2021 Défaire les murs et aller

Le temps, oui, le temps – celui qui s’égrène et se compte et nous trahit par quelque malicieux stratagème profondément enfoui dans la mémoire de nos cellules – cette malédiction, ou cette sauvegard e, placée dans nos gènes alors que l’obscurité régnait sur la race. Et comme s’écoulent les années, nos corps sont altérés jusqu’à nous tromper : à ce compte, nous sommes toi et moi presque du même âge, nés à six mois de distance exactement. Ici, nous n’accueillons généralement aucun enfant – seulement des âmes conscientes qui ont choisi de se rassembler ainsi. Pourtant, nous avons il y a peu de temps fait exception : c’était lors de notre dernière tournée, juste avant que les frontières se ferment et le grand malaise s’installe et occupe le monde ; nous nous préparions à quitter une petite ville pour rejoindre la capitale d’un pays voisin, moins affluent, quand la confluence de deux crises majeures simultanées – une déclaration de guerre intern e entre deux ethnies pour un même territoire et l’alerte générale à la « pandémie » - a causé de grands désordres, tant dans les transports que dans les institutions ; il se trouva que, dans l’attente d’un convoi autorisé, nous nous étions réfugiés da ns un bâtiment qui servait d’accueil hospitalier à des enfants « en difficulté » (enfants abandonnés pour la plupart, et souvent mentalement déficients ou considérés comme tels). Nous comprîmes alors que le personnel traitant était en débandade et sur le point de déserter ; il y avait une agitation à la fois craintive et honteuse et les mouvements des uns et des autres semblaient insensés. Tu es mon aîné !

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