Un Parcours

Jusqu’à ce que la hutte devienne tout à fait habitable, je dormais parfois dans le « Camp » des travailleurs du Matrimandir, un assemblage assez créatif de petites huttes coniques reliées par des allées couvertes de chaume, qui abritait aussi la cuisine collective où nous prenions les repas très simples et nourrissants qui se préparaient à tour de rôle, surtout du raggi fermenté le matin, un aliment bien énergétique. C’est ainsi que pour le jour de mes vingt -quatre ans, je me retrouvai à la tâche, nettoyant la fosse septique collective ! D’une manière à la fois ironique, à peine subtile et un peu défiante, mais aussi amicale, on me donnait des besognes qui n’étaient guère attrayantes : ainsi Piero, qui dirigeait les travaux avec G. pour assistant en charge des équipes, avait « suggéré » que je me joigne à des ouvriers recrutés dans le village pour faire marcher la machine à broyer et concasser les pierres de granit afin d’en obtenir les deux grades de cailloux utilisés dans les bétonnages : c’était un travail en pleine chaleur, dans la fine poussière de granit, huit heures par jour, et je prenais mon rôle à cœur, car il me revenait ainsi d’assurer une harmonie d’équipe et je m’étais pris d’une grande affection pour tous ces gens qui venaient travailler dur de leurs villages voisins, chaque jour, avec un sourire d’une telle clarté que tous nos signaux semblaient des simagrées. J’aimais chacun d’eux, avec beaucoup de respect et une sorte de mémoire inexplicable, d’une grande, très grande ri chesse passée – richesse « culturelle », dirait- on, mais il s’agit de bien plus que de culture.

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