Tome 2 Défaire les murs et aller

Dixième jeudi

Il pleut ; depuis hier soir il pleut ; les enfants sont arrivés tout essoufflés d’avoir traversé le bois en courant – et bien mouillés ; nous faisons tous nos ateliers sous les toits et, pour nous accompagner, tu as, avec Martin et Yaël, branché sur les diffuseurs une suite de pièces musicales rythmiques, à la fois tranquilles et joyeuses ; ne s’activent dehors que deux ou trois, bien équipés, pour seconder Cleïm et Sémion qui renforcent les talus autour du potager et de la pépinière. Pas un seul des enfants n’a manqué un seul jour depuis qu’ils nous sont « arrivés » et je ressens dans ce simple fait l’expression d’une profonde détermination et aussi de quelque chose de plus rare, qui agit ou opère ou se manifeste dans un nombre, finalement assez grand, de personnes un peu partout, depuis le début de cette mascarade angoissante et débilitante qui veut s’emparer de tous, une sorte de volonté du corps, d’affirmation de sa loi d’harmonie, en dépit de tous les simulacres et de toutes les menaces et de tous les discours avilissants ; comme si, dans ces conditions tout à fai t délétères, il n’était plus question de se permettre aucune sorte de relâchement, de faiblesse ou d’indulgence et que tout désordre physique devait se résoudre dans le silence et la confiance intérieure. Alors que mes « élèves » sont bien arrimés à leurs études et croquis (de profondeurs et perspectives, et comment une intervention tout à fait minimale, d’un seul trait, d’un seul point, peut en changer la perception), je suis tentée d’aborder un sujet pourtant bien difficile à verbaliser, mais formidablement conséquent… il s’agit en fait de l’écroulement de toute la

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