen afar, A sanction from his high omnipotent Source. But from the appalling heights there stooped no voice; The timeless lids were closed; no opening came. A neutral helpless void oppressed the years. In the texture of our bound humanity He felt the stark resistance huge and dumb Of our inconscient and unseeing base, The stubborn mute rejection in life's depths, The ignorant No in the origin of things. A veiled collaboration with the Night Even in himself survived and hid from his view: Still something in his earthly being kept Its kinship with the Inconscient whence it came. A shadowy unity with a vanished past Treasured in an old-world frame was lurking there,
Secret, unnoted by the illumined mind, And in subconscious whispers and in dream Still murmured at the mind's and spirit's choice. Its treacherous elements spread like slippery grains Hoping the incoming Truth might stumble and fall, And old ideal voices wandering moaned And pleaded for a heavenly leniency To the gracious imperfections of our earth And the sweet weaknesses of our mortal state. All Nature's recondite spaces were stripped bare, All her dim crypts and corners searched with fire Where refugee instincts and unshaped revolts Could shelter find in darkness' sanctuary Against the white purity of heaven's cleansing flame. All seemed to have perished that was undivine: Yet some minutest dissident might escape And still a centre lurk of the blind force. For the Inconscient too is infinite; The more its abysses we insist to sound, The more it stretches, stretches endlessly. Then lest a human cry should spoil the Truth He tore desire up from its bleeding roots And offered to the gods the vacant place. Thus could he bear the touch immaculate. A last and mightiest transformation came. His soul was all in front like a great sea Flooding the mind and body with its waves; His being, spread to embrace the universe, This now he willed to discover and exile, The element in him betraying God.
Là, secrète, à l’insu du mental illuminé Et, en chuchotements subconscients et en rêve, Maugréait encore contre le choix de l’esprit - Parsemant ses graines perfides dans l’espoir
De faire trébucher la nouvelle Vérité -, Et de vieilles voix idéales gémissaient Et plaidaient une indulgence du ciel
Pour les gracieuses imperfections de notre terre Et les douces faiblesses de notre état mortel.
Ceci, il voulut démasquer et exiler, L’élément en lui qui trahissait Dieu. Les secrets de la Nature furent mis à nu Et fouillées avec le feu ses cryptes cachées Où des instincts réfugiés et d’informes révoltes Dans le sanctuaire de l’ombre pouvaient s’abriter De la blanche flamme purifiante du ciel. Tout semblait avoir péri qui n’était pas divin. Mais un infime dissident pouvait échapper Et un centre de la force aveugle demeurer. Car l’Inconscient aussi est infini ; Plus nous insistons à sonder ses abysses, Et plus interminablement il s’étend. Alors, pour que nul cri ne ruine la Vérité, Arrachant le désir de ses racines sanglantes
Il offrit aux dieux la place vacante. Ainsi put-il supporter le contact sacré.
Vint une dernière et sublime transformation. Son âme était toute en avant comme une mer Inondant le mental et le corps de ses vagues ; Son être, répandu pour tenir l’univers,
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United the within and the without To make of life a cosmic harmony, An empire of the immanent Divine. In this tremendous universality Not only his soul-nature and mind-sense Included every soul and mind in his,
Unissait le dedans avec le dehors Pour faire de toute la vie une harmonie, Un empire de la divine Immanence. Dans cette formidable universalité
Non seulement sa nature psychique et mentale Incluait chaque âme et chaque intelligence, Mais la vie de la chair et des nerfs était changée Et devenait une avec tout ce qui vit ; Il éprouvait la joie des autres comme la sienne, Il endurait leur chagrin comme le sien : Sa sympathie universelle soutenait, Immense, océane, la charge de la création, Comme la terre le sacrifice de tous les êtres, Habitée par la joie et la paix du Transcendant. Il n’y avait plus l’incessante division; L’unité de l’Esprit devenait manifeste Et la Nature éprouvait à nouveau le bonheur. Il n’y avait pas de clivage entre les âmes, Pas de barrière entre le monde et le Divin. La forme et la mémoire étaient subjuguées ; Le couvercle mental fut saisi et déchiré ; Dissous, il ne pourrait plus se reformer, Et la Conscience qui créa le monde apparut ; Tout maintenant était force et luminosité. Aboli jusqu’aux traces les plus évanescentes, Le cercle du petit soi s’était évanoui ; L’être séparé n’était plus perceptible, Disparu jusqu’à ne plus se connaître, Perdu dans l’ample identité de l’esprit. Sa nature devenait un mouvement du Tout, S’explorant pour trouver que tout était Lui, Et son âme était une délégation du Tout
But even the life of flesh and nerve was changed And grew one flesh and nerve with all that lives; He felt the joy of others as his joy, He bore the grief of others as his grief; His universal sympathy upbore, Immense like ocean, the creation's load As earth upbears all beings' sacrifice, Thrilled with the hidden Transcendent's joy and peace. There was no more division's endless scroll; There was no cleavage between soul and soul, There was no barrier between world and God. Overpowered were form and memory's limiting line; The covering mind was seized and torn apart; It was dissolved and now no more could be, The one Consciousness that made the world was seen; All now was luminosity and force. One grew the Spirit's secret unity, All Nature felt again the single bliss.
