Un Parcours

Il circulait parmi eux tous un humour décapant, un sens exacerbé de la solidarité nécessaire, la pratique d’un questionnement libre et une sorte de besoin de se défaire des vieilles peaux sans savoir comment s’y prendre.

Au Matrimandir, sous la direction de Piero, nous apprenions tous les métiers d’une grande construction, simplement en travaillant et suivant ses instructions, car aucun de nous n’y avait été formé auparavant ; cependant, pour les assemblages et fabrications des nombreux coffrages, il avait embauché une équipe de menuisiers venus de l’intérieur du Tamil Nadu (la plupart des corps de métiers avaient émigré et ne restaient dans les villages voisins que de petits agriculteurs et fermiers, quelques potiers, quelques couvreurs et surtout des travailleurs journaliers), qui logeaient sur place dans une des huttes du chantier ; ils étaient cinq ou six ; il y avait le « maestri » Duraiswamy ; et ses quatre assistants, étaient-ils cinq au début, je ne sais plus, Kantaswamy, Muthu, Shanmugom et Arumugon, chacun très différent de physique comme de caractère ; loin de leurs familles respectives, ils étaient constants et assidus à la tâche ; avec eux nous pouvions ainsi apprendre à manier les outils de menuiserie, assembler et entretenir les coffrages et comprendre la nature du bois, son grain, sa densité, sa résilience. Quant au travail du fer (égaliser les barres, les couper, les plier, les attacher), il suffisait de quelques instructions claires, de quelques établis en plein air et de simples outils faciles à manier. Nos seules grosses machines étaient alors une bétonnière, une broyeuse et un générateur. Nos brouettes avaient été dessinées par Piero et fabriquées dans nos ateliers ; Piero pensait à chaque détail et chaque nécessité avec la même rigueur et cherchait toujours les solutions les plus cohérentes ; il avait également étudié et dessiné et fait exécuter les chutes de métal pour faire glisser le béton frais, puis il se mettrait plus tard à l’étude complexe des deux rampes qui monteraient en hélice jusqu’à la Chambre intérieure, ou à celle de l’héliostat qui

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