journal d'une transition

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Cela revient à ce que j’essayais de te dire au début, c’est que c’est une condition, quand on vit ici, qu’on peut être sûr que les petits pas que l’on fait sont des petits pas qui comptent en tant qu’humains, pas en tant que membres d’une culture ou d’une race ou d’un pays ou de je ne sais quoi… »

. MHB : « Oui, et cela est du ressenti… Cette implication que j’ai face à vous tous fait que moi, je me sens en retrait… »

. D : « Non, écoute, je ne peux pas te dire qu’il n’y a pas le risque de se retrancher : c’est possible que le risque soit là, du moins provisoirement. Mais, dans l’expérience même, c’est plutôt le mouvement de plonger, avec la compréhension et la confiance qu’on ne va pas s’éloigner, mais au contraire qu’on va s’unir avec quelque chose qui est présent partout. On peut dire ‘universel’ et tout cela, mais c’est un adjectif – concrètement, c’est le fait de plonger qui peut sembler comme cela (comme un éloignement) ; du fait que tu aies à plonger, et par ce qui fait que tu plonges, ou que tu es dans ton chemin de plongeon depuis longtemps, tu n’utilises plus les moyens de communication (habituels), parce que tu n’en as plus besoin… Ca ne te vient plus – donc cela peut te donner l’impression… Mais je ne peux pas te promettre qu’il n’y ait pas des cas, entre nous tous, d’un certain retranchement ; mais ça ne doit pas durer beaucoup, à mon avis, parce que la vie ici ne te laisse pas – telle que je l’ai observée – ne te laisse pas t’installer… » . D : « C’est en entendant plein, plein de petites histoires, comme ça, que tu pourras saisir la variété, et l’efficacité de quelque chose qui travaille ici : si tu en as vraiment besoin, ça te laisse tranquille – mais vraiment besoin ; sinon, cela vient te chercher, dans tes retranchements, ça te secoue un peu, et puis cela te fait rencontrer des choses comme ça tout le temps, mais à ta mesure… Mais les choses ne sont pas encore concluantes en aucune manière… donc, il doit bien y avoir des échappatoires : on est rusés !!! » . MHB : « En quoi cela ne te permet pas de te laisser t’installer ? » . D : « IL y a plus de 30 ans que je suis venu à Mère… Le sens de bouger ne me vient pas… Parfois je me dis qu’il faut peut-être que je fasse un pas – un autre pas ; mais c’est dans la tête seulement… 30 ans, ce n’est pas beaucoup, quand tu considères les racines de ce qui fait qu’on est encore incapables de manifester autre chose que cette condition-là : tu te dis que, vraiment, 30 ans, c’est rien ! Travailler là-dessus pour offrir cela… c’est rien, c’est ridicule, c’est honteux ! C’est une mauvaise farce ! Parce qu’on a besoin de temps, du temps continu, pour faire de tout petits progrès. On ne parle pas d’une réalisation spirituelle, parce que cela, relativement, tu y arrives – mais c’est pour rester ici, dans cette vie-là, ici, dans le physique, dans la matière, dans le corps, que ce soit là : que cela devienne son fruit !... » . MHB : « Il y a 30 ans que tu es ici ? »

. MHB : « Une action ? »

. D : « Non, non… que cela devienne plein, radieux, habité enfin, et non plus cette absurdité qu’on est la plupart du temps…

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