Lettres à Divakar jusqu'à 2005

Aimé,

… Cette vie de fourmi rivée à son organisation matérielle indispensable, me fatigue ; dans les moments creux je ne sais pas comment utiliser, ou même trouver l’énergie capable de me rendre à moi-même utilement. Cependant, la saturation étant bientôt à son maximum, cela me convient, car je sais que, du coup, je vais retrouver une liberté (disons celle à laquelle je suis attentive). Alors ? Le livre dans tout ça ? Je t’ai dit plusieurs fois que je prenais des notes. Et puis, cela devenait peu à peu insuffisant c’est l’évidence, mais plus encore vide, creux. Parallèlement, chemin faisant, il m’est apparu que ces 50 pages que j’ai écrites étaient elles-mêmes insuffisantes après tout ce temps de pause. Je vais donc tout reprendre – travail que je n’avais pas prévu tel quel, et en même temps très bien venu je crois. Et je me trouve curieusement confrontée à un drôle de mécanisme, tellement inattendu pour moi avec mes incapacités mentales : cela se rédige dans ma tête comme si ce que je veux désormais exprimer s’inscrivait en disquettes !! C’est peut-être ce que l’on appelle mûrissement, mais sous la forme d’un ordinateur, ou d’une machine imprimante… c’est ce que je n’avais guère prévu !! … Quelques mots sur mon rapport au « deuil ». J’ai, je le pense, dépassé l’étape dont je t’ai maintes fois parlé : regrets sous toutes les formes, de toutes natures ou catégories, etc. S’il m’arrive de découvrir en quoi j’aurais pu agir ou comprendre différemment, je sais arrêter le processus. Je commence même à découvrir autre chose, une sorte de calme et de douceur. Ainsi tout ce que tu m’as écrit prend-il de plus en plus sa place, sa vraie place, solide. Mais il se passe aussi des choses que je trouve surprenantes à cause de leur fonctionnement singulier : il ne s’agit pas de ces souvenirs inévitables qui se préparent, on le sait, on s’y attend, à l’aide de pensées conscientes qui constituent des

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