Un Parcours

Il y avait évidemment la même question lancinante en chacun de nous : pourquoi, et pourquoi elle ? Etions-nous si dépourvus de sincérité que la protection de Mère ne pouvait agir ? Une réaction plus ordinaire consistait à se référer au « karma » individuel de D.M., que nul d’entre nous ne pouvait évaluer, mais cela ne tenait pas la route, car nous étions tous probablement également chargés de lourds antécédents et pourtant nous étions tous arrivés aux pieds de Mère et Elle nous avait acceptés ! J’en écrivis par deux fois à Satprem, mais sa réponse ne faisait que me renvoyer à la nécessité d’être soi -même uni, délivré de toute contradiction ; j’avais souvent un peu de mal à accepter une certaine position qu’il prenait, comme si il oubliait combien lui même avait charrié les contradictions les plus intenses. (« 20-7- 76. Divakar, bien sûr qu‟il faut le construire, ce Matrimandir ! Mais il y a une manière qui doit changer. Ce n‟est pas pour rien que nous avi ons reçu trois avertissements, n‟est - ce pas, si c‟est exact. Trois « accidents ». Mais quand je regarde Divakar, je vois deux êtres. Alors, qu‟est -ce qui est urgent ? Si tu crois que nous ne sommes pas « ensemble », alors tu ne sais rien du labeur et de la peine qui sont sur mes épaules. Voilà, marche, sois UN. Satprem. ») Nous prenions chacun nos tours de garde, car il fallait une présence constante auprès de D. M. ; un après- midi, lorsque j’arrivai dans le couloir de l’hôpital menant à sa chambre, je tro uvai Satprem qui en sortait, suivi un peu plus loin de Roger Toll qui l’avait accompagné ; Satprem s’avança de suite vers moi, les mains tendues et tremblantes et me dit avec beaucoup d’intensité dans son regard et sa voix : « cela prend du temps de compre ndre que l‟on aime et que l‟on est aimé… » Je ne répondis rien, il n’y avait rien à répondre. Je comprenais qu’il était assez bouleversé par l’accident de D.M. et que, lui aussi, cherchait le sens et la résolution de cette peine brutale qui semblait si « injuste ».

159