Un Parcours
Aurevan tout à coup se penche vers moi, avec un grand sourire heureux et me dit que l’opération a réussi ; ses yeux sont emplis de joie tranquille ; je ne sais comment, Parthipan aussi vient se pencher et baiser ma main en pleurant de soulagement – comme il a prié ! Je ne sais quand, une expérience terrible occupe tout : il n’existe plus rien, plus rien, que cet impossible, cet invivable, cet insupportable ; il n’y a plus rien, plus de je, plus de conscience, plus d’existence, plus de dimensions, plus rien ; il n ’y a qu’une ligne, presque horizontale, et l’obligation absolue d’être réduit à ce rien qui n’a pas d’existence et pourtant est forcé d’être et n’est rien, rien, une impuissance absolue, sans recours ni profondeur, un point obligatoire, et rien d’autre – et je ne sais comment, de temps à autre dans cette absence insupportable de tout, comme un pan de réalité qui s’ouvre et je me trouve instantanément dans un espace chaleureux, une sorte de chambre en bois travaillé, comme un châle ouvragé, une atmosphère exquise et familière ; puis c’est parti et je suis cloué de nouveau. Cette alternance se produit plusieurs fois : devenir fou, ou se détendre et se retrouver dans ce foyer de douceur, un lieu de sécurité totale, intimement connu…
Puis, encore…
Je ne suis pl us, ce n’est plus, il n’y a plus qu’un clou.
Un clou.
Avant, après, autour, sans prévenir, je suis entouré, envahi par un amalgame, un ensemble de figures grotesques, de corps de chair boursouflée, tous liés ensemble comme une créature aux mille corps semb lables, grotesque, exsudant une sorte d’ébriété triomphante, niant et contredisant et ridiculisant toute prétention à l’harmonie matérielle, une entité multiple niant la conscience et
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