Savitri - Book Two - Canto 12
B OOK T WO – C ANTO 12 – T HE H EAVENS OF THE I DEAL L IVRE D EUX – C HANTE 12 – L ES C IEUX DE L ’I DEAL
SAVITRI S RI A UROBINDO
French translation by: Divakar Jeanson www.divakar-publications.com
BOOK TWO - The Book of the Traveller of the Worlds
LIVRE DEUX – Le Livre du Voyageur des Mondes
Canto Twelve - The Heavens of the Ideal
Chant Douze – Les Cieux de l’Idéal
Always the Ideal beckoned from afar. Awakened by the touch of the Unseen, Deserting the boundary of things achieved, Aspired the strong discoverer, tireless Thought, Revealing at each step a luminous world. It left known summits for the unknown peaks: Impassioned, it sought the lone unrealised Truth, It longed for the Light that knows not death and birth. Each stage of the soul's remote ascent was built Into a constant heaven felt always here. At each pace of the journey marvellous A new degree of wonder and of bliss, A new rung formed in Being's mighty stair, A great wide step trembling with jewelled fire As if a burning spirit quivered there Upholding with his flame the immortal hope, As if a radiant God had given his soul
Toujours l’Idéal faisait signe de loin. Eveillée par le toucher de l’Invisible,
Désertant la limite des choses accomplies, Infatigable aspirait la Pensée découvreuse, Révélant à chaque pas un monde plus clair. Des sommets connus à des cimes inconnues, Elle cherchait, passionnée, la Vérité nouvelle, La Lumière qui ne connaît ni mort ni naissance. Chaque étape de l’ascension de l’âme Formait un ciel constant qui semblait toujours là. A chaque relais du périple merveilleux Un autre degré de prodige et de bonheur Apparaissait dans l’échelle de l’Etre, Une ample marche tremblante de feu diamanté Comme si un esprit brûlant y vibrait Soutenant de sa flamme l’espoir immortel, Comme si un Dieu radiant avait donné son âme Pour pouvoir sentir la foulée des pèlerins Monter en hâte à la demeure de l’Eternel. De part et d’autre de chaque marche splendide Les cieux du Mental idéal étaient visibles Dans le bleu limpide d’un espace de rêve Tels des rubans de ciel s’accrochant à la lune.
That he might feel the tread of pilgrim feet Mounting in haste to the Eternal's house.
At either end of each effulgent stair The heavens of the ideal Mind were seen In a blue lucency of dreaming Space Like strips of brilliant sky clinging to the moon. On one side glimmered hue on floating hue, A glory of sunrise breaking on the soul, In a tremulous rapture of the heart's insight
D’un côté scintillaient teintes sur teintes, En une gloire d’aurore surprenant l’âme, En une ivresse frémissante du coeur
And the spontaneous bliss that beauty gives, The lovely kingdoms of the deathless Rose. Above the spirit cased in mortal sense Are superconscious realms of heavenly peace, Below, the Inconscient's sullen dim abyss, Between, behind our life, the deathless Rose. Across the covert air the spirit breathes, A body of the cosmic beauty and joy Unseen, unguessed by the blind suffering world, Climbing from Nature's deep surrendered heart Here too its bud is born in human breasts; Then by a touch, a presence or a voice The world is turned into a temple ground And all discloses the unknown Beloved. In an outburst of heavenly joy and ease Life yields to the divinity within And gives the rapture-offering of its all, And the soul opens to felicity. A bliss is felt that never can wholly cease, A sudden mystery of secret Grace Flowers goldening our earth of red desire. All the high gods who hid their visages From the soiled passionate ritual of our hopes, Reveal their names and their undying powers. A fiery stillness wakes the slumbering cells, A passion of the flesh becoming spirit, And marvellously is fulfilled at last The miracle for which our life was made. A flame in a white voiceless cupola It blooms for ever at the feet of God, Fed by life's sacrificial mysteries.
