Un Parcours
cuivrés, une sensualité retenue et austère, l’appel du muezzin dans le silence, la nourriture servie et prise de la main, tous réunis en cercle, les effluves des épices et le goût des dattes et du thé vert, les petites pipes d’argile. Notre troisième escapade se fit en Tunisie, surtout dans les monts du Nord, où Francis m’avait recommandé l’adresse d’un ami prêtre instituteur dans un village kabyle, si je me souviens bien, un homme libre de jugement heureusement car nous étions tous deux avides d’exploration l’un de l’autre. Retraçant ces étapes et ces moments relationnels, les descriptions rudimentaires que je peux en faire à présent sans les altérer sembleraient indiquer une adolescence surchargée et, quel est le terme, plutôt dissolue, et je ne sais pas bien comment les égrener dans l’ordre séquentiel correct ; tout se chevauche et s’empiète et se surplombe et cependant, si j’ai le souvenir intérieur d’une grande tension, ce n’était ni désordonné, ni agité. Durant ces quelques années, de l’âge de quatorze à celui de dix huit ans, le nombre et la diversité des expériences est peut-être extraordinaire mais, dans le fait intérieur c’était plutôt éprouvé comme un déploiement naturel et il m’a toujours été difficile, presque incompréhensible, de concevoir des relations exclusives : plutôt n’en avoir aucune, que d’en avoir d’une seule sorte ! Et ainsi, il n’y avait pas qu’Ode : un jour où je déambulais sur le boulevard, probablement plus réceptif aux regards ou aux postures masculin s, je m’aperçus que j’étais suivi… par une jeune femme ! Et, dés qu’elle vit que je l’avais remarquée, elle s’approcha, franche et douce à la fois ; elle se nommait Anne, ou Annette Frey, plus âgée de quelques années, audacieuse et droite, son corps un peu athlétique, un beau visage habité ; il y avait un côté garçon en elle et aussi une profonde douceur sans espoir, prête à tout sans y croire, elle devint une compagne
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