Abolished in its last thin fainting trace The circle of the little self was gone; The separate being could no more be felt; It disappeared and knew itself no more, Lost in the spirit's wide identity. His nature grew a movement of the All, Exploring itself to find that all was He, His soul was a delegation of the All
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That turned from itself to join the one Supreme. Transcended was the human formula; Man's heart that had obscured the Inviolable Assumed the mighty beating of a god's; His seeking mind ceased in the Truth that knows; His life was a flow of the universal life. He stood fulfilled on the world's highest line Awaiting the ascent beyond the world, Awaiting the descent the world to save. A Splendour and a Symbol wrapped the earth, Serene epiphanies looked and hallowed vasts Surrounded, wise infinitudes were close And bright remotenesses leaned near and kin. Sense failed in that tremendous lucency; Ephemeral voices from his hearing fell And Thought potent no more sank large and pale Like a tired god into mysterious seas. The robes of mortal thinking were cast down Leaving his knowledge bare to absolute sight; Fate's driving ceased and Nature's sleepless spur: The athlete heavings of the will were stilled In the Omnipotent's unmoving peace. Life in his members lay down vast and mute;
Qui s’en retournait se joindre au Suprême. La formule humaine était enfin transcendée ; Le cœur de l’homme, qui avait obscurci l’Inviolable,
Assumait le battement de celui d’un dieu ; Sa quête s’achevait dans la Vérité qui sait ; Sa vie était un flot de la vie universelle.
Parvenu sur la plus haute ligne du monde, Il attendait l’ascension par-delà le monde Et la descente qui viendrait sauver le monde. Une Splendeur, un Symbole enveloppaient la terre, De sereines épiphanies, des vastes sacrés L’entouraient, de sages infinités s’approchaient, De radieuses distances s’inclinaient tout près. Cette formidable clarté dépassait les sens ; Les voix éphémères s’évanouirent de son ouïe Et la Pensée sombra impuissante, large et pâle Comme un dieu fatigué en des eaux mystérieuses. Défaites les robes de l’intelligence mortelle, Sa connaissance était nue à la vue absolue ; La force du Destin, l’aiguillon de la Nature, Les efforts de la volonté, - tout s’était tu Dans la paix immobile de l’Omnipotent. La vie gisait dans ses parts, vaste et muette ; Dépouillée, délivrée, elle endurait sans effroi Le regard immense de l’Immortalité. Le dernier mouvement cessa, et tout s’apaisa. Un poids qui était la main du Transcendant Posa sur ses membres le sceau de l’Esprit Et l’Infinité l’engloutit dans sa transe.
Naked, unwalled, unterrified it bore The immense regard of Immortality.
The last movement died and all at once grew still. A weight that was the unseen Transcendent's hand Laid on his limbs the Spirit's measureless seal, Infinity swallowed him into shoreless trance.
As one who sets his sail towards mysteried shores
Tel celui qui fait voile vers d’étranges rivages,
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Driven through huge oceans by the breath of God, The fathomless below, the unknown around, His soul abandoned the blind star-field, Space. Afar from all that makes the measured world, Plunging to hidden eternities it withdrew Back from mind's foaming surface to the Vasts Voiceless within us in omniscient sleep. Above the imperfect reach of word and thought, Beyond the sight that seeks support of form, Lost in deep tracts of superconscient Light, Or voyaging in blank featureless Nothingness, Sole in the trackless Incommensurable, Or past not-self and self and selflessness, Transgressing the dream-shores of conscious mind He reached at last his sempiternal base. On sorrowless heights no winging cry disturbs, Pure and untouched above this mortal play Is spread the spirit's hushed immobile air. There no beginning is and there no end; There is the stable force of all that moves; There the aeonic labourer is at rest. There turns no keyed creation in the void, No giant mechanism watched by a soul; There creaks no fate-turned huge machinery; The marriage of evil with good within one breast, The clash of strife in the very clasp of love, The dangerous pain of life's experiment In the values of Inconsequence and Chance, The peril of mind's gamble, throwing our lives As stake in a wager of indifferent gods And the shifting lights and shadows of the idea
Mené sur d’immenses mers par le souffle de Dieu, L’insondable au-dessous, le mystère tout autour, Son âme abandonna l’aveugle champ des étoiles. Loin de tout ce qui fait le monde mesuré, Plongeant à d’autres éternités, elle quitta La surface écumante du mental pour les Vastes Qui gisent en nous dans un sommeil omniscient. Là où le verbe et la pensée ne peuvent atteindre, Ni la vue qui demande le support de la forme, Perdu en de profondes étendues de Lumière, Ou traversant un indescriptible Néant, Seul dans l’Incommensurable inexploré, Par-delà le non-soi, le soi, l’absence de soi, Transgressant les rives et les rêves du mental, Il rejoignit enfin sa base sempiternelle. Sur des hauteurs que nul cri ailé ne peut troubler, Pur et intact au-dessus de ce jeu mortel S’étend l’air de l’esprit, silencieux, immobile. Là, il n’y a pas de commencement, pas de fin ; Là est la force stable de tout ce qui se meut ; Là, l’ouvrier des éons se repose. Aucun monde automate n’y tourne dans le vide, Aucun mécanisme géant veillé par une âme, Aucune machinerie grinçante du destin ; Le mariage du mal et du bien dans un corps, Le choc de la lutte dans les bras de l’amour, La peine et le danger de l’expérience vivante Des valeurs du Hasard et de l’Inconséquence, Le pari périlleux du mental, misant nos vies Dans une gageure de dieux indifférents, Et les clartés et les ombres de l’idée
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Falling upon the surface consciousness, And in the dream of a mute witness soul Creating the error of a half-seen world Where knowledge is a seeking ignorance, Life's steps a stumbling series without suit, Its aspect of fortuitous design,
Se posant sur la conscience de surface, Et dans le songe d’une âme-témoin Créant l’erreur d’un monde à demi perçu Où la connaissance est une ignorance qui cherche Et les pas de la vie sont une série sans suite - Avec son aspect d’ordonnance fortuite Et sa mesure égale du vrai et du faux -, Dans ce domaine immobile et immuable Ne trouvent ni accès, ni cause, ni droit de vivre : Seule y règne la puissance étale de l’esprit Etablie en elle-même pour l’éternité Et sa paix omnisciente et omnipotente. Ni les pensées, ni les vérités ne s’y heurtent, Il n’y a pas de conflit entre des droits rivaux, Il n’y a pas de vies qui trébuchent et tâtonnent D’un hasard à un autre hasard inattendu, Ni la souffrance de cœurs contraints de battre Dans des corps fabriqués par l’inerte Inconscient. Armés du Feu occulte immun et irréductible, Les gardiens de l’Eternité préservent sa loi A jamais fixée sur sa base de Vérité Dans son foyer magnifique et imprescriptible. La Nature, là, sur sa couche spirituelle, Immuablement transcendante, connaît sa source Et, au mouvement des multitudes des mondes, Consent impassible, en un calme perpétuel. Cause de tout, soutenant tout, distant de tout, Le Témoin observe de sa pose inébranlable, Un œil immense qui regarde toutes choses.
