Un Parcours

Par Igor j’avais rencontré un gars assez attachant, qui vivait une grande détresse interne et devait suivre un traitement psychiatrique ; Louis de Driesen, à peine plus âgé que moi, après avoir traversé plusieurs crises, avait été recueilli et hébergé par un homme qui prenait entièrement soin de lui, ce que la famille avait dû accepter ; Louis pouvait ainsi vivre une vie presque normale, tant qu’il suivait son traitement sous la garde de cet ami (j’ai oublié son nom , Yves il me semble) ; il était cependant sujet à de vives alternances teintées d’un mysticisme facile, qui le conduisaient à voir en l’autre tantôt le sauveur tantôt le démon ; j’aurais bien voulu qu’il se calme et qu’on puisse se faire confiance mutuellement, mais cette tendance en lui le rendait impossibe ; pourtant, malgré ce déséquilibre fréquent et ces pertes de lucidité que le mélange de substances favorisait, il avait fait la rencontre d’une jeune fille à laquelle il s’était lié d’affection. Un jour il vint avec elle : Fabienne, âgée de seize ans environ, étudiant le ballet à plein temps, un sourire comme un trésor s’entrouvrant, de ses yeux et de ses lèvres ce sourire disait quelquechose qu’aucuns mots n’auraient su exprimer. Avec la grâce d’une très jeune danseuse, la discrétion d’une personne naturellement silencieuse, elle offrait, simplement et sans histoires, une relation tout à fait unique ; elle ne semblait s’inquiéter de rien et prendre les choses telles qu’elles venaient, avec une sorte d ’harmonieuse placidité. Bientôt je lui fis part de mon projet de « retourner » dans l’Inde : tout naturellement elle m’informa qu’elle y allait souvent voir sa famille, « sa grand-mère », crus-je comprendre, y habitait et, justement, sa prochaine visite serait ce mois de Décembre prochain. Elle ne me dit rien de plus de ce lieu familier, mais laissa un jour une petite brochure, un mince livret, écrit je crois par Pavitra, quelquechose comme une anthologie de l ’amour, que je ne fis que feuilleter.

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