Un Parcours

Je m’aperçois que plusieurs des travailleurs sont restés de garde toute la nuit, sans que je le leur demande, tandis qu’aucun Aurovilien ne l’a fait ; puis, petit à petit, je prends la mesure d’une sorte de solidarité respectueuse de leur part et d’une qualité d’engagement qui m’encouragent à chercher les moyens et l’énergie nécessaires pour terminer l’œuvre commencé. Je dois absorber le désordre qu’ils ont laissé, rétablir une harmonie suffisante et aider à mettre les choses à leur place. Quand je croise des Auroviliens, leurs yeux évitent les miens, presque toujours, tandis que les villageois me sourient ou me saluent ou simplement me rendent leur regard, sans fléchissement ni aucune ombre. C’est une différence de réponse qui va durer toutes mes années. Est-ce mon ego qui accepte ces formations, selon lesquelles tout ce que je touche ou approche est comme maudit et finit mal ? Je peux monter au-dessus et voir celles- ci comme ce qu’elles sont, éléments d’une même illusion, d’une même fausseté – la fausse réalité qui nous détermine tous encore. Mais une atmosphère de confiance mutuelle me manque beaucoup ; il me semble que sans cette confiance, pratiquement inconditionnelle, entre nous, nous sommes incapables d’avancer, de marcher sur ce chemin et, ainsi, selon cette logique, je serais rejeté – encore et encore ? J ’ai encore cette impression d’avoir été proche d’une « erreur », d’une action fausse : ce processus de la mort ne devrait intervenir qu’en conclusion d’une progression individuelle qui parvient à son maximum de possibilité dans les conditions données, mais dans cette histoire, c’est presque le contraire qui

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