Its equal measure of the true and false In that immobile and immutable realm Find no access, no cause, no right to live: There only reigns the spirit's motionless power Poised in itself through still eternity And its omniscient and omnipotent peace. Thought clashes not with thought and truth with truth, There is no war of right with rival right; There are no stumbling and half-seeing lives Passing from chance to unexpected chance, No suffering of hearts compelled to beat In bodies of the inert Inconscient's make. Armed with the immune occult unsinking Fire The guardians of Eternity keep its law For ever fixed upon Truth's giant base In her magnificent and termless home. There Nature on her dumb spiritual couch Immutably transcendent knows her source And to the stir of multitudinous worlds
Assents unmoved in a perpetual calm. All-causing, all-sustaining and aloof, The Witness looks from his unshaken poise, An Eye immense regarding all things done.
Apart, at peace above creation's stir, Immersed in the eternal altitudes,
En paix, loin au-dessus de la création, Immergé dans les altitudes éternelles,
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He abode defended in his shoreless self, Companioned only by the all-seeing One. A Mind too mighty to be bound by Thought, A Life too boundless for the play in Space, A Soul without borders unconvinced of Time, He felt the extinction of the world's long pain, He became the unborn Self that never dies, He joined the sessions of Infinity. On the cosmic murmur primal loneliness fell, Annulled was the contact formed with time-born things, Empty grew Nature's wide community. All things were brought back to their formless seed, The world was silent for a cyclic hour. Although the afflicted Nature he had left Maintained beneath him her broad numberless fields,
Il demeurait dans son être sans rivages, L’Un omnivoyant pour seul compagnon. Un Mental que la Pensée ne pouvait plus lier, Une Vie trop large pour le jeu dans l’Espace, Une Ame sans frontières et libre du Temps, Il sentit s’éteindre la longue peine du monde, Il devint Cela qui est sans naissance ni mort, Il se joignit aux sessions de l’Infinité. Sur le murmure cosmique tomba le silence, S’annula le contact avec les choses du temps Et se vida la communauté de la Nature. Tout fut ramené à l’état d’informe semence Et le monde se tut pour une heure cyclique. Bien que la Nature affligée qu’il avait quittée Maintenait dessous lui ses champs innombrables, Son acte énorme refluait et s’estompait Comme un rêve sans âme qui enfin cesserait ; Aucune voix ne descendait des hauts Silences, Depuis Ses solitudes, Elle ne répondait rien. Il régnait l’immobilité de la cessation, Le calme immortel avant que naissent les dieux ; Une Force universelle attendait, muette, L’ultime décret du Transcendant invisible. Alors d’en haut soudainement vint un regard. Comme une mer explorant ses propres fonds, Une Union vivante s’élargit à son centre Et le joignit à des multitudes sans nombre. Flamme blanche, un Amour bienheureux et puissant Saisit et rassembla tout dans une immense étreinte ;
Her enormous act, receding, failed remote As if a soulless dream at last had ceased. No voice came down from the high Silences, None answered from her desolate solitudes. A stillness of cessation reigned, the wide Immortal hush before the gods are born; A universal Force awaited, mute, The veiled Transcendent's ultimate decree. Then suddenly there came a downward look. As if a sea exploring its own depths, A living Oneness widened at its core And joined him to unnumbered multitudes. A Bliss, a Light, a Power, a flame-white Love Caught all into a sole immense embrace; Existence found its truth on Oneness' breast And each became the self and space of all.
Sur son sein l’existence trouva sa vérité Et chacun devint le soi et l’espace de tous.