Et la joie spontanée que donne la beauté, Les royaumes exquis de la Rose sans mort. Au-dessus de l’esprit dans sa gaine mortelle Sont des domaines de paix supraconsciente, Au-dessous, la sinistre abysse de l’Inconscient, Au milieu, derrière la vie, la Rose sans mort. Dans l’air occulte que respire l’esprit, Un corps de la joie et la beauté de l’univers, Invisible, insoupçonné du monde souffrant, S’élevant du cœur offert de la Nature Elle s’épanouit à jamais aux pieds du Suprême, Nourrie par les sacrifices secrets de la vie. Dans nos poitrines aussi peut-elle éclore ; Alors par un toucher, une présence, une voix L’univers est changé en un sanctuaire Et tout révèle l’inconnu Bien Aimé. Dans un jaillissement d’aise et de joie La vie se livre à la divinité intérieure Et fait l’offrande de tout ce qu’elle est, Et l’âme s’ouvre à une félicité Qui ne pourra jamais cesser tout à fait, Le mystère fleurit d’une Grâce secrète Mêlant son or au rouge désir de la terre. Tous les hauts dieux qui cachaient leurs visages Du rituel souillé de nos violents espoirs, Dévoilent leurs noms et pouvoirs impérissables. Une calme ferveur éveille alors les cellules, Une passion de la chair devenant esprit, Et merveilleusement s’accomplit enfin Le miracle pour lequel notre vie fut créée. Dans une coupole blanche et muette une flamme
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Is seen and faces of immortal light, The radiant limbs that know not birth and death, The breasts that suckle the first-born of the Sun, The wings that crowd thought's ardent silences, The eyes that look into spiritual Space. Our hidden centres of celestial force Open like flowers to a heavenly atmosphere; Mind pauses thrilled with the supernal Ray, And even this transient body then can feel Ideal love and flawless happiness And laughter of the heart's sweetness and delight Freed from the rude and tragic hold of Time, And beauty and the rhythmic feet of the hours. This in high realms touches immortal kind; What here is in the bud has blossomed there. There is the secrecy of the House of Flame, The blaze of godlike thought and golden bliss, The rapt idealism of heavenly sense; There are the wonderful voices, the sun-laugh, A gurgling eddy in rivers of God's joy, And the mysteried vineyards of the gold moon-wine, All the fire and sweetness of which hardly here A brilliant shadow visits mortal life. Although are witnessed there the joys of Time, Pressed on the bosom the Immortal's touch is felt,
Apparaît, et des faces de lumière immortelle, Les membres radiants qui ne naissent ni ne meurent, Les seins qui allaitent le premier né du Soleil, Les ailes qui peuplent l’ardeur du silence, Les yeux qui regardent dans l’Espace de l’esprit. Nos centres cachés de force céleste S’ouvrent comme des fleurs à cette atmosphère ; Le Mental se tait, vibrant du Rayon supérieur, Et même ce corps transitoire peut éprouver L’amour idéal et le bonheur sans défaut Et le rire de joyeuse douceur dans le coeur Libéré de l’emprise brutale du Temps, Et la beauté et les pas rythmiques des heures. Plus haut encore, cela touche le genre immortel ; Ce qui est ici en bourgeon, là, s’est épanoui. Là, se trouve le secret de la Maison de Flamme, Le brasier bienheureux de pensée divine, L’idéalisme de la perception supérieure ; Là sont les voix adorables, le rire solaire, Les remous gargouillants des rivières de la joie, Et les mystérieux vignobles du marc de la lune, Tout le feu et la douceur dont à peine ici-bas Une ombre brillante visite la vie mortelle. Bien que les joies du Temps s’y expriment aussi, La main de l’Immortel est sentie sur le sein Et sont perçus les sons infinis de Sa flûte. Ici sur la terre sont de premiers éveils, Des instants qui tremblent dans un air plus divin, Et, nourris par l’aspiration de son sol, Les hélianthes du Temps regardant l’Or éternel : Mais, là, sont les béatitudes impérissables.
Heard are the flutings of the Infinite. Here upon earth are early awakenings, Moments that tremble in an air divine, And grown upon the yearning of her soil Time's sun-flowers' gaze at gold Eternity: There are the imperishable beatitudes.
