journal d'une transition

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*2-2-2001, Auroville : C n’est pas bien ; elle est misérable, elle a mal et elle a peur, elle est tourmentée et se sent barrée dans ses efforts et son travail personnel. Deux choses me troublent : la première est que la Protection ne semble pas agir ; et la deuxième est qu’à travers son expérience répétée de l’univers médical, trop de peurs et de distances se sont logées en elle. Les premiers jours ici ont été pour elle des jours de liberté et de renouveau ; puis elle a commencé à avoir des douleurs dans le dos, et à tousser ; cette douleur s’est figée sur un point, une douleur qu’elle dit maintenant insupportable ; et elle perd le souffle. Ce matin elle n’a pas pu se lever. Je suis allé acheter des antibiotiques. Je ne me sens pas à la hauteur de la situation. C est très préoccupée de son retour en France ; elle demande la sécurité des médecins, des examens médicaux ; elle se soucie de ses patients ; et cela la tourmente d’être pour moi un poids, et de m’imposer une telle détérioration la révolte et la peine. En même temps elle éprouve d’autant plus combien il était important qu’elle puisse refaire le voyage, être ici une fois encore, avec moi. Cette limitation de l’âge, de la maladie, de l’usure, est intolérable ; voilà un être, une personne, dont la nature et le mouvement spontané sont jeunesse, progrès et continuité – même son corps exprime cet élan et cet équilibre interne : elle est belle, toujours, et claire. Mais dans son corps aussi sont les manifestations contraires : son dos s’est encore voûté ; l’opération a détruit une fois encore ses muscles abdominaux ; les substances qu’elle a dû absorber ont sapé ses forces… S’il n’y avait pas R là-bas, tapi dans son drame et attendant de se nourrir d’elle, empêchant les mesures les plus simples et les résolutions pratiques les plus légères, je ne me soucierais pas autant ; mais avec lui, et ses difficultés, dans la balance, il y a comme l’ombre active d’un désordre désolant, comme un goût de désastre qui la suit et inhibe ses propres facultés. … Je ne veux pas retourner là-bas, dans ces conditions ! Je voudrais la paix en elle ; je lui ai demandé de faire le mouvement de se rassembler et de se centrer, en rejetant toute forme de peur. Mais je ne puis le faire à sa place, et il y a comme une emprise qui interfère, que je ne suis capable ni de mesurer ni de combattre effectivement. Par Ch.J, j’ai pris contact avec les médecins de C, pour qu’ils me donnent leur avis. … Et puis, en guise d’accompagnement, il y a les bribes et les bruits de cette petite campagne contre « moi »… Et il y a cet appel qui grandit, d’entrer dans un travail physique, un travail dans le corps… C « déguste » ; et sa conscience est trop dispersée, trop poreuse à la formation ordinaire, et trop attachée aux symboles d’une sécurité extérieure et relationnelle… Les antibiotiques semblent avoir quelque effet sur l’infection pulmonaire, mais elle a mal dans tout le dos, s’essouffle beaucoup, et se sent très affaiblie. Il y a l’ « idée » qu’elle doit être « rapatriée d’urgence » afin d’être soignée dans de « bonnes conditions »… Heureusement que JYL est ici, qui sent comme je le sens combien il est indispensable pour C qu’elle se ressaisisse et se réclame elle-même et recouvre sa confiance et sa dignité. *4-2-2001, Auroville : C’est une petite bataille de chaque moment…

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