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The great world-rhythms were heart-beats of one Soul, To feel was a flame-discovery of God, All mind was a single harp of many strings, All life a song of many meeting lives; For worlds were many, but the Self was one. This knowledge now was made a cosmos' seed: This seed was cased in the safety of the Light, It needed not a sheath of Ignorance. Then from the trance of that tremendous clasp And from the throbbings of that single Heart And from the naked Spirit's victory A new and marvellous creation rose. Incalculable outflowing infinitudes Laughing out an unmeasured happiness Lived their innumerable unity; Worlds where the being is unbound and wide Bodied unthinkably the egoless Self; Rapture of beatific energies Joined Time to the Timeless, poles of a single joy; White vasts were seen where all is wrapped in all. There were no contraries, no sundered parts, Each was unique, but took all lives as his own, And, following out these tones of the Infinite, Recognised in himself the universe. A splendid centre of infinity's whirl Pushed to its zenith's height, its last expanse, Felt the divinity of its own self-bliss Repeated in its numberless other selves: It took up tirelessly into its scope All by spiritual links were joined to all And bound indissolubly to the One:
Une seule Ame battait dans les rythmes des mondes, Toute l’expérience était un feu de découverte, Tout le mental une harpe de beaucoup de cordes, Toute la vie un chant incessant de rencontres ; Car nombreux étaient les mondes, mais le Soi était un. Cette connaissance alors fut changée en graine Et cette graine fut déposée dans la Lumière - Nul besoin n’était d’une gangue d’Ignorance. Puis, de la transe de cette formidable étreinte Et des pulsations de ce Cœur unique Et de la victoire du seul Esprit nu, Naquit une nouvelle, merveilleuse création. Exultantes, d’incalculables infinitudes Jubilantes d’un bonheur sans mesures Eprouvaient leur innombrable unité ; Des mondes où l’être est ample et sans attaches Incarnaient, impensables, le Soi sans ego ; Des énergies béatifiques pouvaient joindre Le Temps à l’Eternel, pôles d’une joie unique, En des vastes blancs où tout contient tout. Il n’y avait ni contraires, ni parties séparées, Tous étaient joints à tous par des liens intérieurs Et indissolublement reliés au Suprême : Chacun était unique, mais vivait toutes les vies Et, en suivant ces tons multiples de l’Infini, Reconnaissait en lui-même tout l’univers. Un centre splendide de l’infini tournoiement, Poussé à son zénith, à son ultime expansion, Sentait la divinité de sa propre joie d’être Répétée dans ses autres êtres sans nombre ; Cela prenait inlassablement dans son champ
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Persons and figures of the Impersonal, As if prolonging in a ceaseless count, In a rapturous multiplication's sum, The recurring decimals of eternity. None was apart, none lived for himself alone, Each lived for God in him and God in all, Each soleness inexpressibly held the whole. There Oneness was not tied to monotone; It showed a thousand aspects of itself, Its calm immutable stability Upbore on a changeless ground for ever safe, Compelled to a spontaneous servitude, The ever-changing incalculable steps, The seeming-reckless dance's subtle plan Of immense world-forces in their perfect play. Appearance looked back to its hidden truth And made of difference oneness' smiling play; It made all persons fractions of the Unique, Yet all were being's secret integers. All struggle was turned to a sweet strife of love In the harmonised circle of a sure embrace. Identity's reconciling happiness gave A rich security to difference. On a meeting line of hazardous extremes The game of games was played to its breaking-point, Where through self-finding by divine self-loss
Des personnes et figures de l’Impersonnel, Comme pour prolonger par un compte incessant, Dans la somme d’une extase multipliée, Les décimales récurrentes de l’éternel. Nul n’était à part, nul ne vivait que pour soi, Chacun vivait pour Dieu en soi et Dieu en tous, Chacun inexprimablement contenait le tout. L’Union n’était pas liée au monotone ; Elle présentait mille aspects d’elle-même, Et son immuable stabilité supportait Sur un terrain permanent et à jamais sûr, Contraints à une servitude spontanée, Les pas incalculables jamais les mêmes Et le plan subtil de la danse intrépide De forces immenses dans leur jeu parfait. L’apparence était consciente de sa vérité, Dans la différence souriait l’unité ; Ainsi, tous étaient des fractions de l’Unique, Et pourtant, secrètement, ses nombres entiers. Toute lutte devenait un combat d’amour Dans le cercle harmonisé d’une même étreinte. L’heureuse identité réconciliait et donnait Une riche sécurité à la différence. Sur une ligne où se rencontrent les extrêmes La partie ultime atteignait son point de rupture Où, se trouvant par la perte divine de soi, Jaillit la joie suprême de l’unité Dont la pleine douceur bienheureuse éprouve Une communauté d’existence absolue. Nulle part il n’y avait un sanglot de souffrance ; D’un point à l’autre l’expérience était une joie : Car la joie était la vérité même des choses.
There leaps out unity's supreme delight Whose blissful undivided sweetness feels A communality of the Absolute. There was no sob of suffering anywhere; Experience ran from point to point of joy: Bliss was the pure undying truth of things.
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All Nature was a conscious front of God: A wisdom worked in all, self-moved, self-sure,
La Nature entière était un visage de Dieu : Une sagesse oeuvrait en tous, libre et sûre, Une plénitude de Lumière illimitable, Une authenticité de Vérité intuitive, Une gloire et passion de Force créative. Bondissant infaillible de l’éternité, La pensée de l’instant inspirait l’acte immédiat. Une parole ou un rire jaillissait du Silence, Un rythme de Beauté dans le calme de l’Espace, Une connaissance au cœur insondable du Temps. Sans réserve chacun s’ouvrait aux autres : Une seule extase sans une pause, L’Amour était une identité, proche et intense, Dans le cœur vibrant de cette vie lumineuse. Une vision universelle qui rassemble, Une sympathie mutuelle des nerfs, Une ouïe qui perçoit le son intérieur Et suit les sens et les rythmes du cœur, Un toucher qui peut étreindre sans mains, Etaient les moyens innés de la conscience Intensifiant l’intimité de l’âme avec l’âme. Un grand orchestre de pouvoirs spirituels, Un diapason de l’échange entre les âmes Exprimait une Union profonde, incommensurable. Projeté dans ces mondes nouveaux il devint Une portion du regard universel, Une station de la lumière immanente, Une onde sur un unique océan de paix. Son esprit communiait avec d’innombrables autres, Ses paroles étaient des syllabes du cosmos Et sa vie un champ de son vaste mouvement.
