Au sujet d'Auroville 2022-2025
Puis, presque insensiblement, deux tentations se sont profilées, avec leurs effets et leurs conséquences conjointes : l’une fut de demander des fonds au Gouvernement Central pour aider au développement de certains domaines de recherche à portée universelle, à commencer par celui de l’Education. Mère avait toujours eu grand soin de n’accepter que des dons sans conditions, ou alors des prêts suffisamment flexibles et compréhensifs ; de même, Elle avait catégoriquement écarté toute tentative d’ingérence de la part d’aucune organisation extérieure dans les affaires de l’Ashram ou celles d’Auroville, quelles que soient les bonnes intentions initiales. De ceci nous ne tinrent pas assez compte. Ainsi, avec l’assurance d’une certaine sécurité économique relative et la possibilité de créer de nouvelles structures sans empiéter sur les fonds générés par les activités productrices et commerciales des Auroviliens, un précédent s’installa qui incarna l’ambigüité de cette relation avec le pouvoir ordinaire – un instrument d’effectuation qui pouvait aussi bien servir l’avenir que maudire et infirmer nos aspirations ; car ce n’était plus quelque part de l’humanité qui ressentait l’appel et la volonté de collaborer, mais un appareil formidable qui pouvait éventuellement se retourner contre toute velléité d’autonomie. Et à mesure que s’installait cette ambiguïté, la deuxième tentation s’étoffa de maintes petites récriminations, déceptions, plaintes et requê tes diverses, que l’on adresse dans le monde ordinaire à « ceux qui gouvernent et ont le pouvoir » ; le désir ou l’opportunité de s’en remettre à une autorité bien sise et légitime dans l’orbite de la société fit son petit travail de grignotage et une sorte de subtile habitude de trahison put se loger parmi nous. Au lieu de traiter tous les problèmes et toutes les questions comme autant d’occasions données pour progresser ensemble vers plus de conscience et de discernement, plus de capacité à assimiler, intégrer et convertir les parts de notre humanité, cet autre mauvais pli fit sa besogne habituelle et il devint presque acceptable de s’adresser au Gouvernement – à ses représentants – pour toutes manières de redressement ou de justice ou même de soutien moral, et autant d’énergie fut ainsi dévoyée. Au lieu de persévérer dans la discipline progressive de transformer notre attitude envers le pouvoir, d’apprendre à considérer tout travail et toute tâche comme un service à la Conscience de Vérité, qu’ils soient administratifs, créatifs, productifs ou domestiques, nous avons opté pour la centralisation de tous les « pouvoirs » conventionnels et en avons assemblé les fonctionnements matériels dans une même location, où nous avons même convié l’administration gouvernementale officielle à se situer conjointement, et tout cela en bordure et en surplomb de l’espace le plus essentiel à l’aventure, celui du Sanctuaire intérieur. Ainsi avons-nous, à toutes fins pratiques et pour le présent, en partie renoncé à développer l’esprit de service en toutes et chacune de nos activités. La troisième déviation découle presque logiquement de la seconde, ou de l’influence qu’exerça la seconde sur notre approche collective de l’organisation.
Ceci est en étroit rapport physique et psychologique avec cette autre et quatrième déviation – mais le terme « quatrième » est inapproprié, puisque l’on peut aussi
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