Lettres à Divakar jusqu'à 2005

c’est passé à la trappe depuis. Donc coupure inacceptable, ça me rend silencieuse. Après quoi, au retour il me propose de revenir par les Ebihens en restant un moment sur le terre-plein dominant la succession des plages. Et c’est tout à fait dans le style habituel : à savoir que chaque fois qu’il s’est montré violent, et qu’il est vidé de ses projections agressives, à la seconde même il se dispose à être civilisé, aimable sans tenir aucun compte des effets de son agressivité sur l’autre, pas plus qu’il n’en a tenu compte au moment de l’éclat. J’ai fait pas mal de progrès cet été, qui était inespérément agréable, et j’ai bien domestiqué mes réactions en général. Néanmoins ces ruptures de dialogue étant fréquentes, il m’était impossible, physiquement impossible de faire sur le champ comme si elles n’avaient pas eu lieu ou étaient insignifiantes. Nous sommes donc arrivés sur le sommet de la falaise ; c’était superbe de ma place dans la voiture, à travers le pare-brise. J’ai choisi de ne pas en bouger. Silencieuse, sans ruminer le moins du monde sur l’éclat d’avant, je ne pouvais pas l’accompagner jusqu’à un banc non loin de là. Je ne le pouvais absolument pas. Et puis, à un moment, j’ai tourné la tête vers ce banc, et j’ai vu, je l’ai vu, pauvre bonhomme avançant doucement, appuyé sur sa canne et s’asseoir tout seul devant la mer. Et ça m’a serré le cœur une seconde. C’est parfois long une seconde. Ce que j’ai reconnu en moi à cet instant-là c’est ce sentimentalisme dont je t’ai parlé un jour, cette entrave, cette manifestation pas toujours saine en un sens. J’ajoute que lorsqu’il m’a rejointe, encore émue j’étais, il a dit naturellement ce qu’il ne fallait pas dire s’il avait tenu compte de moi avec sensibilité : « c’aurait été mieux de partager »… Et une fois de plus, me voici confrontée à cette évidence : que les personnalités type René qui sont dépendantes de mécanismes de clivage répétés – agressivité/gentillesse avec immédiate contiguïté, ou encore expression d’une pensée doublée de son contraire - impriment chez l’autre des réactions clivées.

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