journal d'une transition
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de reconnaître et d’entendre quelques mots plus vrais, chargés de plus de sens, et d’en retirer l’occasion d’un progrès de conscience ? … Nous sommes à la frange d’une nouvelle « activité cyclonique » ; le taux d’humidité est de 80%, la température est remontée, et les moustiques semblent naître à chaque instant ; on est comme liquéfié, et incapacité, à moins de se mettre en colère, et alors on devient insupportable ! Que peut-on donner aux autres et au monde de mieux que la tendresse, la solidarité, la bienveillance ? Comment peut-on aider à dissiper la souffrance et vaincre la mort, à établir les bases conscientes d’un progrès ininterrompu ? Comment servir l’unité et le continuum entre l’être et la substance, la vie de l’âme Je n’ai pour référence tangible qu’une expérience, aussi physique et concrète qu’elle est spirituelle et insaisissable, aussi immédiate et intime qu’elle est haute et impersonnelle ; et cela m’a toujours suffi ; et cela m’a permis finalement d’accepter, à travers toutes les crises et toute l’insipide routine de notre état et son labeur interminable, une sorte de nullité permanente, avec la confiance que derrière ce voile opaque et cette grossièreté calamiteuse quelque chose se prépare, quelque chose se bâtit : un corps de vérité, infiniment plus « réaliste » que le nôtre, pas à pas et petit à petit, avec la minutie d’une prodigieuse concentration, se condense et se constitue… *20-10-2000, Auroville : Allergie ? Je ne sais pas ce que c’est : une éruption galopante, accompagnée de démangeaisons qui demandent tout le calme dont je suis capable pour ne pas m’enrager ! Cela a commencé il y a quelques jours au coude, puis aux aisselles ; maintenant c’est le côté droit du bassin et la taille ; comme un poison qui veut sortir ! Je n’ai jamais eu ça. C’est arrivé, je crois, après que je débroussaille une partie des Jardins, ou que je nettoie le bassin au temple… *22-10-2000, Auroville : C’est un désordre spectaculaire ; cette éruption s’est maintenant répandue sur tout le corps ; c’est comme si j’étais plongé dans les orties, de nouvelles cloques ne cessent de se former, avec une sensation violente de brûlure et de démangeaison en même temps, et aucune crème ni aucune application de neem, de vinaigre ou de camphre n’y fait rien. C’est une épreuve pour les nerfs, et un nouveau test pour la conscience du corps. C’est dans ces moments que l’on mesure le fonds de peur qui est engrangé dans les cellules, et que l’on se rend compte concrètement de tout le chemin à faire. Moralement et physiquement, il y a une confiance assez bien établie dans les ressources d’harmonie du corps et son pouvoir à s’auto guérir et se rétablir, et c’est probablement l’un des traits qui composent pour les autres mon identité – une sorte d’équilibre physique et de foi vivante dans le corps. Mais en fait, il y a encore un formidable ménage à faire ! Tant d’ombres à déloger : la malédiction de la séparation dans les cellules mêmes et leurs relations entre elles et leurs divers groupements… Mais pour tout ce que l’on « croit » et ce que l’on « sait », il en va de même : c’est une succession de résonances, comme autant de degrés de manifestation… Une profession de foi peut sonner creuse, lorsqu’elle n’est que mentale ou intellectuelle ; elle résonne mieux, et prend de la densité, lorsqu’elle est aussi et la matière, la présence spirituelle et le corps terrestre ? Ne pas se faire d’illusions : n’accepter aucune illusion…
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