Tome 2 Défaire les murs et aller

représenter tous les autres, assises ensemble sur une estrade lors d’une conférence de haut niveau, tout est « normal », il n’y a qu’une anomalie – toutes portent un masque sur le bas du visage, la moitié inférieure en est cachée, un masque qui ressemble plus à un bandage qu’à un élément ludique ou à une mesure d’anonymat, car ces personnes sont par ailleurs reconnaissables et ne semblent pas chercher à exprimer quoique ce soit d’autre qu’une règle de discipline incontournable. Cette image dit tout : voici ce que l’on peut faire de cette fière humanité, voici ce qu’on peut lui faire faire, par - delà l’absurdité la plus flagrante, par-delà tous les codes, tous les hauts principes et tous les préjugés, par-delà toutes les vanités, voici ce à quoi on peut, sans violence ni obstacle, l’obliger. Voici la preuve de sa faiblesse, de sa tare, de sa nullité. C’est fait ! J’écrivais plus haut le terme « extériorité » : pendant longtemps, bien longtemps, la conscience physique est inconsciente des dimensions intérieures ; elle ne voit et n’appréhende que les surfaces et même lorsqu’elle découvre et apprivoise ou explore les rouages et les fonctionnements des formes et des organismes, ce sont encore des surfaces, d’autres surfaces enceintes ou contenues et co ntenantes, et même lorsqu’elle décompose et dissèque et examine et scrute et observe l’infinitésimal ou l’infiniment grand, ce sont encore et toujours des objets, divers objets se contenant les uns les autres et se comportant selon des lois qu’elle peut é tudier et prévoir, des lois sur lesquelles elle peut compter. Ainsi, tout, absolument tout, est une extériorité.

Je me rends bien compte, en notant ceci, qu’il existe d’autres alternatives, d’autres options, d’autres approches et d’autres

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