Lettres à Divakar jusqu'à 2005

l’espace, le temps bien sûr. Et puis le déclic m’a remise en place, avec le sens commun de la durée...

Quant à ma patiente israélienne (de père marocain), je ne sais plus trop quels moments d’une séance m’avaient donné envie de t’en faire part. Ce que je puis dire en tout cas, c’est la surprise (cela arrive plus d’une fois avec les patients) que j’éprouve devant sa capacité de séance en séance à s’exprimer dans un vocabulaire de plus en plus clair, varié, à libérer des connaissances – je dirais plutôt une connaissance qui peut devenir vaste. Et toujours ce « questionnement juif » qui se montre de plus en plus libre. Elle est très intelligente, et son intelligence allant en se développant n’est évidemment pas de tout confort. Elle veut à tout prix retourner vivre en Israël, devient créative (elle peint), trouve des lieux d’exposition et cherche pour l’accompagner une peintre palestinienne. Malheureusement, depuis ces derniers jours elle vit un bouleversement profond, depuis qu’à la Faculté de Lettres les couloirs sont recouverts de slogans, d’images de la pire violence, antisémites, et dont les sources sont ouvertement islamistes (créant je pense la confusion avec des sources pro palestiniennes) : véritable déchirement pour elle marocaine juive, au point que je crains de la voir devenir sioniste sectaire alors qu’elle ne l’est pas, et qu’elle découvre, physiquement, les dangers du racisme lorsqu’il réveille les instincts les plus bas. Elle a très peur de découvrir en elle des ressources insoupçonnées de haine. En tout cas j’admire qu’elle ait pu prendre la parole devant étudiants et professeurs pour dire les effets et la gravité de ces propagandes antisémites – qui, entre parenthèses, sont placardées dans le métro… Voilà donc dans quel terreau je vais devoir travailler avec elle pour apporter de la clarté. … Ta lettre du 19 Mars. Et quelle lettre ! Je veux dire que, si cela est même concevable, c’est une lettre que je dirais plus « infinie » que jamais : elle est certes à relire et relire et en plus à travailler...

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