Un Parcours

Vers l‟adolescence

Alors la vie a changé à nouveau.

Colette et René ont trouvé un appartement à louer à Montparnasse, rue Campagne-Première, une rue prisée des artistes-peintres avec plusieurs de ses immeubles contenant de grands ateliers lumineux ; c’est dans l’un de ces ateliers à un sixième étage, que nous emménageâmes ; il y avait eu rénovation, et juste assez de place pour nous en comptant une « chambre de bonne » au septième étage. Je découvris l’usage quotidien d’un ascenseur, avec doubles portes et grilles coulissantes, ainsi que les bénéfices d’une vieille Peugeot décapotable que René avait achetée pour nous emmener en « vacances » et bien sûr, épater Colette. C ’était notre première relation intime avec la bourgeoisie – une condition bien particulière ; car René était issu de l’une de ces grandes familles de la bourgeoisie juive, foisonnante d’intelligence, de culture et de réflexion mais très attachée à ses privilèges ; son père Arnault, en plus d’être un chercheur scientifique rigoureux et accompli, avait écrit un petit livre sur la pensée créatrice qui reflétait une quête assez élevée ; c’était une génération de « grands hommes », comme Léon Blum, et un héritage difficile à porter ; mais René, à défaut de cette grandeur, avait hérité d’un nombre de meubles anciens (« des antiquités ») qui durent s’acco mmoder du goût de Colette, auquel il s’était rallié, pour les bois bruts et les objets simples (elle avait une grande empathie pour les églises romanes). Il y avait aussi une collection de livres magnifiques, avec des lithographies originales, et des reliures enluminées, ainsi que de grands recueils de photographies et dessins de différentes civilisations (et ainsi je retrouvais certaines atmosphères déjà connues, comme celle de

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