Un Parcours
Mais l’acte de faire venir un autre être au monde demande un engagement et l’assurance d’un certain équilibre de l’accueil.
D.P. et Myrtle se respectaient l’une l’autre et savaient rire ensemble, mais D.P. redoutait Pnina, alors que Pnina et Myrtle devenaient de vraies amies ; de plus, D.P. détestait ma bissexualité, la condamnant comme une sorte d’anomalie s’ajoutant aux formations dont j’étais l’objet facile, puisque j’étais incapable de me représenter socialement – pour la plupart je demeur ais une sorte d’énigme dont il était préférable de se garder. Je n’avais vécu en couple qu’avec Claude, ce qui ne comptait guère comme référence ; serais- je capable d’entretenir avec D.P. une relation quotidienne assez stable et assez riche pour qu’elle s ’y sente justifiée de son choix ? Seul, Gérard M. avait sa confiance et servait de lien entre le groupe des français d’Aspiration qui avait été son ancre et son milieu d’adoption, et cette dimension plus complexe et mouvante d’Auroville où différentes app roches et appartenances se côtoyaient. Gérard avait aussi changé de situation personnelle : sa nouvelle compagne, Marcia, originaire du Brésil, exigeait plus de lui ; j’étais pour lui celui qui savait tout de lui, à qui il pouvait tout dire et notre amitié surprenait certains mais était respectée. Il arriva cependant que, sans me le dire, D.P. se découvrit enceinte et décida de se faire avorter à l’hôpital de Jipmer, une démarche qu’elle entreprit seule, comme seule avec elle -même, avec une dignité que je reconnus et appréciai lorsque, la trouvant sur sa petite moto au retour de l’hôpital, vêtue d’une robe seyante et discrètement élégante, elle me dit simplement ce qu’elle avait fait.
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