Un Parcours
trop de rejoindre son poste sur l’échafaudage : elle glissa et tomba, renvoyée d’une barre à l’autre quinze mètres plus bas et s’écrasa sur le béton de la dalle qui reliait les fondations. C’est sur le trottoir de la Rue Nehru, plus tard dans la matinée, que j’appris la nouvelle par Barbara et Ruud qui venaient de « descendre » en ville ; elle avai t été emmenée d’urgence à l’hôpital de Jipmer (dont Mère avait donné le motto « Veritas Curat ») ; John et quelques autres l’avaient d’abord, avec autant de précautions que possible, glissée sur une grande feuille de contre plaqué, puis installée tant bien que mal dans la camionnette, vivante mais inconsciente. Dianne M. avait presque exactement le même âge que moi, je la considérais comme une sœur, elle était rebelle, entière, courageuse et généreuse et charmante. Elle vivait à Kottakarai depuis plusieurs années ; d’origine belge, elle avait eu une enfance plutôt rude et s’était enfuie aussitôt qu’elle avait pu, et prit la route, qui la mena avec son compagnon Guido jusqu’à Auroville ; de Guido, qi reprit bientôt son chemin, elle eut un premier enfant que Mère nomma Aurolouis ; cet enfant avait à peine un an lorsqu’il se noya dans le puits ouvert de leur communauté ; je me souviens du soir où Diane M. est arrivée au Camp à l’heure du souper, pour nous l’annoncer elle -même – la force et la détermination qu’e lle a dû trouver pour ce faire, sans céder au drame. Elle avait eu un deuxième enfant, une fille, que Mère nomma Auralice, avec son compagnon d’Auroville, Larry, l’un de nos premiers boulangers. Si elle arrivait un peu tard au travail, c’ est qu’elle avait déjà bien trimé à la maison. Lorsque je pus m’approcher d’elle dans la salle de l’hôpital, elle criait et protestait et agitait sa tête de chaque côté, demandant à être libérée ; ses mâchoires étaient brisées ainsi que le bas de sa colonne vertébrale, un bras et des côtes, et les docteurs avaient dû procéder à une trachéotomie et insérer un tube pour qu’elle respire suffisamment, puis l’avaient aussi entubée pour la nourrir et lui injecter les médicaments qui pourraient la calmer ; il était trop tôt pour faire le compte des dommages et établir un pronostic.
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