Un Parcours
Montaigne, à deux pas de chez nous, presque mitoyen du grand Jardin du Luxembourg. C’est ainsi qu’ont commencé les rencontres, à l’aube de l’adolescence. Je n ’étais ni doué ni talentueux, ni même très intéressé par aucune des matières présentées, sauf l’écriture et la lecture ; j’ai commencé à écrire de courts poèmes – et lo rsque j’en montrais quelques-uns, on commentait sur leur « maturité ». Je n’avais aucun goût pour les sports, ni pour les jeux, sauf, parfois, comme je l’ai mentionné plus tôt, le volley-ball, qui me semblait plus équilibré, moins grossier ou compétitif et j’étais plutôt « sage », tranquille, souvent silencieux ; les quelques jeux ou occupations que j’avais favorisés dans l’enfance avaient été le plus souvent solitaires ou autonomes et ne m’avaient guère préparé à la camaraderie facile.. Mais il y avait toutes les rumeurs et les nouvelles au sujet de Francis ; j’étais, comme dans le milieu lit téraire de Saint-Germain des Prés, un « fils de », avec un peu plus d’épices et de guignol ; ainsi, quand les journaux rapportèrent en première page l’évasion de la bande de la « tigresse » de la prison de la Santé – Hélène, ou Claire de son nom de réseau, avait pu ourdir un plan d’évasion bien conçu, à la faveur d’une petite représentation théatrale qu’elle et ses compagnes avaient été autorisées à monter pour toutes les autres détenues ; lors des préparations et répétitions, elles avaient dérobé une quantité de bas nylon pour en confectionner une corde solide et réussi à se procurer des limes pour scier les barreaux, et s’étaient ainsi enfuies dans la nuit, je ne sais plus combien elles étaient ; or, Claire était alors la maîtresse officielle de Francis, et son tempérament lui valait une certaine admiration ; moi aussi je la trouvais très « héroïne », lorsque je la rencontrais dans l’un de ces appartements secrets.
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