un autre choix

Chacun est seul devant le Suprême : cette loi-là est nécessaire et juste et ouverte.

Mais être seul parmi les autres : là est le contresens et le signe de notre mensonge.

Ainsi connaissons-nous aujourd’hui une double détresse : la détresse du blessé isolé, de l’enfant rejeté, de la femme violée, de celui qui vient de perdre les siens – et la détresse de ne pouvoir partager, de ne pouvoir aider. Car l’individu humain, si grande et puissante soit sa personnalité relativement à son univers d’expérience, est incapable d’éprouver la détresse de tous ceux qui souffrent à cet instant ou cet autre, comme il est incapable de la soulager : il demeure irrémédiablement séparé, et des autres et de la Conscience qui seule peut aider.

Ses tentatives sont condamnées à l’extériorité et à l’erreur.

Il n’a en son pouvoir qu’une sympathie limitée, une mesure de compassion, une identification partielle, imparfaite et finalement inutile.

***

Cet enfant, encore habité de sa propre grâce presque intacte, cet enfant qui est aussi nous- même, quand nous sommes confrontés à son regard d’incompréhension devant les querelles, les discordes et les violences du monde, nous sommes saisis de gêne et de culpabilité – que nous tentons de réprimer.

Nous faisons notre devoir : nous entreprenons de lui apprendre à s’adapter à cette réalité que nous partageons tous – il en va de son salut !

Nous avons tort.

Nous disons : « c’est la vie » !

Nous disons : « il faut t’y faire » !

Et nous allons l’y préparer, nous allons lui enseigner les moyens et les défenses, les stratagèmes et les feintes et les ambitions qu’il lui faudra assimiler pour traiter avec cette réalité d’enfermement et y frayer son avenir personnel.

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