Tome 2 Défaire les murs et aller

Et, alors qu’ils s’activaient ici et là dans la vaste demeure pour la préparation de ce simple festin, leurs rythmes semblaient se prolonger au-dedans, se densifier, se concentrer, comme une coalescence en chaque corps ; une communication semblait s’établir entre tous leurs gestes et mouvements, comme si leur milieu même devenait plus habité, par une même harmonie. Etait-ce une autre sorte de pesanteur, une pesanteur qui, au lie u d’une traction, d’un poids, ou d’une attache, s’éprouvait plutôt comme une densité heureuse, unissant les éléments : une flamme liquide gelée, comme une autre substance entièrement homogène, et cela semblait se comporter comme un aimant en chacun d’eux, un autel ou un seuil ou une main tendue, la main d’un autre habitant plus conscient… ?

Ainsi, par instants, se disaient leurs regards, tandis que leurs gestes contribuaient à l’ordonnance de leur dernier repas dans ces lieux.

Il y avait une vieille cloche de bronze, découverte dans les combles de la bâtisse, qu’ils avaient descendue dans l’entrée, nettoyée, astiquée et polie avant de la suspendre à une poutre transversale, à la hauteur de bras levés ; si lourde fût la cloche, les sons qui en émanaient lor squ’on la secouait ou la frappait étaient d’une inexplicable pureté et pouvaient longtemps se prolonger.

Evidemment, ce fut Tocsin qui la fit résonner, lorsque tout fut disposé.

L a nuit était presque installée, l’air était presque silencieux, quelques cr is d’oiseaux seulement ; ils étaient presque tous réunis ; la plupart étaient déjà assis en cercle, devant une lampe allumée, et quelques-uns venaient déposer

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