Lettres à Divakar jusqu'à 2005

cause de l’immobilisation prolongée sur le lit, si confortable fut-il. Il me semblait possible alors qu’une sorte de stabilisation de son état corporel lui permette de vivre une autre étape, plus concentrée, plus intériorisée, et de faire l’expérience de la paix. Elle n’était pas seule ; un cercle d’amis fidèles était présent, chacun d’eux lui vouant une grande amitié, mêlée de révérence et de reconnaissance, car elle incarnait un mouvement continu de progrès dans une sorte de permanence d’harmonie, et son contact ouvrait des portes pour chacun... Mais les ressources de son organisme étaient épuisées. Le 8 avril elle cessa de respirer, je ne sais pas exactement à quelle heure, peut-être vers 5 heures du matin – je m’étais finalement assoupi quand elle avait cessé de gémir et de chercher une position supportable, et je ne sais pas ce qui m’alerta, peut-être ce fut justement la qualité de ce silence. Un peu plus tard j’appelai Olga : elle répondit presque immédiatement, et elle et Pierre se hâtèrent de venir nous rejoindre. J’appelai également Francis et Christiane, nos plus proches. Ni l’un ni l’autre n’était en mesure de se déplacer, mais ils surent tous deux m’accompagner très discrètement et simplement et bonnement. (D’une manière générale, toutes les rencontres que je dus faire au cours des diverses démarches nécessaires, que ce fut avant ou après le départ de Colette, furent empreintes de grâce et de réelle bonne volonté.) Olga et Pierre m’aidèrent alors à préparer le corps de Colette, c’est-à-dire que Pierre entoura le visage de Colette d’un foulard afin de tenir les mâchoires ensemble avant la « rigor mortis », puis nous laissa, Olga et moi, l’éponger, l’habiller, la parfumer et maquiller comme elle l’aurait fait L’évidence physique d’un corps déserté n’est pas spontanément reconnue et acceptée : c’est trop impossible.

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