Un Parcours

Alors, c’était comme si je me trouvais privé de béquilles. Il me fallait donc apprendre à discerner « tout seul », me casser la figure sans doute, me relever, développer la confiance qui naît de la conscience vraie. Je passais les journées dans ma petite chambre du 7 ème étage au bout du couloir : j’avais disposé sur le sol, devant la fenêtre donnant sur le ciel au-dessus des toits, une petite table basse pour ma machine à écrire ou pour mon cahier – je traduisais, puis recopiais et corrigeais, c’était une manière excellente de pénétrer la langue anglaise, guidé par Sri Aurobindo ; de temps à autre des amis me rendaient visite ; ou j’allais marcher un peu dans le quartier Montparnasse ou au jardin du Luxembourg ; je prenais la plupart des repas au 6 ème , avec Colette et René, mais évitait toute imposition de la « télévision » dont René ne savait plus se passer. Et j’écrivais chaque jour quelques notes dans mon journal. « dimanche 1 er Avril 1973 : voilà, je me sens un peu submergé par tous les progrès à faire… ces jours- ci j’ai traduit deux chants de Savitri, la Descente dans la Nuit et le Monde du Mensonge, qui m’ont beaucoup aidé. Maintenant, beaucoup de mon passé, beaucoup de ce que je suis, s’éclaire. Presque tout , en fait. Avec cette phrase de Toi, disant que le vital est indispensable à la transformation et à la manifestation divine et que c’est pour cette raison que les forces adverses s’en sont presque totalement emparé… alors, toute la culpabilité s’en va de moi… Comme à chaque fois que je ressens l’Aide de Sri Aurobindo, c’est un élargissement, la perception profonde que tout – le mal, les difficultés, les adversités, les résistances – est compris dans un immense embrassement d’amour et de clairvoyance, sans aucun jugement. Alors c’est comme un être blessé en moi qui ose relever la tête et sourire et croire, comme si j’étais caressé par la main d’un Père et d’un Ami qui ne me juge pas et me conduit et me montre la charge qui m’est échue… … en regard de cette dernière lettre de Satprem… : je serais incapable de faire ce travail si je devais penser que c’est pour moi seul… je ne suis pas intéressé par mon propre progrès ; ce que je fais depuis le début, c ’est Te l’envoyer comme une offrande… mais je ne m’ attache pas du tout à ce qui sera fait de ce travail, j’ai seulement souvent pensé que cela aiderait certains de pouvoir lire Savitri en français et, lorsque j’ai commencé ce

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