journal d'une transition

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. D : « Ce n’est pas tellement ça… C’est que les tensions et les contradictions ont toujours été là ; heureusement, parce qu’on a tendance à s’endormir. Mais c’est que les choix pour les résoudre ont diminué en qualité… Les moyens employés pour arriver au but auquel on croit sont très appauvris pour le moment. Je crois que l’on n’a pas collectivement suffisamment compris qu’il n’y a pas d’autre chemin que celui d’intégrer. On est encore dominé par l’exclusivisme, le rejet, la réduction ; et tant que l’on n’a pas compris cela, on est sur… au bord de l’échec, constamment… Alors évidemment, je ne sais pas si l’on doit dire que cela vient des…. On est tous responsables ! » . D : « Oui, oui ; c’est beaucoup plus rassurant ! Quand on est fanatique, on se sent beaucoup mieux parce qu’on est encadré, parce qu’on n’a pas besoin de penser, on n’ pas besoin de réfléchir, on n’a pas besoin de rien remettre en question : on a la ligne, on a les mots, on a la certitude, on a aussi le tracé et, bon, tout va bien ! C’est justement ce qui tend à se produire : il y a une réduction de toute cette expérience qui tend à prendre le dessus, et qui utilise pour s’affirmer des moyens qui sont… euh… qui, il y a quelques temps encore on n’aurait pas pu concevoir, et qui sont utilisés ici !... Dans ce sens-là c’est… Auroville n’est pas dans une… enfin la condition de la chose, de l’expérience humaine d’Auroville, n’est pas dans une phase très… très encourageante… Maintenant, s’il y a assez d’individus qui sont, qui sentent, qui peuvent retracer… la faiblesse, alors peut-être c’est une leçon qui va être vraiment utile ; mais si on n’en a pas assez, je ne sais pas ce qui va se passer… C’est toujours une question du nombre critique… » . MHB : Est-ce que le rejet ne forme pas des limites qui permettent de rassurer, qui les encadre ? »

. MHB : « Mais pour moi, le nombre penche plutôt en général du côté… »

. D : « De la facilité… »

. MHB : « Oui »

. D : « Oui, en général. Mais disons que le seuil critique de ce qui fait qu’une chose ne s’écroule pas, enfin ne se dissout pas, mais continue une progression, ce n’est pas… je ne sais pas si le ‘nombre’ est un bon mot… Mais c’est tout de même, il y a tout de même un seuil critique. Il faut quand même un certain poids d’expérience authentique répartie dans des individus… Le nombre, je ne sais pas… Pour la balance, pour l’équilibre : pour pas que ça s’enfonce dans le marécage. Mais je ne sais pas si on va, si on l’a, si on va l’atteindre… Jusqu’à présent on a passé des périodes très, très… pas sombres, mais, oui, dures, à Auroville ; il y a eu des années… quelquefois on ne voyait pas, cela ne semblait pas possible ; mais c’est toujours là ! Alors, je ne sais pas ! Mais là, c’est retors, parce que c’est beaucoup plus… justement, les mots ont été tellement marchandés que le sens… quand tu dis ‘vérité’, tu te dis ‘à quoi ça sert de le dire’, ce n’est plus un mot qui est porté avec sa… avec son pouvoir : c’est un mot qui a été trahi… »

. MHB : « Oui, parce qu’il est utilisé dans tous les domaines. Il est bradé. »

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