Un Parcours
Toutefois, cette situation semblait vouloir empirer plutôt que de s’éclaircir ; un jour, lorsque j’arrivai, D. m’apprit que, la veille, Auragni était tombée de la capsule où elles vivaient toutes les deux, et que ce ne pouvait être que de ma faute… C’était une impasse, même pour D. Je cessai de me rendre à Jaïma et D. fit de temps à autre l’effort de venir passer une heure ou deux avec Auragni au Banyan du Matrimandir, afin que je puisse être avec elle dans un lieu impersonnel et harmonieux. Deux choses devenaient évidentes pour mon cheminement individuel : la première était que la vie de couple n’était évidemment pas pour moi, puisque cela impliquait une exclusivité et empiétait sur un espace de travail qui, à mon sens, ne pouvait se faire qu’en demeurant individuel ; de plus, alors qu’il m’était naturel et presque nécessaire d’équilibrer une relation hétérosexuelle avec une intimité homosexuelle, ni la société, ni les habitants d’Auroville ne semblaient prêts à accepter une telle conduite et la ressentaient plutôt comme une menace ou une atteinte à l’ordre des choses. La seconde était qu’il me fallait graduellement me retirer du plan vital, de l’énergie vitale, car c’est là que se produisait comme une trahison ou agissait une contradiction – surtout sur les autres, sans que je le cherche d’aucune manière ; or, ce retrait ne pouvait être ni soudain ni complet, puisque la vie du corps avait encore besoin de l’apport et du soutien vital, mais j’éprouvais le besoin cro issant d’établir mon atmosphère privée, nettoyée de toutes ces influences, offerte à Mère sans mélanges. Auroville était aux prises, ou plutôt ceux qui s’y trouvaient étaient aux prises avec une sorte de débâcle, une condition collective si chargée et sem ée de contradictions qu’il devenait indispensable de s’accrocher au -dedans à la présence de Mère et à Sa Force pour continuer avec assez de confiance. J’avais toute l’aide nécessaire, j’avais le travail au Matrimandir, la lecture de l’Agenda et mes révison s constantes de la traduction de Savitri ; j’avais de bonnes amitiés, et vivais dans un environnement de grâce et de beauté et ce formidable privilège m’exhortait à tenir bon et ne pas céder aux vertiges de la dépression, de la perte de
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