Un Parcours
L‟appel
De ci de là j’ai pu accumuler un petit pécule ; j’ai préparé mon sac : quelques affaires de toilette, deux habits de rechange et, couvert d’un étui que j’avais tissé spécialement, le symbole de l’intelligence occidentale, « La Critique de la Raison Dialectique » de Jean Paul Sartre, un ouvrage volumineux qui pesait bien un tiers de mon seul bagage. Cela s’est agencé par étapes successives : Marie-Françoise et Evelyn avaient concocté un plan d’accompagnement initial, en passant par la Bulgarie, où M.F avait un contact assuré avec la dame qui était alors Ministre de la Culture et qui nous a offert l’hospitalité pous quelques jours dans son petit appartement très sombre et très triste à Sofia ; tout était sombre et triste, d’ailleurs, à cette période des derniers soubresauts du communisme d’Etat ; mais nous avions eu la permission de visiter un ancien monastère dans les montagnes, qui avait gardé une tout autre atmosphère, avec ses fresques tantôt polychromes et tantôt noires et blanches et quelque chose comme un rythme du dedans. Puis Evelyn a co ntinué avec moi jusqu’à Istanbul, où il était enfin possible de marcher librement, marcher, marcher dans cette ville si diverse et riche et complexe. (Là, je me souviens qu’Evelyn et moi essayâmes de « consommer » notre amitié, mais nous n’étions ni l’un ni l’autre convaincus ; précédemment, à Sofia, M.F elle- même s’était offerte, et c’était tellement imprévu que je n’avais pu y répondre).
Et enfin je pris mon essor – enfin, quelque essor temporaire !
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