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A million lotuses swaying on one stem, World after coloured and ecstatic world Climbs towards some far unseen epiphany. On the other side of the eternal stairs The mighty kingdoms of the deathless Flame Aspired to reach the Being's absolutes. Out of the sorrow and darkness of the world, Out of the depths where life and thought are tombed, Lonely mounts up to heaven the deathless Flame. In a veiled Nature's hallowed secrecies It burns for ever on the altar Mind, Its priests the souls of dedicated gods, Humanity its house of sacrifice. Once kindled, never can its flamings cease. A fire along the mystic paths of earth, It rises through the mortal's hemisphere, Till borne by runners of the Day and Dusk It enters the occult eternal Light And clambers whitening to the invisible Throne. Its worlds are steps of an ascending Force: A dream of giant contours, titan lines, Homes of unfallen and illumined Might, Heavens of unchanging Good pure and unborn, Heights of the grandeur of Truth's ageless ray, As in a symbol sky they start to view And call our souls into a vaster air. On their summits they bear up the sleepless Flame; Dreaming of a mysterious Beyond, Transcendent of the paths of Fate and Time, They point above themselves with index peaks Through a pale-sapphire ether of god-mind
Un million de lotus oscillant d’une tige, Monde après monde de couleur et d’extase Montent vers une lointaine épiphanie. De l’autre côté des degrés éternels Les royaumes de la Flamme sans mort Aspiraient aux absolus de l’Existence. Jaillie de la peine et de l’ombre du monde Où la vie et la pensée sont ensevelies, Solitaire monte au ciel la Flamme sans mort. Dans les lieux sacrés d’une Nature voilée Elle brûle à jamais sur l’autel du Mental, Ses prêtres les âmes de dieux dévoués, L’humanité son foyer de sacrifice. Une fois embrasée, elle ne s’éteindra plus. Un feu sur les chemins mystiques de la terre, Elle monte à travers l’hémisphère du mortel Et, portée par les coureurs du Jour et du Soir, Elle pénètre la Lumière occulte éternelle Et s’élève blanchie vers le Trône invisible. Demeures d’une Puissance intègre illuminée, Paradis d’un Bien invariable, pur, essentiel, Hauteurs du rayon sans âge de la Vérité, Ils surgissent dans le symbole d’un ciel Et appellent nos âmes dans un plus vaste espace. Sur leurs sommets ils portent la Flamme vigile ; Rêvant d’un Etat mystérieux au-delà, Transcendant les chemins du Destin et du Temps, Ils pointent plus haut encore avec leurs cimes Dans un éther saphirin de pensée divine Ses mondes sont des marches d’une Force ascendante : Un songe aux contours et aux lignes gigantesques,
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Towards some gold Infinite's apocalypse. A thunder rolling mid the hills of God, Tireless, severe is their tremendous Voice: Exceeding us, to exceed ourselves they call And bid us rise incessantly above. Far from our eager reach those summits live, Too lofty for our mortal strength and height, Hardly in a dire ecstasy of toil Climbed by the spirit's naked athlete will. Austere, intolerant they claim from us Efforts too lasting for our mortal nerve Our hearts cannot cleave to nor our flesh support; Only the Eternal's strength in us can dare To attempt the immense adventure of that climb And the sacrifice of all we cherish here. Our human knowledge is a candle burnt On a dim altar to a sun-vast Truth; Man's virtue, a coarse-spun ill-fitting dress, Apparels wooden images of Good; Passionate and blinded, bleeding, stained with mire His energy stumbles towards a deathless Force. An imperfection dogs our highest strength; Portions and pale reflections are our share. Happy the worlds that have not felt our fall, Where Will is one with Truth and Good with Power; Impoverished not by earth-mind's indigence, They keep God's natural breath of mightiness,
Vers l’or d’une apocalypse infinie. Tel un tonnerre qui roule entre les collines, Inlassable et sévère est leur Voix formidable : Nous surpassant, ils nous convient à nous surpasser Et nous enjoignent de toujours nous élever. Loin de notre impatience ces sommets vivent, Trop altiers pour notre présente capacité, Gravis dans une terrible extase de labeur Par la volonté nue de l’athlète spirituel. Austères, intolérants, ils réclament de nous Des efforts trop durables pour notre endurance, Que nos cœurs ni notre chair ne peuvent soutenir ; L’énergie de l’Eternel seule en nous peut oser Tenter l’immense aventure de cette montée Et le sacrifice de tout ce qui nous est cher. Notre vertu, une robe rêche et mal seyante, Accoutre les figures de bois de la Bonté ; Aveuglés, passionnés, sanglants et maculés, Nous chancelons vers une Force sans mort. Une imperfection harcèle notre énergie ; De pâles reflets ou des portions sont notre lot. Heureux les mondes qui n’ont pas senti notre chute, Où la Volonté est Vraie et le Pouvoir est Bon ; Ils ne sont pas appauvris par notre indigence Et gardent le souffle qui est naturel à Dieu Et Ses intensités rapides et spontanées ; Là est Son grand miroir transparent, le Soi, Et là est Sa bienheureuse autarcie souveraine Où les natures immortelles ont leur part, Notre connaissance humaine est un cierge brûlé Sur un autel obscur à la Vérité solaire ;
His bare spontaneous swift intensities; There is his great transparent mirror, Self, And there his sovereign autarchy of bliss In which immortal natures have their part,
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Heirs and cosharers of divinity.
