journal d'une transition

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*19-8-1973, Paris : Quelle est cette chose qui nous fait tricher ? Quel est ce singe qui monte dans nos yeux et nous fait mentir ? Cela fait des mois que j’essaie de comprendre son mystère et de trouver son logis ; et de quoi il est fait et le secret qu’il dissimule. C’est le singe qui nous est commun à tous – tous les hommes et les femmes de la terre et tous les enfants sont habités par lui, il est le même en tous : qui est-il ? Mais je suis encore trop sa victime et sa marionnette ; parfois je le hais et parfois je le trouve finalement plus acceptable que toutes nos saintes attitudes qui sont autant de jolis manteaux ; parfois j’ai été son allié et parfois j’aurais bien voulu en être débarrassé… comme tout le monde ! Il faut que je monte très haut pour sentir qu’un être peut l’avoir vraiment transformé en lui… Satprem peut-être, Pavitra, Nolini, d’autres ?... Mais si je redescends, en la plupart même des sadhaks je suis sûr qu’avec une petite insistance et au bon moment… il resurgirait tout pareil et en pleine santé ! Il fait honte à tous nos efforts ! Mais ce qui le rend finalement si mystérieux, en tous les cas pour moi, c’est qu’il semble impossible de le trouver en soi lorsqu’on est tout seul – pfft ! endormi, caché dans sa chambre, et où est sa chambre, je ne sais pas… Et puis, le moindre rapport, le moindre échange et il est là, instantanément… ! *26-8-1973, Paris : Parfois je sens – j’ose à peine croire – que je suis mené petit à petit, infailliblement, vers un être spirituel pleinement éveillé, qui est « moi ». Mais cela c’est comme une Grâce que je n’ose croire, tant je m’en sens indigne ; quoique ce sentiment d’indignité, en même temps, m’apparaisse bien inutile ! *27-8-1973, Paris : Sri Aurobindo, je veux me donner à Toi. Tu es Celui que j’ai toujours cherché. Sri Aurobindo, Tu es la Vérité, la simple Vérité entière que tous les cœurs ont attendue à travers les siècles… Tu as assumé notre vérité, Tu es venu, notre émissaire, notre verbe, notre aspiration et notre certitude victorieuse, et Tu as parlé et Tu as appelé. Et Mère, Douce Mère, a répondu, Elle est venue Te donner la Force et réaliser. *28-8-1973, Paris : De toute cette machinerie qui s’est greffée sur mon être depuis ma naissance il reste surtout cette première liaison au mensonge : cette force qui m’a lié à cette obsession sexuelle particulière, à l’origine de tous mes contrats obscurs. J’essaie, surtout en marchant dans la ville, grâce aux mille petites occasions qui font vibrer ce vieil attachement, de ne plus y répondre ; mais c’est long. Parfois dans la journée j’ai cette impression de baigner dans le mensonge, que presque toute ma nature extérieure est reliée par une quantité de petites connexions à l’univers du mensonge.

*2-9-1973, Saint B. : Je Te disais dans ma tête « je voudrais être avec Toi, marcher avec Toi, être toujours conscient de Ton Progrès, de Ton Présent, ne pas être à la traîne… », puis

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