journal d'une transition

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veut pas répondre à mes lettres ? Il n’existent pas des raisons que le mental comprenne, qui soient accessibles à sa compréhension ; on sait bien que dans la vie spirituelle le gourou interdit certaines choses à un disciple et autorise la même chose à d’autres. Pourquoi ? C’est de l’injustice ? On peut répondre que cela appartient à la vision que le Maître a des nécessités de ses disciples, et que on doit accepter ce qui vient du gourou avec la foi que c’est toujours pour le mieux. Mère t’a fait la grâce de ne pas répondre à tes lettres, il faut maintenant que tu acceptes avec gratitude sa volonté, sans te sentir vexé, humilié et surtout sans penser qu’elle t’a abandonné. Interroge ton être intérieur, avec sincérité, dans la caverne de ton cœur et tu sauras ce que tu dois faire. S’il y a dans cette lettre quelque chose qui ne soit pas claire, écris-moi que je ferai de mon mieux pour t’expliquer, mais tâche de ne plus insister avec tes lettres à elle. Mon cher ami accepte le témoignage de mon amitié et affection. Nata. ») Je savais que Nata avait raison, que je devais trouver la confiance dans ma propre relation intérieure directe avec Mère, à Sa Présence. Et je ressentais comme une nécessité devenue impérative de me retirer de l’énergie des liens, de me rassembler dans le silence d’une activité concentrée, de m’entourer d’une atmosphère sûre. Adolescent, j’écrivais beaucoup, de la poésie, et j’avais rédigé deux petits livres – que j’ai plus tard détruits – qui étaient comme des récits intériorisés sur les rythmes du poème. Il y avait là une capacité que je pouvais peut-être offrir. Je me retirai dans une petite chambre à Paris, avec mon exemplaire de « Savitri » et je me mis à la tâche de traduire en essayant de ne trahir ni le sens ni les rythmes et la beauté de l’œuvre de Sri Aurobindo. Cela me permit d’entrer de plain-pied dans les réalités de l’expérience. J’écrivis à Nata et lui envoyai la traduction d’un premier « Canto ». Fin Novembre, Nata me répondit : (« Cher Divakar. Je te prie de m’excuser du grand retard à te répondre. Beaucoup des choses ont changé à l’Ashram. Mère ne s’occupe presque plus de la marche de l’organisation qui a été confiée presque entièrement à André, son fils, le père de Pourna. Sont rares les personnes qui la voient encore. Grâce à Dieu je suis entre elles. Tu peux dire à E. qu’elle peut venir à l’Ashram quand elle veut. Pour ceux qui ne sont pas à la charge, il n’existent pas de limitations. Elle peut aussi amener l’enfant de M. Au sujet de la traduction de « Savitri » je crois que ton travail est beau, mais il faut demander l’autorisation à André, chef du Comité des Publications. A propos de E. il faut lui dire que je ne peux pas lui garantir d’obtenir la garantie de l’Ashram pour le visa d’un an. Elle peut rester les six mois concédés par les autorités indiennes, bien sûr. Je regrette mon ami de ne pas pouvoir te donner des meilleures nouvelles. Je t’embrasse. Nata. ») André revint à Paris. Il refusa de me voir à propos de « Savitri ». Janine, sa fille et la sœur de Pourna, me gardait pourtant sa porte toujours ouverte. Comme elle s’en allait à son tour à Pondichéry, je lui remis une lettre pour Nata. Mi Décembre, Nata m’écrivit : (« Cher Divakar. Janine m’a remis ta lettre. Je savais qu’André n’allait pas te recevoir. Les choses ont beaucoup changées ici à l’Ashram. Petit à petit que Mère abandonne la direction physique de l’Ashram, le terrain qu’elle laisse libre vient tout de suite occupé par des gens qui n’ont pas sa grandeur. Peut-être que cela te fera comprendre beaucoup des choses que pour le E.B allait enfin repartir à l’Ashram. Je lui demandai de bien vouloir emmener Cyril avec elle, et de veiller à ce que tout se passe bien pour lui.

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