Lettres à Divakar jusqu'à 2005

Mardi 12-1-88

Aimé,

… Je pense souvent à tes récentes remarques à propos de l’âge « qui joue le même rôle contraignant à tous les moments de la vie », et à propos de la Conscience, seule réalité sur laquelle on doive se pencher… Tellement curieux l’impression que ces mots créent en moi ; l’impression, toute étonnée dirais-je, d’une évidence – mais que l’on peut passer presque toute une vie avant de voir, une sorte de longue cécité devant elle, qui est là… ! Cela me fait penser que lors de notre déjeuner, Christiane et moi avons eu une conversation intéressante sur la « compréhension – mentalisation », sur les différences entre prendre conscience et être conscient. Une petite anecdote plaisante : un patient que j’ai depuis pas mal de temps a beaucoup évolué ; cela veut dire en particulier que sa sensibilité, jusque là gelée à l’intérieur d’une véritable carapace, s’est peu à peu libérée et a pu se manifester un beau jour ; très intense les premiers temps elle a pu, non pas s’assagir mais s’élargir, s’exprimer non sans quelques reculs à certains moments mais néanmoins jamais longs. Le domaine ou cette sensibilité a pu se permettre d’émerger c’est la peinture, qui est peu à peu passée d’un goût à un amour ; au fil des mois il est ainsi devenu un « fin connaisseur », en profondeur. Or, ces dernières semaines, il a vu pour la première fois, parce que je l’avais déplacé dans mon bureau, ton tableau (celui que j’avais emporté dans une valise). Tel qu’il peut le voir, plutôt le capter au passage, il ne sait pas si c’est ou non une peinture, mais il a reçu des couleurs et une structure (ce que j’aime précisément), et il se demande si ce n’est pas d’un peintre nouveau dont il a vu des toiles dans une galerie renommée ; comme il m’a dit hier, « je sais bien que vous ne me répondrez pas, mais j’aimerais bien

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