Tome 2 Défaire les murs et aller

Neuvième vendredi

Ce matin après l’aube tu courais, courais, tu courais dans le vent, pendant que je m’étirais – jusqu’à ce qu’à bout de souffle tu me rejoignes au bord de la falaise et t’étendes, ta tête nichée entre mes cuisses, haletant puis tranquille. Je ne sais si la nuit m’a porté conseil ( !) mais c’est comme si j’étais soulagée d’une décision prise, quand je l’ignore donc, de poursuivre cette chronique, ce journal des petits pas dans l’avenir, comme se faufilant entre tous ces destins bien peu attrayants qui rivalisent pour occuper la conscience des humains, ou la dominer, la convertir, la diminuer, l’endormir, la dévoyer… Donc, me voici dispose et patiente et contente avec toi dans le vent du petit matin, prête pour cette journée nouvelle sur notre navire – et telles sont donc les premières lignes de ce second tome de notre aventure sans nom. Aujourd’hui, selon la première partie de ce carnet de bord maintenant consignée aux soins de Vrit, est ainsi le neuvième vendredi : faut-il garder cette dénomination – et pourquoi pas ? L’avantage que je lui trouve est le rythme, ce rythme absolument sûr et perpétuel des révolutions de la Terre sur elle-même, alors même qu’elle suit son cercle autour du soleil et que tout l’univers et tous les mondes s’ordonnent à une échelle de temps qui pour nous parait éternelle. Et ainsi presque neuf semaines se sont écoulées depuis que j’ai curieusement ressenti le besoin de « déposer nos traces » : l’écriture était un champ d’expression inconnu pour moi, qui m’intimidait et me semblait peu fiable, ou trop rigide, trop

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