Tome 2 Défaire les murs et aller

non pas ce qu’on attendait de moi, mais ce que j’éprouvais, quelles que soient les conséquences et, ainsi, à travers beaucoup de tourments et de petits enfers j’ai appris à me fier à une sorte de liberté intérieure qui n’attendait rien de personne d’ex térieur, une liberté de présence au monde qui ne dépendait de rien ni de personne et qui, comment dire, transperçait l’humain ; et j’ai découvert que chaque être physique est réellement unique et combien les normes et les images sociales l’avilissent et le diminuent et le corrompent et comme il peut être utile de trouver pour chaque être et chaque corps sa propre relation au monde, non plus une image, mais une expression de cette unicité et, comme çà, par tâtonnements, de proche en proche, en me fiant à cette ancre verticale au- dedans, j’ai exploré les possibilités d’aider les corps, les personnes physiques, à créer leur propre harmonie, quelle que soit leur identité sexuelle, sociale ou raciale, et cela m’a ouvert à un avenir plus conscient, une aventure ha bitée de présence…, c’est comme un filon de douceur diamantée, une coulée toujours pure et vive et pleine d’infini… » Et Gomat, que nous dit-il ? : « les miens étaient tributaires d’une des dernières traditions orales, et nous étions tous engagés dans une sorte de théâtre permanent ; nous devions pour cela voyager, nous mêler à bien des pratiques d’expression et, sans m’en rendre compte, j’apprenais aussi bien l’histoire que la danse et le mime, le combat, le récit et une forme de diplomatie, comment atteindre tout autre, comment communiquer ; dans ce milieu il y avait aussi, comme résultat de proximités constantes, des corps malformés ou handicapés, qu’il fallait bien intégrer, mais ces conditions m’ont aussi donné la mesure de l’égoïsme qui régit l’existe nce des hommes, dans leur grande majorité et la plupart du temps, et j’ai voulu me tourner, comme les saints vagabonds que nous croisions souvent, vers une sagesse extrahumaine ; en même temps, depuis tout petit, je sentais quelque part que je ne saurais localiser, dans mon cœur peut -être, mais autrement, une force qui sait et qui aime et qui indique le

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