journal d'une transition
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*9-4-2000, Auroville : Il y a aujourd’hui trente ans que Tu m’as donné mon nom, et la confirmation de ma naissance en Toi, pour Ton travail ; trente ans que Tu m’as dit que Tu voulais de moi pour la transformation. Aujourd’hui, j’ai cinquante ans. Voilà : c’est mon « âge ». Quoi d’autre ? C’est dimanche ; je viens de finir de nettoyer et ranger la maison ; j’ai allumé l’encens dans chaque pièce, j’écoute la musique de Sunil, le jardin est paisible, les oiseaux et les fleurs y sont libres, et les abeilles et les mangoustes et les serpents, chaque organisme y a son rythme parmi les autres – nous sommes les seuls dont le rythme est une question, un effort pénible et discordant, dont la loi d’être est en travail. Je n’ai plus le cœur à écrire. La conscience ne bouge pas. Des bouffées seulement viennent, parfois : comme à propos de Ganesh, et la possibilité d’un canal créatif, ou pour les terres, les terres du Seigneur… Entre les bouffées, rien : la pénurie, la trime, le ressassement des manques, comme de parts incomplètes… Ce qui s’enroule dans le corps est révoltant, un scandale et une imposture. Quelle est la valeur réelle d’une expérience ? L’expérience, par exemple, que Ganesh est mon ami, et qu’avec lui du travail peut être fait – compagnons d’une action au service du Suprême ? Tout cela reste comme parallèle, ou tangent : une progression subtile qui ne se développe pas. Comme beaucoup d’autres expériences. Ce qui se développe est une sorte de compromis résiduel, sans grâce ni puissance de réalisation. *10-4-2000, Auroville : Hier W, m’apportant des fruits du verger de M, m’a décrit le rêve qu’il avait fait la veille : il s’était trouvé dans une communauté, un peu comme un petit village, dont il avait aimé l’atmosphère ; dans cette communauté j’avais avec chacun une relation très proche, directe et intime – avec chacun également ; ce n’était pas que je « présidais » à la vie de cette communauté, mais plutôt que se situait en moi son ferment ou son lien ; et W, dont la nature personnelle ne le porte pas à rechercher la compagnie des autres, avait été touché par cette possibilité, et cela lui a semblé correspondre à quelque chose qui se passe effectivement, bien que dans d’autres termes… Pour moi, cela correspond à une réalité, mais une réalité qui était plus vivante dans le passé, bien qu’elle fut le plus souvent entravée, abîmée, dépravée ou avortée par nos vouloirs et nos attachements qui refusent de s’offrir, nos révoltes et nos jalousies qui rejettent à chaque fois la possibilité du changement… *16-5-2000, Auroville : C’est la nullité : la nécessité d’endurer, endurer, dans un état de non-progrès, de non-sens… Pratiquement, je n’ai pas assez de travail. Pourquoi ? En principe, ce doit être dû à un manque de sincérité.
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