A plenitude of illimitable Light, An authenticity of intuitive Truth, A glory and passion of creative Force. Infallible, leaping from eternity,
The moment's thought inspired the passing act. A word, a laughter, sprang from Silence' breast, A rhythm of Beauty in the calm of Space, A knowledge in the fathomless heart of Time. All turned to all without reserve's recoil: A single ecstasy without a break, Love was a close and thrilled identity In the throbbing heart of all that luminous life. A universal vision that unites, A sympathy of nerve replying to nerve, Hearing that listens to thought's inner sound And follows the rhythmic meanings of the heart, A touch that needs not hands to feel, to clasp, Were there the native means of consciousness And heightened the intimacy of soul with soul. A grand orchestra of spiritual powers, A diapason of soul-interchange Harmonised a Oneness deep, immeasurable. In these new worlds projected he became A portion of the universal gaze, A station of the all-inhabiting light, A ripple on a single sea of peace. His mind answered to countless communing minds, His words were syllables of the cosmos' speech, His life a field of the vast cosmic stir.
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He felt the footsteps of a million wills Moving in unison to a single goal. A stream ever new-born that never dies, Caught in its thousandfold current's ravishing flow, With eddies of immortal sweetness thrilled, He bore coiling through his members as they passed
Il sentait les pas d’un million de volontés S’avançant à l’unisson vers un même but. Un courant qui renaît sans cesse et jamais ne meurt, Saisi par l’enchantement infini de son flot Et les remous vibrants de sa douceur immortelle, Il éprouvait, s’enroulant à travers ses membres, De calmes mouvements d’un délice continuel, La béatitude de myriades qui sont unes. Dans cette éruption de la loi de la perfection, Imposant sa fixité sur le flux des choses Il vit une hiérarchie de plans transparents Inféodés à ce suprême Etat de Dieu. Accordant leur règle à une même Vérité, Chacun offrait le bien-être d’un degré clair, Seul en beauté, parfait en son propre genre, Une image coulée par un profond absolu, Mariée à tous et heureusement différente. Chacun donnait ses pouvoirs pour aider ses voisins, Sans être jamais diminué par le don ; Profiteurs mutuels d’un échange mystique, Ils grandissaient par ce qu’ils prenaient et donnaient Et sentaient tous les autres comme leurs compléments,
Calm movements of interminable delight, The bliss of a myriad myriads who are one.
In this vast outbreak of perfection's law Imposing its fixity on the flux of things He saw a hierarchy of lucent planes Enfeoffed to this highest kingdom of God-state. Attuning to one Truth their own right rule Each housed the gladness of a bright degree, Alone in beauty, perfect in self-kind, An image cast by one deep truth's absolute, Married to all in happy difference. Each gave its powers to help its neighbours' parts, But suffered no diminution by the gift; Profiteers of a mystic interchange, They grew by what they took and what they gave, All others they felt as their own complements, One in the might and joy of multitude. Even in the poise where Oneness draws apart To feel the rapture of its separate selves, The Sole in its solitude yearned towards the All And the Many turned to look back at the One. An all-revealing all-creating Bliss, Seeking for forms to manifest truths divine, Aligned in their significant mystery The gleams of the symbols of the Ineffable
Unis dans la force et la joie de la multitude. Même dans cet équilibre où l’Un s’écarte Pour éprouver l’extase de ses soi séparés, Le Seul en sa solitude aspirait vers le Tout Et la multitude se retournait vers l’Un. Une Béatitude qui révèle et qui crée, Cherchant à manifester des vérités divines, Alignait dans leur mystère signifiant Les éclats des symboles de l’Ineffable,
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Blazoned like hues upon a colourless air On the white purity of the Witness Soul. These hues were the very prism of the Supreme, His beauty, power, delight creation's cause. A vast Truth-Consciousness took up these signs To pass them on to some divine child Heart That looked on them with laughter and delight The Spirit's white neutrality became A playground of miracles, a rendezvous For the secret powers of a mystic Timelessness: It made of Space a marvel house of God, It poured through Time its works of ageless might, Unveiled seen as a luring rapturous face The wonder and beauty of its Love and Force. The eternal Goddess moved in her cosmic house Sporting with God as a Mother with her child: To him the universe was her bosom of love, His toys were the immortal verities. All here self-lost had there its divine place. The Powers that here betray our hearts and err, Were there sovereign in truth, perfect in joy, There Mind, a splendid sun of vision's rays, Shaped substance by the glory of its thoughts And moved amidst the grandeur of its dreams. Imagination's great ensorcelling rod Summoned the unknown and gave to it a home, Outspread luxuriantly in golden air Masters in a creation without flaw, Possessors of their own infinitude. And joyed in these transcendent images Living and real as the truths they house.
