journal d'une transition
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*27-6-2000, Auroville : La question qui se profilait, comme une interrogation encore diffuse, est en relation avec les choix de l’âme ; il me semble que, désormais, les termes de ce choix basculent vers un autre domaine ; car les situations terrestres ne sont plus si définies, et les déterminismes gouvernant les conséquences probables d’un choix de situation ou d’environnement n’opèrent déjà plus de la même manière : la pesanteur d’une situation donnée, et le lit de circonstances qu’elle tendait à former, sont moindres. Tout comme les distinctions de caste, de classe, de culture ou d’appartenance ont tendance à s’atténuer, les possibilités de développement de l’expérience à partir de quelque situation particulière tendent à échapper aux caractéristiques qu’il était jusqu’à présent possible de prévoir ou d’anticiper. … Aujourd’hui, c’est la fête de « ma fille » : Ajneyam Auragni, née à Sincérité, Auroville, Inde, le 27 Juin 1982 ; dix-huit ans. Et peut-être la décision mûrit-elle en elle de venir ici et d’y vivre sa propre expérience indépendante… Les forces qui nous ont séparés se sont-elles assagies ? A en juger par l’animosité persistante d’un Jean P, je doute qu’Auragni puisse trouver tout de suite une voie facile, si elle n’a pas déjà acquis une liberté intérieure considérable. Il est inutile de spéculer ! Et j’ai à présent une si piètre opinion de mon existence et du sens qu’i pourrait y avoir à me rencontrer, que je suis en fait tout à fait capable de faire mieux qu’eux le travail de mes « ennemis » et autres détracteurs attitrés ! … Du point de vue du cœur, l’impasse se résume brièvement : je ne suis pas encore parvenu, tout simplement, quoiqu’il arrive et quel que soit le jeu des forces internes ou externes, à me concentrer avec assez de constance dans l’état central. *29-6-2000, Auroville : L’ocre rouge de la terre retournée, la marée verte des cimes et feuillages, cavalcade immobile sous le ciel plombé, la pierre orange et rose montant vers l’or de la sphère… puis, là, tout près, l’ordre sans grâce de nos méthodes : de la matière interrompue, déflorée, où une force séparée est intervenue avec son intention persistante et ses modèles d’une organisation présumée supérieure : comme un corps exposé, démantelé, et accablé par l’inertie que génère le contrat social. Sans grâce, oui ; un ordre qui est véritablement un désordre ; une création que l’on ne peut qu’avec trop de peine entretenir et que l’on ne peut longtemps maintenir, car cette maintenance implique la préservation d’une identité fixe ; alors que la matière toute entière est en perpétuelle transformation, qu’elle soit cyclique ou évolutive, nous insistons, avec notre instrument tronqué de vision et de volonté, à mesurer notre grandeur par la persistance inchangée d’une identité et notre connaissance par la durée des monuments et des œuvres que nous lui avons consacrés. Oui, ce que je crois et ressens de plus en plus, c’est que les choix de l’âme dans le monde terrestre d’aujourd’hui et surtout de demain seront de plus en plus en relation avec le corps, avec l’évolution du corps et dans le corps.
*6-7-2000, Auroville : Il y a un jeune gars ici, qui a grandi dans une communauté d’accueil depuis l’âge de 9 ans, et a traversé l’adolescence sans référence solide ; il y a quelques mois, grâce à une confusion administrative due à l’inexpérience d’un nouveau travailleur à
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