Héritières et partenaires du divin.
He through the Ideal's kingdoms moved at will, Accepted their beauty and their greatness bore, Partook of the glories of their wonder fields, But passed nor stayed beneath their splendour's rule. All there was an intense but partial light. In each a seraph-winged high-browed Idea United all knowledge by one master thought, Persuaded all action to one golden sense, All powers subjected to a single power And made a world where it could reign alone, An absolute ideal's perfect home. A glorious shining Angel of the Way Presented to the seeking of the soul The sweetness and the might of an idea, Each deemed Truth's intimate fount and summit force, The heart of the meaning of the universe, Perfection's key, passport to Paradise. Yet were there regions where these absolutes met And made a circle of bliss with married hands; Light stood embraced by light, fire wedded fire, But none in the other would his body lose To find his soul in the world's single Soul, A multiplied rapture of infinity. Insignia of their victory and their faith, They offered to the Traveller at their gates A quenchless flame or an unfading flower, Emblem of a high kingdom's privilege.
Dans ces mondes idéaux il allait à son gré, Acceptait leur beauté, éprouvait leur grandeur, Prenait part à leurs gloires et à leurs merveilles, Sans pourtant s’attarder sous leur règne splendide. Tout y était d’une lumière intense, mais partielle. En chacun d’eux, une Idée séraphine au grand front Unissait la connaissance par une pensée, Persuadait toute l’action à un sens doré, Subjuguait tous les pouvoirs à une force unique Et créait un domaine où elle régnerait seule, Demeure parfaite d’un idéal absolu. Insignes de leur victoire et de leur foi, Ils offraient au Voyageur à leurs portes Une flamme inextinguible, une fleur immortelle, Emblème du privilège d’un noble royaume. Rayonnant de gloire un Ange de la Voie Présentait à la recherche de l’âme La douceur et la grandeur d’une idée Comme la source et la force mêmes du Vrai, Le coeur et le sens mêmes de l’univers, Clé de la perfection, permis pour le Paradis. Parfois pourtant ces absolus se joignaient, Formant un cercle de leurs mains épousées, Leurs lumières s’étreignant, leurs feux se mariant, Mais aucun dans l’autre ne voulait perdre son corps Pour trouver son âme dans l’Ame du monde, Une extase multipliée de l’infinité.
Onward he passed to a diviner sphere: There, joined in a common greatness, light and bliss,
Et il s’en fut vers une sphère plus divine : Là, partageant leur grandeur, leur lumière et leur joie,
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All high and beautiful and desirable powers Forgetting their difference and their separate reign Become a single multitudinous whole. Above the parting of the roads of Time, Above the Silence and its thousandfold Word, In the immutable and inviolate Truth For ever united and inseparable, The radiant children of Eternity dwell On the wide spirit height where all are one.
Tous les pouvoirs nobles et beaux et désirables, Oubliant leur différence et règne séparé, Deviennent une seule, multiple totalité. Dominant la fourche des routes du Temps, Dominant le Silence et son Verbe créateur, Dans l’immuable Vérité inviolée A jamais unis et inséparables, Demeurent les enfants radieux de l’Eternel Sur l’ample hauteur où tous les êtres sont un.
Fin du Chant Douze
End of Canto Twelve
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