Tels des blasons éclatants dans un air incolore Sur la pureté blanche de l’Ame Témoin. Ces teintes étaient le prisme même du Suprême, Sa beauté, Son pouvoir, Sa joie la cause de tout. Une Conscience de Vérité prenait ces signes Pour les donner à un divin Cœur d’enfant Qui les regardait avec délice en riant Et s’amusait de ces images transcendantes Aussi réelles que les lois qu’elles abritent. Cette blanche neutralité alors se changea En un terrain de miracles et de rencontre Pour les pouvoirs d’un mystique Intemporel ; Elle fit de l’Espace un foyer merveilleux, Versant dans le Temps ses œuvres sans âge Et dévoilant, telle une face enchanteresse, La beauté de son Amour et de sa Force. La Déesse éternelle dans sa maison cosmique Jouait avec Dieu comme avec son enfant : Pour Lui l’univers était ce sein d’amour, Ses jouets étaient les certitudes immortelles. Ce qui, ici, s’est perdu, avait là sa vraie place. Les Pouvoirs qui errent et trahissent nos cœurs, Etaient là justes souverains, parfaits dans la joie, Maîtres dans une création sans défaut Et possesseurs de leur propre infinitude. Le Mental, un astre de vision rayonnante, Façonnait la substance par ses pensées Et oeuvrait dans la grandeur de ses rêves. La baguette ensorcelante de l’Imaginaire Sommait l’inconnu et lui donnait un foyer, Déployant luxuriantes dans l’air mordoré
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Truth's iris-coloured wings of fantasy, Or sang to the intuitive heart of joy
Les ailes irisées de la vraie fantaisie, Ou jouant pour le cœur intuitif de la joie Les notes de songe qui attirent le Réel. Son pouvoir, qui rend proche l’inconnaissable, Installait l’Un dans le temple de l’idéal, Et peuplait la pensée, le mental et le sens D’aspects radieux de la puissance divine Et de personnes vivantes du Suprême - Le langage qui donne voix à l’Ineffable, Le rai qui révèle des Présences invisibles, Les formes vierges où le Sans Forme resplendit, Le Verbe qui invoque l’expérience divine Et les Idées qui abondent dans l’Infini. Rien ne séparait la pensée et le fait, Ils se répondaient comme un oiseau à un autre ; Le vouloir suivait la pensée, l’acte le vouloir. Une harmonie se tissait entre les âmes. Un mariage avec l’éternel transformait le Temps. La Vie poursuivait sans jamais se lasser La joie dans le cœur et le rire aux lèvres, L’aventure brillante du grand Jeu de hasard. Dans l’ardeur ingénieuse de son caprice Et sa gaieté transfigurante elle disposait Un assemblage fascinant d’évènements, Toujours attirée par d’autres vicissitudes A une découverte de soi incessante. Toujours elle formait des liens qu’il faudrait briser, De nouvelles créations pour saisir la pensée Et des épreuves passionnées pour défier le cœur, Où le Réel prenait un visage inattendu Ou bien répétait une joie familière Comme le retour d’une rime adorable.
Wonder's dream-notes that bring the Real close. Its power that makes the unknowable near and true, In the temple of the ideal shrined the One: It peopled thought and mind and happy sense Filled with bright aspects of the might of God And living persons of the one Supreme, The speech that voices the ineffable, The ray revealing unseen Presences, The virgin forms through which the Formless shines, The Word that ushers divine experience And the Ideas that crowd the Infinite. There was no gulf between the thought and fact, Ever they replied like bird to calling bird; The will obeyed the thought, the act the will. There was a harmony woven twixt soul and soul. A marriage with eternity divinised Time. There Life pursued, unwearied of her sport, Joy in her heart and laughter on her lips, The bright adventure of God's game of chance. In her ingenious ardour of caprice, In her transfiguring mirth she mapped on Time A fascinating puzzle of events, Ever she framed stark bonds for the will to break, Brought new creations for the thought's surprise And passionate ventures for the heart to dare, Where Truth recurred with an unexpected face Or else repeated old familiar joy Like the return of a delightful rhyme. Lured at each turn by new vicissitudes To self-discovery that could never cease.
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At hide-and-seek on a Mother-Wisdom's breast, An artist teeming with her world-idea, She never could exhaust its numberless thoughts And vast adventure into thinking shapes And trial and lure of a new living's dreams. Untired of sameness and untired of change, Endlessly she unrolled her moving act, A coiled perspective of developing scenes, A brilliant chase of self-revealing shapes, An ardent hunt of soul looking for soul, A seeking and a finding as of gods. There Matter is the Spirit's firm density, An artistry of glad outwardness of self, A treasure-house of lasting images Where sense can build a world of pure delight: The home of a perpetual happiness, It lodged the hours as in a pleasant inn. The senses there were outlets of the soul; Even the youngest child-thought of the mind Incarnated some touch of highest things. There substance was a resonant harp of self, A net for the constant lightnings of the spirit, A magnet power of love's intensity Whose yearning throb and adoration's cry Drew God's approaches close, sweet, wonderful. Its solidity was a mass of heavenly make; Its fixity and sweet permanence of charm Made a bright pedestal for felicity. A mystery drama of divine delight, A living poem of world-ecstasy, A kakemono of significant forms,
Se cachant contre le sein d’une grande Sagesse, Une artiste débordant de son idée cosmique, Elle n’en pouvait épuiser les pensées sans nombre Ni l’aventure des formes mentales, ni l’attrait Et l’essai d’un nouveau mode d’existence. Jamais lasse du même ni du changement, Elle déroulait sans cesse son acte mouvant,
Un drame mystérieux de plaisir divin, Un poème vivant d’extase mondiale, Un kakemono de formes signifiantes, Un potentiel d’infini développement,
Une chasse ardente de formes révélatrices, Une poursuite mutuelle des âmes entre elles, Comme de dieux qui se découvrent l’un l’autre. La Matière, là, est l’Esprit densifié, L’ouvrage d’une joyeuse extériorité, Un trésor d’images durables où le sens Peut bâtir un monde de plaisir et de joie : Ce foyer d’un pur bonheur perpétuel Logeait les heures comme dans une auberge. Les sens y étaient des expressions de l’âme ; Même la plus enfantine des pensées Incarnait un peu des choses les plus hautes. La substance y était une harpe résonante, Un filet pour capter les éclairs de l’esprit, Un aimant pour l’intensité de l’amour Dont la pulsation et le cri d’adoration Attirait toute proche la douceur de Dieu. De céleste facture était sa masse solide ; Sa fixité et la permanence de son charme Formaient un piédestal pour la félicité.
