Un Parcours
avant, le visage émacié ; et c’était une expr ession tout entière de détermination, d’une concentration si farouche, si totale, et si parfaitement immuable. Il y avait à la fois le sens d’une formidable Erreur, et celui d’un mystère qu’Elle nous demandait d’abriter au plus profond du cœur, à l’abri de toute ignorance. A deux reprises encore je passai, une fois avec Krishna, et m’arrêtai devant Elle. Le 18, à la tombée du jour, je marchai jusqu’à la mer et trouvai Satprem, assis sur le muret du Tennis Ground, seul, et le rejoignis un moment ; je le rev oyais, comme il me l’avait promis – mais comment ? Il se tourna vers moi, posa un doigt sur ses lèvres ; ses yeux étaient des gouffres d’une lumière qui Lui appartenait, ils étaient comme de l’océan condensé dans un appel et une offrande et un cri de fidélité à Elle. Quelques moments plus tard, j’allai tourner le coin de la rue de l’Ashram, dans la lumière apaisée du soir, quand surgit C hristian V., mon compagnon de toutes ces années. Sans rien me dire, il avait décidé tout à coup de faire le voyage et il venait d’arriver : et c’était la première fois qu’il La voyait physiquement. Allongée devant la foule. Une impossibilité. J’emménageai dans une chambre plus modeste d’une loge nommée « Ganesh » tenue par un disciple, G., un homme aussi gentil que discret. En France, ma Mamy s’en était allée – comme si elle avait compris qu’elle ne me reverrait plus -, doucement, sans histoires, comme le fut toute sa vie ; depuis plusieurs années, comme elle ne pouvait plus se débrouiller toute seule dans la maison des Prévôts, Colette avait arrangé sa prise en charge dans une maison de repos toute proche, à Saint-Briac, tenue par des religieuses, où elle avait son confort et sa tranquillité et beaucoup de gentillesse autour d’elle ; elle m’avait vu à chaque visite un peu plus changé, je cois qu’elle
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