Un Parcours

comme un guidon deux fois courbé, qu’il tenait entre ses mains en marchant doucement dans le jardin et en récitant un mantra ; j’avais déjà « mon idée » quant à la location exacte mais n’en dit rien et le laissai arpenter une superficie assez vague qui l’incluai t ; lorsque le morceau de b ois s’agitait et tournait sur lui -même entre ses mains, cela indiquait la présence de l’eau assez proche du sol ; après plusieurs de ces signaux, de plus en plus intenses, il se rapprocha de l’endroit que j’avais, je ne sais comment (comme une sorte de demande silencieuse à la Force), identifié et nous fûmes d’accord pour marquer le site du forage, qui se fit à la main ; une équipe de gars bien noueux et trapus arriva avec leur équipement, essentiellement une grande et forte vrille de métal forgé qu’ils plantèrent dans le sol et se mirent à tourner, tourner, pendant plusieurs jours, dégageant petit à petit les sols successifs, jusqu’à touch er l’eau ; puis il fallut insérer un gros tuyau dont une section était préalablement perforée, et voilà, le puits était là. Alors ce fut l’achat et l’installation d’une pompe et d’un petit générateur fonctionnant au diesel, et la construction de quelques petits réservoirs, faits d’anneaux de ciment préfabriqués posés les uns sur les autres à la hauteur voulue et joints avec du mortier spécial, puis la pose de la tuyauterie dans le sol… il me fallait tout apprendre en faisant, moi qui n’avais jamais vraimen t suivi une seule classe à l’école… Et, de fait, on apprenait à « tout faire ». C’était aussi parfois comme un souvenir : l’atmosphère d’un travail ou d’un autre soudainement se chargeait d’un ancien vécu . Et, tout le temps, jour et nuit, les impressions, les perceptions, les aperçus, les saisies et les constats se succédaient, se mêlaient, s’imbriquaient, comme dans un véhicule emporté à grande vitesse, de tous côtés et de plusieurs plans à la fois et, depuis ce temps-là, la réponse à la simple question « ça va ? » est devenue muette : qu’est - ce qui va, qu’est -ce qui ne va pas, tout est à la fois, comment changer, comment s’éclaircir, comment laisser le Vrai agir et s’établir, comment, dans ce fouillis et ce bourbier et cet imbroglio et ce labyrinthe, comment savoir si « ça va » ou « ça ne va pas » ?...

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