Un Parcours

ami fidèle un prêtre officiant (à cette époque il y avait ce qu ’ on appelait des prêtres-ouvriers) , lui demandèrent de faire l’affai re, au Sacré- Cœur même, et j’ai gardé le souvenir très clair de la sensation de l’eau bénite sur mon front et ma fontanelle … En même temps, ce quartier de Pigalle était évidemment chargé d’une sexualité ambiante, nous y cotoyions chaque jour les prostitués des deux sexes, les proxénètes, les gens de spectacle, se mélant sans tensions ni heurts avec les gens les plus ordinaires, chacun vaquant à ses nécessités journalières, et il n’y avait que très rarement des éclats de colère ou des gestes de violence vite apaisés. C’est peut -être en partie dû à cette densité atmosphérique de la sexualité que j’y ai fait ma première expérience : l’un des amis Algériens allait s’asseoir sur une chaise dans la pièce du fond et je me rendais jusqu’à lui, debout devant lui assis et il me laissait ouvrir sa braguette et découvrir et toucher son membre soyeux au repos : il ne profitait pas de moi, c’était une entente tacite et compréhensive et muettement affectueuse et je m’en souviens comme d’un présent d’amitié. Le climat général était alors traversé par une préoccupation croissante au sujet de l’Algérie co lonisée et nombre de ces intellectuels prenaient position, faisant écho à la prise de conscience que Colette et Francis avaient déjà formellement et ouvertement exprimée. Il allait falloir se mobiliser plus sérieusement.

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