Tome 2 Défaire les murs et aller

A présent, c’est à Fran de nous dire : « mon enfance s’est déroulée au sein d’une grande famille de gens besogneux, chacun allait à la tâche sans faillir ni se poser de questions, mais ils partageaient un sens de l’honneur et des priorités et savaient prendre soin les uns des autres ; pourtant, je regardais toute cette activité et il y avait en moi une grande réticence, ils disaient « la vie, c’est comme çà, on fait ce qu’on peut, on entraide, que vouloir de plus, c’est notre lot à tous… ! », et il manquait du sens ; il y avait ce besoin de sens à l’existence, ne pas être happé par cette circulation enfermée, cette ignorance… plusieurs parents éloignés étaient des artisans et, auprès d’eux, je trouvais un rythme, un lien à l’infini : la concentration dans le geste juste, le souci de la perfection, de l’exactitude, de l’harmonie , pas pour quelque gain utilisable, mais pour le sens du bon travail, de l’œuvre fidèle et honnête envers ce qui est plus grand, ce qui nous dépasse, çà qui nous contient ; en fréquentant le tailleur de pierre, le tisserand, le potier, le menuisier, je trouvais ce silence orienté qui m’avait manqué ; pourtant je n’avais aucun don particulier et la vie me tirait ailleurs, alors j’ai senti que ce sens, je pouvais le trouver là -même, au-dedans de mon être physique, ce sens, ce lien, et cette présence ; il n’y a pas eu pour moi de moment décisif, ni de révélation, çà a été plutôt comme si je retrouvais peu à peu ma source et mon élément et ma voie, sans pensées ni sentiments, mais avec gratitude, et depuis, c’est là que je dépose tous mes jours et tous mes insta nts… » Alors, au tour de Faucon : « autant que je me souvienne, l’impression presque constante d’être dans la poisse, pris, comme empêché ; pourtant tout allait bien, enfin relativement bien si on en juge par les misères du monde, mes proches ont toujours été gentils, j’ai toujours eu ce qu’il fallait, mais c’était absurde, c’était … comme à côté, comme quand on vise une cible et se perd dans les broussailles à côté, alors j’essayais de me retirer, mais où, je ne savais pas, comme pour boire à la source, p our m’éclaircir, me nettoyer, me réveiller… et un

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