Au sujet d'Auroville 2022-2025
Maintenant, je vais énoncer sans explication un certain nombre de choix, ou d’orientations, que le collectif d’Auroville a faits durant les cinq décennies de son existence matérielle, qui ont contribué à son aliénation (partielle) du vrai sens d’Auroville. Je n’aborderai pas la question des influences qui ont joué sur ces choix, là n’est pas le sujet prioritaire. A l’écoute de tout ce qui se dit – et s’aff irme – aujourd’hui, l’on pourrait bien constater qu’à la fois tout le monde se trompe et tout le monde a raison. Tout le monde a raison, chacun a raison, parce que nul ne peut vivre à Auroville sans saisir quelque éclat, quelque aspect, quelque indication de la vérité qui attend d’être vécue sur la Terre. Et tout le monde se trompe, chacun ne peut que se tromper, dans la mesure où nous avons collectivement dévié de l’aventure qui s’offrait à nous et qui – je le crois – s’offre toujours à nous. Ce n’est pas d’une, mais de plusieurs déviations consécutives que je vais essayer de témoigner. Je vais d’abord énoncer ces déviations, sans ordre particulier puisqu’elles se sont exprimées plus ou moins simultanément ou dans la même période de temps ; puis je reviendrai, par des anecdotes ou de courts récits, sur chacune d’elles. La première de ces déviations fut d’accepter l’inimitié au sein même de la famille (l’ensemble de tous ceux qui voulaient servir Mère), et d’identifier l’adversaire avec l’ « autre », plutôt que de travailler à notre propre transformation. Evidemment, dés que Mère n’a plus été visible et accessible dans Sa chambre, l’atmosphère générale s’est considérablement appauvrie et les natures égoïstes individuelles se sont comme réanimées et, su r le territoire encore vierge d’Auroville, nous avions à traiter avec des conceptions par trop étroites et réductrices et des intentions de contrôle par trop bornées et arbitraires pour nous y plier. Mais, en tant que collectivité, nous avons compromis notre loi : nous avons commencé de juger, de condamner, de prétendre « discerner » la présence et l’action de l’adversaire dans ceux qui ne nous soutenaient pas et ce « nous » s’est fragmenté en conséquence. Ces déviations sont comme de mauvais plis : on veut les redresser, ils se reforment de suite. Il y eut bien des efforts de réconciliation, au cours des années, mais ils étaient alourdis d’un émotionalisme sans force ni portée. Ces plis sont contagieux et corrosifs ; chacun en devient le relais, en situant l’ennemi ou l’obstacle dans un autre individu, un autre groupe ou une autre association et toute une dynamique d’éloignement et de séparation se déploie. Lorsque les deux « camps » opposés furent si retranchés, il ne restait plus qu’une option, celle de l’intervention d’une force extérieure, supérieure en puissance ordinaire, pour tenter de sauvegarder la possibilité matérielle de l’aventure. La seconde déviation se produisit graduellement, une fois mise en place l’administration duelle définie par l’Acte de Parlement qui a donné naissance à la Fondation d’Auroville. Au début, il était entendu qu’il s’agissait seulement d’une mesure effective de protection légale inattaquable, qui donnerait aux résidents volontaires d’Auroville le temps d’élaborer leur prop re organisation selon leur intuition collective d’un avenir à découvrir.
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