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Its bodies woven by a divine sense Prolonged the nearness of soul's clasp with soul; Its warm play of external sight and touch Reflected the glow and thrill of the heart's joy, Mind's climbing brilliant thoughts, the spirit's bliss; Life's rapture kept for ever its flame and cry. All that now passes lived immortal there In the proud beauty and fine harmony Of Matter plastic to spiritual light. Its ordered hours proclaimed the eternal Law; Vision reposed on a safety of deathless forms; Time was Eternity's transparent robe. An architect hewing out self's living rock, Phenomenon built Reality's summer-house On the beaches of the sea of Infinity. Floated and swayed, eclipsed and shadowlike As if a doubt made substance, flickering, pale, This other scheme two vast negations found. A world that knows not its inhabiting Self Labours to find its cause and need to be; A spirit ignorant of the world it made, Obscured by Matter, travestied by Life, Struggles to emerge, to be free, to know and reign; These were close-tied in one disharmony, Yet the divergent lines met not at all. Three Powers governed its irrational course, Against this glory of spiritual states, Their parallels and yet their opposites,
Tous ses corps, tissés par un sens supérieur, Prolongeaient l’étreinte de l’âme avec l’âme ; Son jeu chaleureux de toucher et de vue Reflétait l’ardeur de la joie dans le cœur, La brillance des pensées, le bonheur de l’esprit ; La vie gardait à jamais sa flamme et son cri. Tout ce qui passe à présent, vivait là immortel Ses heures ordonnées proclamaient la seule Loi ; La vision reposait sur des formes sans mort ; Le Temps était une robe pour l’Eternel. Un architecte taillant dans la roche du soi, Le phénomène érigeait la villa du Réel Sur les plages de la mer d’Infinité. Contre cette gloire d’états spirituels, Leurs parallèles et pourtant leurs opposés, Telles des ombres flottantes, éclipsées, chancelantes, Intermittentes, comme un doute fait substance, Deux vastes négations fondent cet autre schème. Un monde qui ne connaît pas le Soi qui l’habite Peine à trouver sa cause et sa raison d’être ; Un esprit ignorant du monde qu’il a créé, Obscurci par la Matière, travesti par la Vie, Lutte pour émerger, pour connaître et régner ; Bien que liés dans une même désharmonie, Leurs lignes divergentes ne se rencontraient pas. Trois Pouvoirs gouvernaient ce cours irrationnel, Dans la fière beauté et la fine harmonie De la Matière plastique à la Lumière.
In the beginning an unknowing Force, In the middle an embodied striving soul, In its end a silent spirit denying life.
Une Force ignorante au commencement, Au milieu une âme incarnée en travail, A la fin un esprit muet qui renie la vie.
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A dull and infelicitous interlude Unrolls its dubious truth to a questioning Mind Compelled by the ignorant Power to play its part
Un malencontreux interlude déroule Sa vérité douteuse pour un esprit perplexe Que la force ignorante oblige à jouer son rôle Et enregistrer son histoire peu convaincante
And to record her inconclusive tale, The mystery of her inconscient plan
Et le mystère de son plan inconscient Et l’énigme d’un être né dans la Nuit
And the riddle of a being born from Night By a marriage of Necessity with Chance. This darkness hides our nobler destiny. A chrysalis of a great and glorious truth, It stifles the winged marvel in its sheath Lest from the prison of Matter it escape And, wasting its beauty on the formless Vast, Merged into the Unknowable's mystery, Leave unfulfilled the world's miraculous fate. As yet thought only some high spirit's dream Or a vexed illusion in man's toiling mind, A new creation from the old shall rise, A Knowledge inarticulate find speech, Beauty suppressed burst into paradise bloom, Pleasure and pain dive into absolute bliss. A tongueless oracle shall speak at last, The Superconscient conscious grow on earth, The Eternal's wonders join the dance of Time. But now all seemed a vainly teeming vast Upheld by a deluded Energy To a spectator self-absorbed and mute, Careless of the unmeaning show he watched, Regarding the bizarre procession pass Like one who waits for an expected end.
D’une union du Hasard et de la Nécessité. Cette ombre cache notre plus noble destinée. Chrysalide d’une glorieuse vérité, Elle étouffe la merveille ailée dans sa gangue De crainte qu’elle ne s’évade de la Matière Et, dissipant sa beauté sur le Vaste sans forme, Immergée dans le mystère de l’Inconnaissable, Laisse inaccompli le destin mystique du monde. Perçue comme le rêve de quelque noble esprit Ou comme une illusion dans la pensée de l’homme, Pourtant se lèvera une création nouvelle, Une Connaissance muette s’exprimera, La Beauté réprimée jaillira épanouie, Le plaisir et la douleur trouveront le bonheur. Un oracle sans langue enfin parlera, Le Supraconscient grandira conscient sur la terre, Les Merveilles se joindront à la danse du Temps. Mais tout semblait encore comme un vaste animé Qu’une Energie errante présentait vainement A un spectateur muet absorbé en lui-même Et indifférent au spectacle insensé,
Regardant passer la bizarre procession Comme s’il attendait une fin prévisible.
He saw a world that is from a world to be.
Il voyait ce monde depuis un monde à venir.
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There he divined rather than saw or felt, Far off upon the rim of consciousness, Transient and frail this little whirling globe And on it left like a lost dream's vain mould, A fragile copy of the spirit's shell, His body gathered into mystic sleep. A foreign shape it seemed, a mythic shade. Alien now seemed that dim far universe, Self and eternity alone were true.
