Tome 2 Défaire les murs et aller

m’inscrire dans la société et les réactions ou la désa pprobation ou les sermons bien intentionnés me poussaient dans ma coquille, où voulaient-ils en venir, quel était le sens vrai de tout ça ? Je ne sais pas comment, mais entre le rêve et l’activité physique j’avais trouvé une sorte de position dans mon corps, à l’abri de tout et de tous, où je pouvais respirer comme un courant vertical qui me connaissait et qui me répondait et qui, peut-être, me guidait ; je n’en parlais jamais, mais dés que je le pouvais, sans attirer l’attention, je me retirais là et, comm e souvent je m’occupais à fabriquer ou fignoler ou améliorer quelque chose, un objet, une petite machine, un appareil quelconque, on me laissait tranquille, on m’apportait des choses à réparer, finalement j’avais une sorte d’utilité qui me donnait un peu d’espace ; c’est petit à petit que j’ai appris que ce courant était mon ancre dans le monde, ou à travers le monde et, chaque fois qu’une ou l’autre des nécessités de la vie se présentait ou voulait s’imposer, je me rassemblais là, juste là, dans ce silence présent, vertical, fort et plein, et les choses finalement s’arrangeaient et mon chemin se traçait pas à pas et je comprenais mieux et davantage quelle est notre nature humaine et comment on peut en émerger… » Et Yaël, voici ce qu’il dit : « c’était une famille éclatée, ou satellisée, ça faisait comme une sorte de tribu dispersée mais reliée par le sang et les sentiments, ce qui était bien c’était qu’on se déplaçait tout en restant dans un même milieu bienveillant, mais c’était éprouvant aussi parce qu’on ne s’établissait nulle part, on ne s’engageait dans rien, on restait, finalement, entre nous et le monde tout autour apparaissait d’une trop grande complexité ou bien trop rigide et autoritaire et tout était très déconcertant, il manquait l’essentiel et, depuis je crois la fin de l’enfance ou le tout début de l’adolescence, peut -être parce que j’avais pris l’habitude de me ramasser dans mon cœur comme dans un abri, je sentais parfois, sans raison ni préavis, une sorte de pression sur la tête, au- dessus de la tête ; c’était presque un mal de tête, sauf que c’était

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