Un Parcours

Krishna éprouvait parfois une grande et intense colère envers moi, que je ne m’expliquais pas clairement : était-ce une sorte de déception, de sentiment de trahison, parce que je m’étais engagé dans un effort d’organisation qu’il ressentait comme une tentative de contrôle ? Il pouvait virer ainsi d’un extrême à un autre, voyant tout à coup en moi les signes de tout ce contre quoi il avait dû se battre, puis revenant à notre union intérieure et riant avec moi des étiquettes noires dont on m’affublait ou de l’ostracisme dont j’étais l’objet – car pour certains, non seulement j’étais un « asura », mais, par mon ouverte bissexualité, un danger pour tous et chacun, et même pour les couples ! Une fois, le malentendu avait dû s’exacerber en lui, probablement par des racontars ou des opinions trop arrêtées qui l’avaient affecté : il fut pris d’une rage destructrice et voulut démolir la maison, puis se tourna pour me frapper au visage avec une brique, ce qui m’ouvrit un peu la joue et laissa une cicatrice quelque temps. Nous étions aussi choqués l’un que l’autre, mais c’était un des effets de cette bataille de tensions qui nous habitait tous. Ce jour là, je crois me souvenir que D.P. était dans la maison et qu’elle n’avait pas osé intervenir, connaissant bien Krishna elle -même, depuis des années. D.P. avait trois petites filles : la première avait été conçue durant son voyage initial ve rs l’Inde et naquit à Auroville et Mère l’avait nommée Aurassi ; puis deux autres petites filles lui étaient nées par la suite, Shruti et Usha ; toutes les trois étaient bien distinctes et différentes et D.P. s’en occupait sans broncher, a utant comme une grande sœur que comme une mère, mais se refusait à se « sacrifier » à quelque rôle que ce soit ; j’appréciais son attitude, même si nous nous disputions souvent à propos de son absence de discipline commune, ses retards négligents des autres, ou sa tendance à garder les informations pour elle. Elle était ambivalente envers moi, à cause de ma pauvre renommée dans le milieu qui était le sien (Aspiration et les français « purs et durs », bien qu’elle fut australienne) et dont l’approbation lui était précieuse, mais nous nous trouvions en accord spontané sur tant de sujets que son élan de confiance et de compagnonnage prenait le plus souvent le dessus.

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