Tome 2 Défaire les murs et aller

… La soirée déjà s’approche, les enfants sont repartis, notre atmosphère se ressaisit, se recueille, se recompose et se réunit à ses rythmes propres ; c’est comme le souffle de Svanil, un souffle qui met en plac e et en relation juste ce qui tendait à s’éparpiller ou se dissiper. Cet après- midi justement j’ai mené mes trois élèves du jour assister à la classe pratique que donnait Svanil au-dehors, sur le triangle, mais à distance de la falaise et à l’abri du vent océan ; elle avait, elle aussi, trois élèves ; j’avais demandé aux miens de bien absorber sa démonstration afin d’en saisir les forces directrices et de les transcrire en contours et en traits, tandis qu’elle encourageait les siens à reproduire avec leur propre corps ces alternances qu’elle exprimait avec le sien. Svanil, bien que presque corpulente, se déplace avec une très étonnante légèreté ; avec sa connaissance vivante et corporelle du pouvoir du souffle et du son, de la voix, elle peut se planter sur le sol et donner l’impression tangible que rien ne pourrait l’en écarter ni l’en soulever ou l’en arracher, comme elle peut se mouvoir avec une rapidité qui semble inexplicable et apparaître entièrement calme ; de sa poitrine et de sa gorge peuvent monter les octaves, et les degrés de douceur ou de puissance de sa voix semblent presque infinis. J’avais avec moi Faucon, Blanche et Ruffian, tandis que Svanil avait avec elle l’Etoile, le Mont et le Rai et nous formions ainsi, pour une heure, une remarquable é quation. L’unicité de chacun de ces enfants est ici célébrée, non pour cultiver leur ego, mais plutôt pour s’en distancier, s’en libérer en se concentrant sur le trésor intérieur que chaque être porte en soi et, ainsi, quelque soit le moment partagé, c’est un peu comme un univers qui se révèle, un mystère qui se donne.

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