Et il devinait, plutôt qu’il ne sentait, Très loin, à la lisière de la conscience, Frêle et transitoire, ce petit globe tournoyant Et, dessus, comme le moule d’un rêve oublié, Fragile copie de la coquille de l’esprit, Son corps, rassemblé dans une transe mystique - Presque une forme étrangère, une ombre mythique. Etrange lui semblait maintenant cet univers, Le Soi et l’éternité seuls étaient vrais. Alors monta la mémoire des plans en travail, Lui portant un cri de choses autrefois chéries, Et au cri, comme à son propre appel égaré, Un rayon répondit de l’occulte Suprême. Car même là demeure l’Un, illimité - Méconnaissable à sa propre perception, Encore submergé dans ses propres ténèbres, Soutenant l’unité inconsciente du monde, Dissimulant l’omnipotence de sa Force, Dissimulant l’omniscience de son Ame ; Agent de sa propre Volonté transcendante, Il plonge la connaissance dans l’inconscient ; Acceptant l’erreur, la peine, la mort et la douleur, Il paie la rançon de la Nuit ignorante, Rachetant la Nature avec sa propre substance. Conscient, il sut pourquoi son âme était allée Dans l’obscurité passionnée de la terre Partager le labeur d’une Puissance errante Caché dans la multitude de la Matière. Cette graine semée dans l’Indéterminé Renonce à la gloire de sa divinité,
Then memory climbed to him from the striving planes Bringing a cry from once-loved cherished things, And to the cry as to its own lost call A ray replied from the occult Supreme. For even there the boundless Oneness dwells. To its own sight unrecognisable, It lived still sunk in its own tenebrous seas, Upholding the world's inconscient unity Hidden in Matter's insentient multitude. This seed-self sown in the Indeterminate Forfeits its glory of divinity, Concealing the omnipotence of its Force, Concealing the omniscience of its Soul; An agent of its own transcendent Will, It merges knowledge in the inconscient deep; Accepting error, sorrow, death and pain, It pays the ransom of the ignorant Night, Redeeming by its substance Nature's fall. Himself he knew and why his soul had gone Into earth's passionate obscurity To share the labour of an errant Power
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Which by division hopes to find the One. Two beings he was, one wide and free above, One struggling, bound, intense, its portion here. A tie between them still could bridge two worlds; There was a dim response, a distant breath; All had not ceased in the unbounded hush. His heart lay somewhere conscious and alone Far down below him like a lamp in night;
Qui espère, en divisant, trouver l’Unité. Il était deux êtres, l’un vaste et libre au-dessus, L’autre limité, intense, sa portion ici-bas. Un lien entre eux pouvait encore joindre deux mondes ;
Il y avait un souffle, une faible réponse, Tout n’avait pas cessé dans le silence.
Son cœur gisait quelque part, conscient, seul, Loin dessous lui comme une lampe dans la nuit ; Impérissable il gisait seul, abandonné, Pétrifié d’une volonté passionnée, Son cœur vivant, sacrifié et offert, Absorbé dans une mystique adoration, Tourné vers sa source de lumière et d’amour. Dans le clair silence de son imploration Il aspirait aux hauteurs qu’il ne pouvait voir Depuis les profondeurs qu’il ne pouvait quitter. Au milieu de sa vaste transe fatidique Entre son soi libre et son soi déchu, Entre le jour de Dieu et la nuit du mortel, Acceptant la dévotion pour sa loi unique Et la félicité pour seule cause des choses, Refusant la joie austère que nul ne partage, Refusant le calme qui ne vit que pour soi, Vers Elle il priait, pour Qui il voulait exister. Seul dans la passion de son rêve il gisait Tel un oratoire silencieux et clos Où repose un sol d’argent consacré Eclairé par un unique rayon infaillible, Et une Présence invisible est agenouillée.
Abandoned it lay, alone, imperishable, Immobile with excess of passionate will, His living, sacrificed and offered heart Absorbed in adoration mystical,
Turned to its far-off fount of light and love. In the luminous stillness of its mute appeal It looked up to the heights it could not see; It yearned from the longing depths it could not leave. In the centre of his vast and fateful trance Half-way between his free and fallen selves, Interceding twixt God's day and the mortal's night, Accepting worship as its single law, Accepting bliss as the sole cause of things, Refusing the austere joy which none can share, Refusing the calm that lives for calm alone, To her it turned for whom it willed to be.
In the passion of its solitary dream It lay like a closed soundless oratory Where sleeps a consecrated argent floor Lit by a single and untrembling ray And an invisible Presence kneels in prayer.
On some deep breast of liberating peace All else was satisfied with quietude;
Blotti contre le sein d’une paix libératrice, Tout le reste était satisfait de cette quiétude ;
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This only knew there was a truth beyond. All other parts were dumb in centred sleep Consenting to the slow deliberate Power Which tolerates the world's error and its grief, Consenting to the cosmic long delay, Timelessly waiting through the patient years Her coming they had asked for earth and men; This was the fiery point that called her now. Extinction could not quench that lonely fire; Its seeing filled the blank of mind and will; Thought dead, its changeless force abode and grew. Armed with the intuition of a bliss To which some moved tranquillity was the key, It persevered through life's huge emptiness Amid the blank denials of the world. It sent its voiceless prayer to the Unknown; It listened for the footsteps of its hopes Returning through the void immensities, It waited for the fiat of the Word That comes through the still self from the Supreme.
Cela seul sentait une vérité au-delà. Les autres parts s’étaient centrées dans le sommeil, Consentant au lent Pouvoir délibéré Qui tolère l’erreur du monde et son chagrin, Consentant au long délai universel, Attendant patiemment à travers les années La venue de Celle qu’elles avaient implorée ; Telle était l’ardeur qui vers Elle se tourna. L’extinction ne pouvait toucher ce feu solitaire ; Sa voyance emplissait le vouloir et la pensée ; Sa force survivait et ne cessait de grandir. Armé de l’intuition d’une béatitude Dont une tranquillité vibrante était la clé, Cela persévérait dans le vide de la vie Parmi les reniements aveugles du monde. Adressant à l’Inconnu sa prière sans voix, A l’écoute des pas de ses espérances S’en revenant à travers les vastes vacants, Cela veillait, attendant le fiat de la Parole Qui, dans le silence de l’être, vient du Suprême.
Fin du Chant Trois
End of Canto Three
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