Lettres à Divakar jusqu'à 2005

qui va changer ? Sans doute, à coup sûr même, une attitude intérieure. Qui donnera quels effets ?

… Aussi : ma « pratique », si l’on peut dire, des souvenirs. Ils arrivent insidieusement la plupart du temps, surgissant d’une pensée sans rapport apparemment. Cependant la litanie des regrets-remords-culpabilité prend de la distance, une saine distance me semble-t-il. Mais, c’est tordu ces choses-là, tandis que je me sens mieux (exceptée cette fatigue, qui ma paraît parfois indéracinable ; tu liras dans l’Observateur le déséquilibre de la température du corps après la canicule), une sensation me vient, difficile à exprimer : c’est comme si ces quarante ans de vie commune se réduisaient à un seul état présent. Comme si… de quoi être étonné… je reprenais le fil de mon rapport à moi- même ! Quand on sait ma hantise dernière à l’idée d’être seule ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Que ce rapport vivait de sa vie secrète, toujours présent envers et contre tout, toujours tranquille bien qu’ayant été quelque peu mis à mal tous ces derniers mois ? Je crois que ce que tu me prédisais est en train de se produire : René est présent sans drame ni calcul autour du temps passé. Et ce que tu m’as écrit, je vais revenir à tes lettres, est en train d’agir dans un présent englobant. Sans oublier mon travail de conscience depuis plusieurs années, toujours et encore balbutiant bien sûr, mais qui a nourri ce rapport à moi-même. … Imagine-toi que j’ai pris conscience soudain d’un soubassement à mon histoire personnelle de la solitude. Je m’aperçois que, silencieusement, ma non expérience de celle-ci c’est tout juste si je ne m’en vantais pas ! « Moi-je », moi je n’ai jamais été seule, pas même un jour ! Et voilà que je découvre à travers ce que tu m’en dis que ce n’est pas un gain mais plutôt un manque ! Or, je le crois volontiers, car je suis en train de faire cette découverte, tellement inattendue. Je voudrais la poursuivre pas à pas, et je commence à entrevoir ce qu’elle pourra m’apporter.

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