Un Parcours

Une sorte de démolition, sans aucun do ute, mais… prendre Auragni ?!

Souvent, dans la maison ou dehors, lorsque nous nous arrêtions un moment, qu’Auragni soit couchée ou même dans les bras de D., tout à coup nous nous regardions, Auragni et moi, et tout s’arrêtait, le regard emplissait tout, sans un son ni un frémissement, quelque chose d’entier et de presque sacré, pas une fusion exactement, mais une union certainement, sans question. D. ne le supportait pas et cherchait à l’interrompre au plus tôt. De quel droit pouvait elle décider de nous retirer cela ? Etait-ce une forme de jalousie ? Je voyais aussi que D. avait pour Auragni une considération plus profonde et prenante qu’elle n’en avait connue auparavant et qu’elle tenait à elle presque comme à un gouvernail pour sa propre vie ; dans ce s ens, je n’avais pas d’inquiétude, je savais qu’elle prendrait soin d’elle . Mais séparer, séparer l’enfant de son père, de l’un de ses parents, séparer de force, comme d’un trop grand danger, séparer pourquoi, pour quelle bonne raison, dans quel but, au service de quelle vérité ? Etait-ce la malédiction qui agissait à nouveau ? Un retour vengeur de cette opposition maléfique qui avait mordu mes talons tout du long ? En s’en prenant à l’être que j’avais fait venir au monde, en blessant ma fille, en lui retirant ce qui lui était dû, en m’aliénant d’elle ? Toujours j’avais été en même temps béni et maudit : comme côte à côte, la grâce et le mauvais sort, en serait- il ainsi à jamais, n’y avait-il aucune résolution possible ? Je pouvais en partie comprendre D. , qui n’avait pas trouvé en ma compagnie assez de soutien personnel, et sentait bien que c’était en Auragni que je m’engageais plus que dans notre couple et, par conséquent, de demeurer dans ce rejet de la part des siens ne semblait plus valoir la peine ; autant retourner dans le milieu plus solidaire de la communauté de Jaïma et retrouver les présences de

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